Les centres de santé dentaires.

Par Raphael Tedgui, Avocat.

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Explorer : # centres de santé dentaires # réglementation # accessibilité des soins # non lucratif

Les centres de santé sont des structures d’exercice regroupées de premier recours pratiquant des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre ou à domicile.

Le nombre de centres de santé dentaires a progressé de 25 % entre 2011 et 2016 [1] quand le nombre de centres de santé ayant une activité autre que dentaire diminuait.

L’augmentation du nombre de centres de santé dentaires est essentiellement portée par les centres de santé de statut associatif.

Focus sur la typologie des centres de santé dentaires, l’essor des centres de santé dentaires associatifs, leur cadre juridique et leur fonctionnement.

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A - Typologie des centres de sante dentaire et l’augmentation des centres associatifs.

En plus des centres de santé dentaires créés à l’initiative des Caisses Primaires d’Assurance Maladie (CPAM) dont le nombre est relativement faible, il existe deux grandes catégories de centres de santé dentaire créés à l’initiative soit d’organismes mutualistes soit de personnes privées gérés par le biais d’associations à but non lucratif.

Les seconds se sont multipliés ces dernières années et proposent des tarifs parfois bien inférieurs à ceux qui sont pratiqués par les chirurgiens-dentistes libéraux.

L’augmentation exponentielle du nombre de centres dentaire associatifs est liée à plusieurs facteurs.

Trois raisons se conjuguent pour expliquer cette progression dans le secteur dentaire :
- Un assouplissement législatif intervenu avec la loi HPST (Hôpital, Patients, Santé et Territoire) de 2009 qui a transformé l’autorisation préalable qui devait être effectuée auprès de l’Agence Régionale de Santé (ARS) à l’ouverture des centres en une simple déclaration accompagnée de la transmission d’un projet de santé et d’un règlement intérieur ;
- Les centres de santé dentaires se sont positionnés sur le marché des soins dentaires en proposant des prix affichés comme moins chers que ceux pratiqués par les chirurgiens-dentistes en exercice libéral ;
- Les aspirations sociales nouvelles des chirurgiens-dentistes jeunes et/ou en fin de carrière à un exercice collectif et à temps partiel. La part de chirurgiens-dentistes salariés progresse de façon lente mais régulière et a atteint 12% en novembre 2016.

Aux termes de l’article L6323-1 du Code de la Santé Publique, un centre de santé est une structure sanitaire de proximité dispensant principalement des soins de premiers recours.

Tout centre de santé, y compris chacune de ses antennes, réalise, à titre principal, des prestations remboursables par l’assurance maladie.

Conformément à l’article D6323-4 du Code de la Santé Publique, il assure des activités de soins sans hébergement et ne pratiquent pas l’anesthésie ou la chirurgie ambulatoire.

Les soins dispensés permettent le retour immédiat du patient à son domicile sans qu’il soit nécessaire d’assurer une surveillance au centre de santé ou après le retour au domicile.

Les patients sont de plus en plus attirés par les centre dentaires parce qu’il savent que ces derniers offrent à tous les assurés sociaux des soins à des tarifs conventionnels sans dépassement, ou à des tarifs maîtrisés pour les actes non remboursés.

En outre les patients peuvent aussi bénéficier de la dispense d’avance de frais pour les actes les plus courants.

Le modèle économique des centres de santé dentaires repose sur une maîtrise des coûts salariaux et des achats pour in fine réduire la facture pour le patient.

C’est notamment pour ces raisons que l’ouverture des centres dentaires associatif connaît un essor considérable.

B - L’évolution de l’encadrement juridique des centres de sante dentaire.

Consécutivement au retentissement de la célèbre affaire dite « Dentexia », la Ministre des affaires sociales et de la santé a saisi l’Inspection générale des affaires sociales d’une mission relative aux centres de santé dentaires aboutissant à l’élaboration d’un rapport intitulé : « Les centres de santé dentaires : propositions pour un encadrement améliorant la sécurité des soins »

Pour rappel, l’association Dentexia, qui exploitait cinq centres de santé dentaires, présentait plusieurs anomalies juridiques et financières et sa liquidation judiciaire a provoqué l’interruption des soins des patients suivis par ces centres, qui avaient majoritairement payé leurs soins d’avance.

La Ministre a souhaité que la mission examine la situation des centres de santé dentaires et mette en évidence les facteurs qui pourraient induire une situation voisine de celle rencontrée par l’association Dentexia afin de prévenir les dérives mises à jour par cette affaire et afin de garantir une offre de soins dentaires accessible et fiable.

