Une polémique qui dure depuis trois ans
Au moment des fêtes de Noël, la mairie de Béziers s’était dotée dans son hall d’une crèche, représentant donc la scène de la Nativité.
Or, l’article 28 de la loi 1905 concernant la séparation des Églises et de l’État dispose que « Il est interdit, à l’avenir, d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l’exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions. ».
Saisi par la Ligue des droits de l’homme et un habitant, le tribunal administratif de Montpellier avait validé la décision du maire, estimant que l’interdiction prévue à l’article 28 de la loi de 1905 ne concernait pas l’ensemble des objets ayant une signification religieuse, mais seulement ceux qui « symbolisent la revendication d’opinions religieuses ».
La cour administrative d’appel de Marseille n’a pas suivi ce raisonnement, annulant l’installation de la crèche, qui « ne résultait d’aucun usage local et n’était accompagnée d’aucun autre élément marquant son inscription dans un environnement culturel, artistique ou festif » [1].
Suivant la jurisprudence de 2016, le Conseil d’État a rejeté le pourvoi de la mairie de Béziers, considérant que la crèche municipale ne correspondait pas à un usage local.
Légalité ou non d’une crèche dans un lieu public : un examen au cas par cas.
En novembre 2016 [2], la plus haute juridiction administrative avait déjà tenté de clarifier le droit applicable aux crèches dans les bâtiments publics, après une série de jugements contradictoires de différents tribunaux et cours administratifs.
Se voulant pédagogique, le Conseil d’État rappelle qu’une crèche de Noël « est une représentation susceptible de revêtir une pluralité de significations », tant religieuse que traditionnelle et culturelle. Et partant, décide de faire du cas par cas.
Selon la solution retenue par les juges du Palais Royal, il convient d’examiner si la présence temporaire d’une crèche constitue ou non un acte de prosélytisme et si les conditions particulières de cette installation, l’existence ou l’absence d’usages locaux caractérisent une atteinte au principe de laïcité.
Le lien de l’installation importe également. Par là même, le juge opère une distinction entre :
Les bâtiments publics (Hôtels de Ville, de département, de région…), soumis au principe de neutralité des services publics : pas de crèche « sauf si des circonstances particulières montrent que cette installation présente un caractère culturel, artistique ou festif ».
Les autres emplacements publics, notamment l’espace public, assujetti à des règles plus souples : l’installation d’une crèche est légale « sauf si elle constitue un acte de prosélytisme ou de revendication d’une opinion religieuse ».
Le « caractère culturel, artistique ou festif », une notion floue.
En définitive, une crèche installée depuis longtemps dans un bâtiment public (usage local) et présentant un caractère culturel, artistique et festif minimise le risque d’être retirée.
On peut cependant regretter à la fois l’intransigeance du Conseil d’État au sujet de la crèche de Béziers, tout comme l’incertitude des contours de la notion de « caractère culturel, artistique et festif ». Certains arguent du fait qu’une crèche de Noël est, en soi, devenue le symbole d’une fête familiale et culturelle qui va bien au-delà de seule scène de la Nativité.
Cette appréciation in concreto mais forcément subjective risque de donner lieu à d’autres contentieux. C’est ainsi que cette année, une crèche a été autorisée au sein de l’hôtel du département de Vendée, mais interdite dans le conseil régional Auvergne-Rhône-Alpes.
Depuis, la commune de Béziers a, à nouveau, installé une crèche mais, selon les mots de son maire, Robert Ménard, avec une « dimension plus culturelle et festive » et accompagnée d’un sapin de Noël et d’une boîte aux lettres pour écrire au Père Noël. De quoi éteindre la polémique ?