L'intelligence artificielle en médecine : quelle responsabilité en cas d'erreur ? Par Kenza Sadad Lachheb, Doctorante en droit.

L’intelligence artificielle en médecine : quelle responsabilité en cas d’erreur ?

Par Kenza Sadad Lachheb, Doctorante en droit.

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Ce que vous allez lire ici :

L'article examine les enjeux juridiques de l'intelligence artificielle en médecine, notamment la responsabilité en cas d'erreur, le consentement éclairé des patients et la protection des données. Il souligne la nécessité d'un cadre législatif clair pour garantir une utilisation éthique de l'IA sans déshumaniser la relation médecin-patient.
Description rédigée par l'IA du Village

À l’ère du numérique, l’intelligence artificielle (IA) apparaît dans le secteur médical comme une promesse de révolution de la santé. Au-delà de l’utopie, une question se pose : Quelle est la responsabilité en cas d’erreur d’un algorithme ? Quels sont les droits du patient face à une décision médicale automatisée ? Cet article vise à explorer l’arsenal juridique entourant l’adoption de l’IA en médecine, en se basant sur une analyse des principes légaux, les cas concrets et les défis éthiques.
Bien que nous observons avec admiration un avenir où les systèmes d’IA pourrait examiner nos maladies avec des algorithmes, une question se pose : De qui émane la responsabilité si un robot prescrit du chocolat au lieu de médicaments pour un patient de diabète ? Explorez cette analyse pour découvrir tant les avancées de l’IA tant les enjeux juridiques et éthiques se cachant derrière ses nouveautés. Parce qu’en fin de compte, même les robots doivent respecter les lois et règlements, et nous avons tous besoin d’un bon avocat - ou, dans la plupart du temps, d’un bon chocolat !

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I- Le cadre juridique actuel et les lacunes en matière de responsabilité.

L’arsenal juridique relatif à la mise en œuvre de l’IA en médecine s’articule principalement sur des principes généraux du droit de la responsabilité civile et pénale. En matière d’erreur médicale advenue dans le cadre de l’utilisation d’une IA, la question cruciale devient de savoir qui est responsable : le médecin utilisateur, le fabricant du logiciel, ou l’établissement dans lequel le médecin exerce ? En droit marocain, les dispositions du Dahir des Obligations et Contrats (DOC) considèrent que le médecin n’est responsable que de son obligation de moyens et non de résultat (article 78 du DOC). Mais lorsqu’il existe une implication directe de l’IA dans ce type de contentieux, en tant qu’élément causatif d’un acte défectueux, comme la prescription d’un traitement inapproprié ou d’un acte chirurgical non sécurisé, la question devient difficile à résoudre. Pour illustrer cette difficulté de caractériser la responsabilité, prenons le cas d’un robot chirurgical provoquant une lésion grave au patient pendant l’opération au cours de laquelle il est utilisé. Le médecin qui a supervisé l’opération doit-il être qualifié de responsable alors qu’il ne contrôle pas directement l’appareil robotisé dans son fonctionnement ? Dans de telles situations où la responsabilité du dommage n’est pas globalement raisonnablement appréciable, une clarification législative est nécessaire afin qu’un régime de responsabilité particulier à l’égard des systèmes d’IA médicaux puisse exister.
Plusieurs affaires internationales mettent en exergue les défis juridiques de l’IA médicale. En effet, en 2019 aux États-Unis, un incident majeur a concerné un algorithme de diagnostic qui a mal analysé une radiographie, ce qui a occasionné le décès du patient en raison d’un retard de traitement. Le fabricant du logiciel et l’hôpital ont été conjointement impliqués dans la responsabilité légale. Cette jurisprudence illustre l’urgence d’un cadre législatif clair et approprié à la spécificité de l’IA. Au Maroc, encore peu nombreux sont les cas concrets, cependant la mouvance mondiale renseigne sur le besoin d’anticipation du droit avant que ces affaires ne se banalisent.

II- Le consentement éclairé du patient face à l’intervention d’une IA.