Cette affaire ne doit toutefois pas remettre en cause le rôle médico-social joué en France par la majorité des centres de santé associatif.

Le rapport précité a conduit à différentes mesures sanitaires portées par les pouvoirs publics afin d’aboutir à un encadrement plus strict des activités.

Avant 2009, les centres de santé étaient soumis à un agrément préfectoral, délivré sous réserve de la réalisation d’une visite de conformité.

La loi HPST n°2009-879 du 21 juillet 2009 a supprimé cet agrément et instauré un régime déclaratif sur la base du respect de conditions techniques de fonctionnement par les gestionnaires de centres, mais sans réel contrôle effectif de l’ARS.

Cet agrément était assorti toutefois d’un projet de santé et d’un règlement intérieur précisant notamment les conditions d’hygiène et de sécurité [2].

En outre, chaque année, un rapport d’activité devait être fourni par le centre pour vérifier le respect des engagements pris.

Mais tant qu’un centre de santé dentaire respecte les prescriptions du code de la santé publique, avec des chirurgiens-dentistes diplômés et du matériel certifié et en respectant les protocoles de soins, il pouvait assez facilement obtenir l’autorisation de l’ARS.

C’est cette réglementation que les pouvoirs publics voudraient voir évoluer.

A l’origine, c’est l’Article 204 de la loi de santé du 26 janvier 2016 qui a lancé la réforme des centres de santé, en autorisant le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance.

Cet objectif initial de « simplifier et renforcer l’accès aux soins de premier recours » s’est ensuite mué en véritable volonté politique de renforcer l’encadrement des centres de santé, à la suite du scandale sanitaire de l’affaire Dentexia évoquée ci-dessus.

De ce point de vue, le montage du dossier auprès de l’ARS doit être particulièrement minutieux afin d’obtenir une autorisation rapide.

Pour l’essentiel, les évolutions concernent les missions des centres, les modalités de leur création et de leur fonctionnement.

Cette réforme a été l’occasion de renforcer le contrôle de l’Autorité Régionale de Santé (ARS) sur les activités des centres, tant à leur création qu’au cours de leur fonctionnement.

Les missions et les modalités de création.

Une caractéristique notable des centres de santé est le statut des professionnels qui y exercent puisque tous sont salariés, médecins, dentistes comme désormais les auxiliaires médicaux, l’ordonnance du 12 janvier 2018 ayant étendu ce principe du salariat à tous les professionnels du centre.

Pour autant, ces professionnels restent soumis aux règles déontologiques, notamment à l’interdiction d’utiliser tous procédés directs ou indirects de publicité [3].

L’ordonnance du 12 janvier 2018 a alors ajouté un alinéa interdisant toute forme de publicité en faveur des centres de santé.

Les documents fondateurs des centres de santé restent le projet de santé, qui porte notamment sur l’accessibilité et la continuité des soins ainsi que sur la coordination des professionnels de santé, et le règlement de fonctionnement qui lui est annexé.

L’arrêté du 27 février 2018 a d’ailleurs précisé le contenu de ces deux documents :

La nouveauté réside dans la création d’un engagement de conformité sous la responsabilité du gestionnaire du centre.

Le décret du 27 février 2018 en précise les modalités de mise en œuvre :
- transmission par le gestionnaire du projet de santé et de l’engagement de conformité ;
- contenu du récépissé transmis par l’ARS ;
- déclaration obligatoire auprès de l’ARS dans les quinze jours pour toute modification substantielle du projet de santé ;
- procédure de suspension de l’activité à l’initiative de l’ARS.

Cette nouvelle procédure renforce la place de l’ARS.

Un contrôle de l’ARS nettement renforcé.

La réforme de 2018, sans réintroduire un système d’autorisation préalable au fonctionnement, responsabilise les gestionnaires qui doivent désormais transmettre, en plus de leur projet de santé, un engagement de conformité avant l’ouverture d’un centre.

Le récépissé de cet engagement délivré par l’ARS vaut autorisation.

Cette mesure est complétée d’un dispositif de suivi annuel permettant à l’ARS de contrôler l’évolution de fonctionnement des centres de santé de sa région.

Chaque gestionnaire de centre de santé a désormais l’obligation de transmettre annuellement, avant le 1er mars, au directeur général de l’ARS des informations précises relatives aux fonctionnement et à la gestion des centres de santé notamment :
- coordonnées du centre de santé et de ses antennes ;
- identification du responsable du centre ;
- liste et effectifs des professionnels y exerçant ;
- description des activités assurées ;
- modalités de coordination interne et externe et informations financières.

Ce rapport annuel d’activité ne peut néanmoins suffire lorsqu’une modification substantielle du projet de santé intervient au cours du fonctionnement du centre de santé.

