LBO : quel impact sur la gouvernance de l'entreprise ? Par Paul-Marc Chamorand, Juriste

LBO : quel impact sur la gouvernance de l’entreprise ?

Par Paul-Marc Chamorand, Juriste

6919 lectures 1re Parution: 4.86  /5

Explorer : # gouvernance d'entreprise # lbo (leveraged buy-out) # investissement stratégique # transparence financière

Technique d’acquisition par emprunt, le LBO (pour "leveraged buy-out") est très répandu mais encore largement méconnu. Il constitue pourtant une alternative intéressante au financement bancaire traditionnel, à l’heure où de nombreux observateurs craignent que le renforcement des fonds propres des banques conduise à un resserrement du crédit en France. Aujourd’hui, de nombreuses sociétés de gestion se spécialisent dans le LBO, et on constate que, bien souvent, la relation instauré entre celles-ci et les managers a un impact très positif sur la gouvernance globale de l’entreprise.

-

Le LBO : un mécanisme financier

Les LBO, de manière générique, désignent les opérations de rachat d’une société avec effet de levier ou, en d’autres termes, par endettement bancaire. L’avantage de ce type d’opération est de permettre à des cadres dirigeants de prendre le contrôle de leur société avec un apport personnel minimum ; auquel cas on parle de "buy-out", puisque l’acquéreur est un manager de l’entreprise qu’il rachète, par opposition au leveraged "buy-in", cas dans lequel l’acquéreur est un investisseur extérieur à l’entreprise. Concrètement, l’acquisition de l’entreprise est financée par un emprunt bancaire dont le coût est bien en-deçà du taux de rentabilité escompté. Les cadres deviennent alors actionnaires majoritaires de leur entreprises par l’intermédiaire d’une société holding. Le remboursement de l’emprunt est ensuite financé par la remontée des cash-flows nets de l’entreprise rachetée vers la holding. La vocation de la holding, donc, est simplement de racheter la société cible, d’emprunter les fonds pour financer ce rachat, et de rembourser cet emprunt grâce aux bénéfices réalisés par la cible. Sur le plan fiscal, les frais financiers de la dette contractée peuvent être déduits du bénéfice imposable de la société cible, en application du régime d’intégration fiscale. Seule condition : que la holding détienne au moins 95% de ses parts. La plupart du temps, les LBO sont une réussite : une étude sur l’impact social de ce type d’opération montre que les entreprises sous LBO enregistrent une croissance deux fois supérieure aux plus grandes entreprises, et que c’est généralement aux dirigeants que le partage de la plus-value est le plus favorable.

Le LBO : un métier d’accompagnement

L’opération est donc couronnée de succès dans la mesure où la rentabilité de l’entreprise rachetée est supérieure au coût de l’emprunt : l’effet de levier est alors positif. Ce qui suppose évidemment que l’équipe de managers à l’origine du rachat soit performante ! C’est là qu’intervient la société de gestion spécialisée en LBO, par l’intermédiaire d’un fonds d’investissement, et dont la différence fondamentale avec une banque traditionnelle réside dans leur activité de conseil en stratégie tout au long de l’opération. Les nouveaux dirigeants, en effet, sont chargés de la gestion opérationnelle de la cible. Les sociétés de gestion qui interviennent dans le LBO quant à elles, hormis leur rôle d’investisseur en capitaux propres, s’impliquent également dans la gouvernance de l’entreprise en lui prodiguant un accompagnement stratégique. Bien souvent, celui-ci se traduit par la représentation d’un ou de plusieurs représentants du fonds au conseil d’administration ou au comité de surveillance.

Dès lors, le fonds a la possibilité d’aider les dirigeants à prendre des décisions pertinentes quant aux orientations stratégiques de l’entreprise. En tant qu’interlocuteur, et de par l’expérience dont il jouit, le fonds est donc le co-artisan de la politique d’innovation et de développement sectoriel et/ou géographique de l’activité. Jean-Pierre Créange, associé chez Pragma Capital, explique à ce titre que "la disponibilité, comme la capacité de compréhension des équipes du fonds, est LE facteur clé de succès des LBO. La société de gestion est co-responsable, avec l’entreprise, de la réussite de cette dernière." A propos de cette dimension relationnelle, Jean-Pierre Créange poursuit : "il appartient par ailleurs au fond de s’adapter à la culture de l’entreprise. Il s’agit d’une condition sine qua none à l’établissement d’une relation de confiance entre les salariés, les managers, et les intervenants que nous sommes. Il est fréquent que les associés de Pragma Capital aient à rassurer les dirigeants sur leur degré d’implication : nous intervenons assez peu pour nous garder de toute ingérence, mais suffisamment pour pallier aux interrogations, aux inquiétudes, et parfois à la solitude des managers." Un positionnement qui se traduit, chez Pragma Capital, par l’instauration d’un dialogue informel, permanent et adapté à la culture décisionnelle de l’entreprise. Outre leurs compétences en interne, les fonds d’investissements disposent d’équipes transversales composées de spécialistes dans les domaines économique, financier et juridique, auxquelles ils font appel pour valoriser leur implication dans la gouvernance des sociétés cibles. "En général le fonds n’intervient jamais dans le day to day mais est présent pour les décisions stratégiques. Il assiste aux conseils d’administration/ surveillance et reçoit mensuellement un reporting pour suivre sa participation", précise un expert à ce sujet.