Le consentement éclairé constitue une exigence fondamentale de portée éthique qui sous-tend le fonctionnement des représentations de l’exercice de la médecine, de la prise en charge et du soin, comme le révèlent les codes de déontologie médicale et les lois cadres relatives à la santé publique. Cette exigence est centrale dans le cadre de l’information du patient sur les risques, bénéfices et options disponibles avant la réalisation d’une intervention. Or, l’intégration de l’IA dans la chaîne de décision médicale vient complexifier cette exigence. Un patient peut-il refuser qu’une IA soit partie prenante à son diagnostic ou à son opération ? De plus, l’information à laquelle il a droit inclut-elle une information technique sur le fonctionnement de l’algorithme en tant que système ? La jurisprudence internationale fait déjà état de cas où des patients ayant fait appel à un diagnostic automatisé ont contesté le diagnostic en raison d’une information qu’ils estimaient incomplète concernant les limites de la mécanique décisionnelle de l’IA. En conséquence, le législateur doit régler avec précision le consentement éclairé auquel doivent souscrire les patients désirant utiliser les technologies fondées sur l’IA.

III- Protection des données médicales et respect de la vie privée.

Le déploiement opérationnel de l’intelligence artificielle dans le secteur médical fait appel à la manipulation de données médicales massifs. Or, ces données font l’objet de protections juridiques, telle la Loi n° 09-08 relative à la protection des données à caractère personnel et le RGPD. Ainsi, le traitement automatisé des données doit respecter le régime des principes de finalité, de proportionnalité, et de consentement préalable du patient. Or, des incidents récents montrent encore des failles de sécurité des données médicales, telles que des fuites de données médicales stockées sur des dispositifs de stockage cloud. Aux établissements de santé utilisant l’intelligence artificielle de garantir la sécurité des données et leur conformité aux obligations légales, sous peine de sanctions aussi bien civiles que pénales.

Conclusion.

La médecine n’est pas seulement une science, mais elle est aussi un art fondé sur l’empathie, l’écoute de l’autre, l’intuition clinique. Une IA, aussi performante soit-elle, ne pourra jamais remplacer le contact humain qui est à la base de toute relation médecin-patient. En droit médical, le principe de bienfaisance impose à tout praticien d’agir dans le respect de l’intérêt de son patient. Cependant, l’usage grandissant d’IA dans ce domaine fait courir désormais le risque d’une déshumanisation de la médecine. L’étude collégiale de S. Moy (2024) [1] montre que, de manière générale, les patients préfèrent recevoir leur diagnostic d’un professionnel humain plutôt que d’une machine, même si l’IA permet de le faire plus rapidement. Il est alors du devoir du législateur de veiller à ce que l’usage de l’IA ne s’effectue pas au détriment des règles éthiques de la profession médicale.
En somme, Les dispositifs d’intelligence artificielle constituent une des opportunités majeures pour améliorer la qualité du soin ; mais ils ne peuvent remplacer l’expertise humaine. Un cadre juridique clair, définissant les responsabilités en cas de défaut, préservant les données à caractère personnel des patients, garantissant une utilisation éthique et respectueuse des technologies, doit permettre d’assurer une approche équilibrée de l’IA dans le champ médical. L’apport complémentaire des juristes, des professionnels de santé et des spécialistes de l’intelligence artificielle est incontournable pour établir une relation d’harmonie entre l’homme et la machine dont l’outil préservé au service du soin et non, dans tous les cas, un substitut du médecin.

Bibliographie :

  • McKinney, S.M., Sieniek, M., Godbole, V. et al. International evaluation of an AI system for breast cancer screening. Nature (2020 ;577:89–94 [2]) ;
  • Bohr A, Memarzadeh K. The rise of artificial intelligence in healthcare applications. Artificial Intelligence in Healthcare (2020:25–60. doi : 10.1016/B978-0-12-818438-7.00002-2. PMCID : PMC7325854) ;
  • Obermeyer Z, Powers B, Vogeli C, Mullainathan S. Dissecting racial bias in an algorithm used to manage the health of populations (Science. 2019 Oct 25 ;366(6464):447-453. doi : 10.1126/science.aax2342. PMID : 31649194).

Kenza Sadad Lachheb
Doctorante en droit | Chercheuse en Droit numérique de la santé - Université Sidi Mohammed Ben Abdellah

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Notes de l'article:

[1Moy S, Irannejad M, Manning SJ, Farahani M, Ahmed Y, Gao E, Prabhune R, Lorenz S, Mirza R, Klinger C. Patient Perspectives on the Use of Artificial Intelligence in Health Care : A Scoping Review. J Patient Cent Res Rev. 2024 Apr 2 ;11(1):51-62. doi : 10.17294/2330-0698.2029. PMID : 38596349 ; PMCID : PMC11000703.

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