Le décret du 27 février 2018 définit ainsi cette nouvelle notion de modification substantielle du projet de santé et oblige chaque gestionnaire à en informer l’ARS dans les 15 jours suivant cette modification.

C - Le rôle de l’avocat.

Toute personne désirant ouvrir un centre dentaire devra en amont être conseillée sur les modalités du montage juridique, sur la gestion des futurs salariés et si c’est un dentiste exerçant déjà sous forme de SELARL, sur le sort de cette société.

Comme indiqué ci-dessus, dans le cadre de l’ouverture d’un centre de santé dentaire, il conviendra de fournir à l’ARS deux documents : le projet de santé et le règlement de fonctionnement qui lui est annexé.

Ces deux documents devront être rédigés de manière scrupuleuse afin d’éviter tout rejet de l’ARS.

Il est impératif d’être conseillé pour la rédaction de ces documents.

Par ailleurs, il conviendra également d’être accompagné pour la création de l’association et notamment pour la rédaction des statuts.

Une fois le centre dentaire ouvert, le fonctionnement du centre devra également respecter les dispositions législatives et notamment fiscales.

Les nouvelles dispositions de 2018 consacrent le critère du caractère non lucratif de la gestion des centres de santé.

C’est effectivement un point clef de la réforme de 2018 : le caractère non lucratif des centres de santé est érigé en principe légal, tout comme les conditions financières des centres qui doivent pratiquer le tiers payant et ne peuvent pas facturer de dépassement d’honoraires.

Le centre de santé dentaire associatif est soumis aux mêmes règles que toutes associations.

En effet, a l’instar de toutes associations, un centre de santé ne sera soumis aux impôts commerciaux que si son activité est reconnue par l’administration fiscale comme étant lucrative.

Le caractère lucratif d’une association gérant un centre de santé se déterminera au regard de critères définis au sein de l’instruction fiscale du 18 décembre 2006 du BOFIP (Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts).

Plus précisément, le caractère lucratif d’une association est déterminé par l’administration fiscale au moyen d’une démarche en trois étapes :
1. Examen du caractère intéressé ou non de la gestion de l’organisme : si le caractère intéressé de la gestion est avéré, l’organisme est soumis aux impôts commerciaux. Dans le cas contraire, il convient de passer à la deuxième étape ;
2. Examen de la situation de l’organisme au regard de la concurrence ;

L’organisme exerce-t-il son activité en concurrence avec des entreprises du secteur lucratif ?

Il faut distinguer deux hypothèses :
- l’activité de l’organisme ne concurrence aucune entreprise : dans cette hypothèse, l’activité de l’organisme n’est pas lucrative et elle n’est donc pas soumise aux impôts commerciaux ;
- l’activité de l’organisme est exercée en concurrence avec une entreprise : dans cette hypothèse, l’activité n’est pas pour autant systématiquement lucrative. Il convient en effet d’examiner si cette activité est exercée dans des conditions similaires à celles des entreprises du secteur lucratif.

3. Examen des conditions d’exercice de l’activité.

La comparaison des conditions d’exercice de l’activité est effectuée à l’aide d’un faisceau d’indices. Cette méthode, dite « des 4 P », consiste en une analyse de quatre critères classés par ordre d’importance décroissant : le « Produit » proposé par l’organisme, le « Public » visé par l’organisme, le « Prix » pratiqué et les opérations de communication réalisées « Publicité ».

Au terme de cette troisième étape, seuls les organismes qui exercent leurs activités dans des conditions similaires à celles d’entreprises commerciales qu’ils concurrencent, sont soumis aux impôts commerciaux.

Toutefois, ces critères ne s’appliquent pas aux organismes qui exercent leur activité au profit d’entreprises et qui sont, de ce fait, imposables aux impôts commerciaux (Titre 2).

Comme pour la création du centre et le dépôt du dossier auprès de l’ARS pour lequel un accompagnement par un avocat est vivement conseillé voire nécessaire, la gestion d’un centre de santé et notamment le respect des règles de gestion précitées nécessite l’accompagnement par un professionnel du droit afin d’éviter notamment de voir l’administration fiscale soumettre l’association aux impôts commerciaux !

Raphael TEDGUI
Avocat à la Cour
Membre de l’Institut des Avocats Conseils Fiscaux (IACF)
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Notes de l'article:

[1Données du répertoire FINESS : Fichier National des Etablissements Sanitaires et Sociaux.

[2Article L6323-1 du Code de la santé publique.

[3Cass, Civ 1, 26 avril 2017, n°16-14.036.

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