Partons de deux définitions acquises qui sont nécessaires pour comprendre ce régime.
Le fonds de commerce se compose d’une série d’éléments qui, assemblés, constituent une unité économique dont l’objet est de nature commerciale, comprenant des éléments corporels et des éléments incorporels.
Le fonds de commerce est un « meuble incorporel » au sens juridique du terme. Il manque néanmoins d’une réelle définition légale. Celui-ci peut être cédé à titre gratuit, notamment dans le cadre d’une transmission, ou à titre onéreux.
La cession d’un fonds de commerce n’est pas libre. Elle l’est d’ailleurs encore moins qu’une vente immobilière. Celle-ci est encadrée par une procédure strictement déterminée (II) bien qu’il soit paradoxal de constater que le contenu d’un fonds de commerce n’est pas fixé légalement (I).
Enfin, une attention toute particulière doit être apportée à cette opération spécifique qu’il est nécessaire de distinguer d’autres cessions (III).
I. Ce que l’on peut inclure dans une cession de fonds de commerce
A. Les éléments inclus dans la cession
1. Les éléments corporels :
Il faut tout d’abord aller au plus évident, c’est-à-dire la composante physique du fonds de commerce, à savoir ce qui peut être intégré à la cession. Cela renvoie essentiellement à la marchandise, qui désigne tout simplement les biens destinés à la vente ou location ainsi qu’au matériel qui représente le mobilier commercial servant à l’exploitation du fonds de commerce.
2. Les éléments incorporels :
a. La clientèle
C’est surement l’élément principal du fonds de commerce puisqu’il ne saurait exister sans lui. A tel point que certains les confondent. Il est la pierre angulaire du fonds en ce que tous les autres composants ne servent qu’à assurer le maintien de sa clientèle.
Une distinction supplémentaire doit être faite entre :
La clientèle fixe, celle qui entretient une relation de confiance et d’habitude avec le commerçant ;
De la clientèle ponctuelle dite « achalandage » qui s’explique par des facteurs objectifs de lieu, une situation.
b. Droit au bail
Ce droit au bail d’un fonds de commerce attribue une propriété commerciale à son preneur ce qui ouvre droit à un renouvellement du bail. En tant que propriété, et dans un cas de refus du renouvellement de ce bail, le donneur à bail doit payer une indemnité.
c. Signes distinctifs
Cela correspond aux signes utilisés par le commerçant afin d’attirer la clientèle. C’est le moyen de « se faire connaître », ce qui englobe le nom commercial, l’enseigne, la marque, voire désormais, le nom de domaine.
d. Créances et dettes
Le principe est que les créances et dettes ne font pas partie du fonds de commerce et sont donc exclues de la cession. Il demeure néanmoins des dérogations légales (contrats de bail, contrats de travail, contrats d’édition, impôts, clauses de non-rétablissement du précédent commerçant…).
e. Créations intellectuelles
Des droits sont attribués aux inventeurs sur leurs œuvres, via des brevets, dessins et modèles, droits d’auteurs..).
Ces biens sont susceptibles d’être incorporés au sein du fonds de commerce. Il faudra néanmoins porter attention aux différents régimes car ils diffèrent selon les titres de propriétés industrielles.
B. Les éléments exclus de la cession
Certains éléments sont de facto exclus d’une cession d’un fonds de commerce :
Les immeubles dont le commerçant est le propriétaire ne sont pas une composante du fonds de commerce et ils ne peuvent donc pas figurer dans l’acte de cession. C’est une jurisprudence acquise et fixe (Cass. Com. 31 mars 2009 n°08-14.180).
La majorité des contrats à l’exception du contrat de bail, des contrats de travail en cours, des contrats d’assurance et des contrats d’édition…
Les actions en justice du cédant relatives à la clientèle transmise.
En principe, toutes les dettes et créances avec des exceptions dans le cas où l’acheteur ne respecte pas certaines conditions et également dans le cadre de la solidarité fiscale.
Bien que le cessionnaire doive pouvoir avoir accès aux trois derniers exercices comptables durant trois ans à compter de la cession, les documents comptables ne sont pas transmis au sein de la cession.
II. Les formalités à accomplir pour céder son fonds de commerce
A. Les formalités préalables à la cession de fonds de commerce
1. Les formalités déclaratives à respecter
a. L’information aux salariés d’entreprise de moins de 250 salariés
Pour les entreprises composées de moins de 250 salariés, ces derniers doivent être obligatoirement informés du projet de cession du fonds de commerce et ce, dans un délai de deux mois avant la conclusion du contrat de vente. Cette nécessaire notification a pour but de permettre aux salariés de proposer une offre d’achat du fonds.
A noter que si le vendeur ne respecte pas cette condition préalable, une amende civile peut être prononcée représentant jusqu’ à 2 % du montant de la vente.
b. La déclaration préalable à la marie
Si le fonds cédé est localisé dans un espace de sauvegarde des commerces et de l’artisanat de proximité, la vente peut être soumise à un droit de préemption au bénéfice de la commune. Autrement dit, cette dernière doit avoir un droit d’achat prioritaire sur les tiers.
Cette notification préalable est adressée au maire qui dispose d’un délai de 2 mois pour exercer éventuellement le droit de préemption au profit de la commune.
2. Les conditions propres à l’acte de cession
Ces mentions sont d’ordre public et si l’une d’elles vient à manquer, l’acheteur pourra invoquer la nullité de la vente. Ainsi, l’acte de vente d’un fonds de commerce doit comporter :
Le prix de vente du fonds,
Le nom du précédent vendeur avec date et nature de son acquisition ainsi que le prix et les éventuels privilèges et nantissements,
L’état des actuels privilèges et nantissements,
Les marchandises et le matériel,
Les chiffres d’affaires sur le mois entre la clôture du dernier exercice et le mois qui précède la vente,
Les éléments du bail (date, durée, nom et adresse du bailleur et du cédant).
NB : En cas de promesse de vente et de compromis de vente, l’acte devra faire figurer ces mentions pour être valable.
B. Les diligences à respecter post-signature de l’acte de cession
1. Les publications et enregistrements à effectuer à la suite de la signature de l’acte de cession
a. Les publications dans les journaux légaux
Cette publication doit se faire dans les 15 jours de la cession par l’acquéreur au journal d’annonces légales. D’autre part, et dans ce même délai, le cessionnaire doit également publier la vente au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales.
b. L’enregistrement de l’acte de cession
Une fois signé, l’acquéreur doit également tenir informer l’autorité compétente sur la situation du fonds. Pour cela, il doit enregistrer l’acte auprès du Bureau de l’enregistrement du service des impôts.
Cet enregistrement engage des frais, qui sont à la charge de l’acquéreur (sauf disposition contraire).
c. L’enregistrement auprès du service d’impôt
Une déclaration doit en effet être adressée à destination du SIE (Service des Impôts) pour les informer de la mutation du fonds de commerce dans le mois qui suit la cession.
Cette déclaration permet le versement par l’acheteur des droits d’enregistrement et taxes additionnelles calculés sur la base du prix de cession préalablement fixé entre les parties.
d. L’enregistrement auprès du CFE compétent
L’acquéreur du fonds de commerce a deux possibilités puisqu’il peut soit créer une nouvelle société ou plutôt, s’il exerçait déjà une activité, déclarer un établissement secondaire. Pour cela, il doit s’adresser à son CFE afin d’effectuer les démarches nécessaires.
Pour éviter tout risque, l’acheteur peut demander la publication au BODACC de la vente laissant 10 jours, suivant la publication, aux éventuels créanciers du cédant pour se manifester.
2. Le séquestre du prix du fonds de commerce
Le prix du fonds de commerce de la cession sera retenu durant 5 mois, afin que toutes les formalités vues précédemment soient respectées.
Ainsi, un séquestre, au travers d’un avocat par exemple, pourra être nommé afin de préserver l’objet de la vente et permettre de recevoir les oppositions des potentiels créanciers.
III. Les particularités propres à cette opération
L’opération de cession de fonds de commerce présente des singularités qu’il est nécessaire d’envisager puisque peu souvent connues par les parties au contrat.
A. Le délai de solidarité
Par principe, l’acheteur d’un fonds de commerce demeure solidaire avec le cédant du paiement des bénéfices réalisés par ce dernier. Le délai de base durant laquelle cours cette solidarité est de 90 jours. Il commence à jouer à partir du jour du dépôt de la déclaration de résultats ou du dernier jour laissé pour le faire en cas de non réalisation de ce dépôt.
Néanmoins, depuis une loi rectificative pour 2016 du 29 décembre 2016, il est possible de réduire le nombre de jours si certaines conditions sont remplies. Pour cela, elle impose une série de condition :
Si l’avis de cession du fonds de commerce a été adressé à l’administration fiscale dans les 45 jours suivant la publication de la vente dans un journal d’annonces légales ;
Si la déclaration de résultats a été déposée dans les temps, c’est-à-dire dans les 60 jours suivant la publication de la vente dans un journal d’annonces légales ;
Si au dernier jour du mois qui précède la vente, le vendeur est à jour de ses obligations fiscales déclaratives et de paiement.
B. Distinguer cession de fonds de commerce et cession de droit au bail
Le droit au bail désigne le montant que le cessionnaire verse ou doit au locataire précédent, afin de bénéficier des dispositions et droits garantis par les baux commerciaux.
Il obéit à ses règles propres. De ce fait, ce droit au bail est une composante du fonds de commerce, il peut ainsi être un élément de la cession et le donneur à bail ne peut s’opposer à la cession. Cette absence d’opposition est originale car céder un droit au bail sans le fonds de commerce est bien plus difficile et ne peut pas se faire souvent, sans l’accord du bailleur.
Cela reste assez logique puisque le cessionnaire reprendra la même activité commerciale et même clientèle que son prédécesseur.
C. Les conséquences fiscales pour le cédant
Ces conséquences sont surtout pour le cédant étant donné que celles pour le cessionnaire correspondent essentiellement aux formalités d’enregistrement et à la solidarité fiscale.
Ainsi, il faut distinguer deux aspects ici avec d’une part les conséquences en matière d’impôt sur le revenu (1) et d’autre part celles concernant la TVA (2).
1. La cession de fonds de commerce et l’imposition immédiate des bénéfices
Le jour de la cession, l’opération provoque l’imposition des bénéfices hors taxes ce qui comprend :
Les bénéfices d’exploitation réalisés depuis la fin du dernier exercice taxé
Les bénéfices en sursis d’imposition, à commencer par les provisions précédemment constituées qui deviennent ainsi sans objet du fait de la cession
Les plus values de cession d’éléments d’actifs immobilisés dont la détermination et les modalités d’imposition sont spécifiques
Selon l’article 201 du Code général des impôts, le cédant a alors deux obligations à charge :
Il doit d’une part informer l’administration de la cession et de sa date d’effet en précisant certaines mentions obligatoires (nom, prénoms et adresse du cessionnaire).
Cette déclaration est adressée au CFE dans les 45 jours et ce délai commence à courir à partir de la publication de la vente dans un journal d’annonces légales. A savoir que cette publication doit elle, avoir lieu dans les 15 jours de la cession mais cette date d’entrée conditionnée à la prise en jouissance par l’acquéreur peut être repoussée si elle est postérieure à celle de la publication.
D’autre part, il doit déclarer le bénéfice réel accompagné d’un résumé du compte de résultat à destination du Service des impôts des entreprises (SIE) dans un délai de 45 jours également.
Les bénéfices seront imposés à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, en fonction de la situation de l’entreprise :
Lorsque l’entreprise relève de l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, il convient de procéder au dépôt d’une déclaration 2031 ou à une déclaration de revenu en ligne.
Lorsque l’entreprise est soumise à l’impôt sur les sociétés, il convient de procéder au dépôt d’une déclaration 2065.
2. L’imposition de la plus-value
La cession du fonds peut entrainer une plus-value pour le cédant qui est généralement qualifiée de plus-value professionnelle, elle-même décomposée en deux plus-values, une plus-value à court terme et une plus-value à long terme. La première est imposée aux taux progressif de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux de 15,5%, tandis que la seconde est imposée à l’impôt sur le revenu au taux de 16% et aux prélèvements sociaux à 15,5%. En pratique néanmoins, la plus-value réalisée est souvent exonérée.
En effet :
Sous certaines conditions, la plus-value liée à la vente du fonds de commerce peut être exonérée d’impôt.
La valeur vénale des biens cédés ou transmis ne doit pas dépasser 300.000 euros pour bénéficier de l’exonération totale. Au-delà de ce plafond, l’exonération est dégressive.
Par ailleurs :
L’activité doit avoir été exercée ou les parts détenues depuis au moins cinq ans.
Le cédant ne doit pas détenir à titre personnel plus de 50% des droits de vote ou du capital de la société acheteuse du fonds.
Le cédant ne doit pas non plus exercer une fonction de direction dans la société acheteuse.
Des régimes d’exonération existent également en fonction des recettes de l’entreprise cédante (exonération si activité exercée depuis au moins 5 ans et recettes inférieures à 250.000 euros en BIC), mais également, dans certains cas, pour les dirigeants partant à la retraite.
En conclusion, il apparaît que la cession d’un fonds de commerce peut également être réalisée en deux temps, via la signature d’une promesse (compromis de cession) qui permet de sceller définitivement ou presque l’accord entre les parties. Cette opération juridique particulière peut avoir des conséquences juridiques et fiscales préjudiciables pour chacune des parties en cas, notamment, de rédaction hasardeuse de l’acte de cession, qui peut, dans certains cas, ne pas traduire la volonté réelle des parties.