L’alignement des intérêts : gagnant-gagnant

Investisseurs en LBO et dirigeants sont-ils forcément sur la même longueur d’onde ? Dans une entreprise à actionnariat atomisé, des divergences peuvent apparaître entre ses actionnaires et son équipe dirigeante, essentiellement dues au fait que les intérêts des premiers (généralement court-termistes et motivés par le gain) se heurtent à la vision stratégique de la seconde, de plus long terme. Autrement dit, les décisions prises par les dirigeants sont parfois incompatibles avec les objectifs fixés par les actionnaires, et inversement. Ce risque de divergence, et donc de blocage, est résolu par le modèle de gouvernance LBO. En effet, un fonds de private equity s’engage généralement sur un horizon temporel allant de 5 à 7 ans, garantissant de la sorte un actionnariat stable et durable, se manifestant à travers un interlocuteur unique, partie prenante au management. Les intérêts convergent donc vers un objectif unique : la création de valeur. Puisque le fonds a vocation à sortir du capital au terme de cette période, à laquelle l’entreprise arbitrera entre une sortie en bourse, un LBO secondaire ou la vente à un industriel, il est dans l’intérêt de tout le monde que le fonds, comme l’entreprise, y soient gagnants. Un dirigeant interviewé récemment confiait : "Les fonds doivent avoir une histoire à vendre lors du dénouement du LBO, ils ont donc besoin d’avoir une entreprise qui montre un potentiel de croissance encore important pour trouver un acquéreur à un prix intéressant". Un dirigeant de fonds témoignait, de son côté : "L’échec d’un LBO serait l’absence de plus-value ou la disparition d’une société. De ce point de vue, une erreur répandue est d’avoir fait une mauvaise analyse du marché. Ou bien les due diligences peuvent ne pas avoir repéré un problème important." D’où l’importance du dialogue et de la transparence entre les parties.

Managers : la bonne attitude

L’entrée des fonds d’investissements dans le capital des sociétés implique que les managers tolèrent un droit de regard sur leurs orientations stratégiques, particulièrement dans les conseils d’administrations ou les comités de surveillance où les fonds sont représentés. Il est par ailleurs fréquent qu’un comité d’audit (qui revoit les comptes) ou un comité de rémunération des cadres soient mis en place. Lorsque la stratégie de l’entreprise prévoit des opérations de croissance externe, un comité d’acquisitions peut également être envisagé. D’une manière générale, la gouvernance LBO induit que les managers observent une transparence totale dans la gestion de l’entreprise, à travers une information régulière et exhaustive. Ce besoin de transparence découle principalement des spécificités du mode de financement des opérations de LBO, au cours desquelles la holding d’acquisition est fortement endettée, ce alors que son actif est uniquement composé des participations qu’elle détient dans la société cible.

Mais ce qui compte par dessus-tout, pour le succès de la transmission, c’est la fibre entrepreneuriale des candidats au LBO. "Une transmission réussie, c’est l’adéquation d’un dirigeant (ou d’une équipe) compétent et motivé, avec un projet industriel crédible", souligne Thierry Thomann. D’autant plus que les fonds eux-mêmes adoptent une philosophie entrepreneuriale de ce type d’opération, régie par leur engagement de long terme dans le projet d’entreprise. Une philosophie partagée par Christophe Ramoisy, associé chez Pragma Capital : "Pragma Capital a adopté une approche entrepreneuriale du capital-investissement : c’est autour d’une vision partagée de l’avenir de l’entreprise que se bâtit un projet patrimonial sain et durable. Le financement par LBO est pour nous une activité de soutien à la croissance des entreprises. Investir, par nature, induit des risques. Notre rôle c’est de les minimiser, en aidant les managers à saisir des opportunités. A ce titre, Pragma Capital n’apporte pas que son expertise aux dirigeants. Il leur apporte aussi l’appui d’un réseau relationnel, où le dirigeant trouve appui, conseil, et parfois des partenariats." Ce que confirme prosaïquement Hervé Schrike : "Par-delà l’ingénierie financière, l’essentiel du capital-transmission réside dans l’apport immatériel" du fonds de LBO. Et visiblement, tout le monde y gagne. Une entreprise comme Mécalectro a connu quatre LBO en vingt ans, avec trois dirigeants différents, et elle est toujours la plus performante dans sa spécialité...

Paul-Marc Chamorand
Juriste droit des affaires

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

43 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

A lire aussi :

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 340 membres, 27854 articles, 127 257 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Avocats, être visible sur le web : comment valoriser votre expertise ?




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs