Indemnité d’éviction : qui paie quoi dans l’hypothèse de la vente de l’immeuble ?

Par Guillaume Lasmoles, Avocat.

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A l’échéance du bail, le bailleur peut, dans toutes les hypothèses – à l’exception du bail contenant une promesse de renouvellement – refuser au preneur de renouveler le bail commercial en lui offrant le paiement d’une indemnité d’éviction.

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1/ Le principe de l’indemnité d’éviction.

Le principe est posé par l’article L145-28 du Code de commerce qui dispose qu’aucun locataire pouvant prétendre à indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux sans l’avoir reçue ; et ce maintien s’opère aux clauses et conditions du bail expiré [1].

En contrepartie du maintien dans les lieux, le preneur est redevable d’une indemnité d’occupation – égale au montant du loyer et des charges prévues aux termes du bail expiré Civ. 3ème, 11 février 2016, n°14-28.091 – de sorte que l’inexécution de l’une des obligations issues dudit bail est susceptible d’entrainer sa résiliation judiciaire et, par voie de conséquence, la déchéance de son droit à indemnité d’éviction [2].

2/ Le délai dont dispose le locataire pour faire valoir son droit à indemnité d’éviction.

En matière de baux commerciaux, la prescription relative aux dispositions du statut est régie par l’article L145-60 du Code de commerce qui dispose que « toutes les actions exercées en vertu du présent chapitre se prescrivent par deux ans ». Il en est donc de même pour l’action exercée par le preneur aux fins d’obtenir une indemnité d’éviction ; étant souligné que ce délai de deux ans commence à courir à compter de la date d’effet du congé [3].

On soulignera également que le locataire a le droit intangible de rester dans les lieux jusqu’à l’expiration du délai de prescription de l’action aux fins d’indemnité d’éviction (en contrepartie du paiement d’une indemnité d’occupation) et, dans l’hypothèse où il aurait saisi le tribunal dans les délais, jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction elle-même conformément aux dispositions précitées [4].

3/ Dans l’hypothèse d’une vente de l’immeuble, qui est débiteur de l’indemnité d’éviction ?

Il est constant en jurisprudence que le débiteur de l’indemnité d’éviction est le bailleur à l’origine du refus de renouvellement [5] ; et la vente de l’immeuble ne décharge pas ce dernier de son obligation de payer l’indemnité [6]. C’est en effet une dette personnelle au bailleur ayant refusé le renouvellement du bail, dont il n’est pas déchargé par la vente de l’immeuble [7].

L’article 1743 du code civil dispose que « si le bailleur vend la chose louée, l’acquéreur ne peut expulser le fermier, le métayer ou le locataire qui a un bail authentique ou dont la date est certaine » ; et sur ce fondement la jurisprudence rappelle que les dispositions précitées ont pour effet « d’instituer un lien indissociable entre l’immeuble et le bail qui en constitue l’accessoire, de sorte que le contrat de location est systématiquement transféré en cas de vente du bien loué » [8].

Il en est de même dans l’hypothèse d’une saisie immobilière ; le bail d’un immeuble saisi est opposable à l’adjudicataire, dès lors qu’il est rapporté la preuve de la réalité du bail et de son antériorité à la signification du commandement valant saisie immobilière [9].

Par conséquent, si le bail est opposable à l’acquéreur/adjudicataire, il n’est pas solidairement tenu de payer l’indemnité d’éviction, sauf clause expresse [10]. En revanche, le locataire peut opposer son droit au maintien dans les lieux jusqu’à complet paiement de l’indemnité d’éviction [11].

Si l’acquéreur n’est pas tenu de payer l’indemnité d’éviction, il souffrira néanmoins de l’absence de paiement de cette dernière par l’ancien bailleur, sauf à exercer son droit de repentir ou à payer lui-même l’indemnité.

La vigilance s’impose !

Maître Guillaume LASMOLES
Avocat en droit des affaires
Barreau de Montpellier
https://lasmoles-avocat.com/

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Notes de l'article:

[1Civ. 3ème, 4 janvier 1985, n°83-13.442

[2Civ. 3ème, 29 juin 2005, n°04-11.397

[3Civ. 3ème 10 décembre 1997, n°96-13373

[4Civ. 3ème, 5 septembre 2012, n°11-19.200

[5Civ. 3ème, 15 janvier 1974, n°72-13749

[6Civ. 3ème, 15 décembre 1999, n°98-13209

[7Civ. 3ème,30 mai 2001, n°00-10111

[8Civ. 3ème, 4 janvier 2005, n°01-14687

[9Civ. 2ème, 6 juin 2013, n°12-19116

[10Civ. 3ème, 15 décembre 1999, n°98-13209

[11Civ. 3ème, 18 février 1998, n°96-15030

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