Il s’agit d’un réflexe pour chacun d’entre nous : pour illustrer une présentation, un site Internet ou un article de blog, quoi de plus simple que de reprendre une image trouvée sur Internet ? Pourtant, ces images peuvent être soumises au droit d’auteur. Certains photographes ou dessinateurs n’hésitent donc pas à poursuivre les particuliers ou les entreprises pour contrefaçon lorsque leurs œuvres sont réutilisées sans leur accord. Le plus souvent à tort.
Un cas d’école : les poursuites intentées par l’AFP.
Parmi les nombreux ayants-droits engagés dans cette logique, l’Agence France Presse (AFP) fait figure de cas d’école. Depuis quelques années, l’AFP mène une guerre sans merci aux internautes utilisant des images issues de ses reportages photographiques. Pour mener à bien cette tâche titanesque, l’AFP fait appel aux services de la société suisse PicRights.
PicRights a pour mission de débusquer les utilisations non autorisées des images de ses clients et de contacter les personnes considérées comme responsables de contrefaçons. Celles-ci se voient alors proposer un règlement du litige à l’amiable en payant une indemnité financière, sans quoi une action en justice serait intentée contre eux pour contrefaçon. Sont concernés aussi bien les blogueurs que les associations ou les entreprises, quel que soit leur bonne foi ou le type de média sur lequel l’image a été diffusée (Internet, presse ou télévision).
Le montant de l’accord amiable peut être négocié et les personnes concernées préfèrent généralement s’acquitter de la somme convenue plutôt que d’opter pour une action devant les tribunaux. Et pour cause : la plupart des personnes concernées, ignorant les subtilités du droit d’auteur, pensent réellement être en infraction.
Les textes de lois souffrent d’une grande imprécision.
Que nous dit exactement le Code de la propriété intellectuelle ? Tout simplement que le droit d’auteur s’applique à « toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination dès lors qu’elle présente un caractère original. » (article 112-1 du Code de la propriété intellectuelle).
Le législateur ne s’est toutefois pas donné la peine de préciser ce qu’est le « caractère original » d’une œuvre. Il est alors revenu au juge de faire une libre appréciation de ce concept. En l’occurrence, les juridictions ont considéré que le droit d’auteur pouvait s’appliquer à toute œuvre comportant un « effort créatif et un choix esthétique de nature à refléter la personnalité de son auteur » (Cour de cassation, Chambre commerciale, 5 avril 2018, 13-21.001, Inédit).
Pour être « originale », une œuvre doit donc avoir fait l’objet de choix esthétiques nettement identifiable.
On ne peut que déplorer le caractère flou, mou et incertain d’une telle notion qui permet de revendiquer abusivement la propriété d’un bien. Ce manque de clarté est dangereux pour les justiciables qui risquent l’arbitraire et se voient entraver dans leurs libertés.
Toute photographie n’est pas « originale ».
Qui plus est, les internautes accusés de contrefaçon ignorent qu’ils peuvent disposer d’arguments décisifs pour rejeter légitimement ces accusations.
Outre le fait que les « preuves » de la « contrefaçon » se limitent généralement à des captures d’écran réalisées sans constat d’huissier, ce qui leur retire toute réelle valeur juridique (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 2 juillet 2010, n° 09/12757), les internautes peuvent légitimement interroger le prétendu bénéficiaire du droit d’auteur sur le caractère original de la photographie litigieuse. Il revient alors à l’auteur de démontrer en quoi la photographie comporte un effort créatif de sa part (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 24 févr. 2012).
Or, lors de prises de vue d’un évènement public, tel un match de football ou un festival de cinéma, le photographe dispose rarement du libre choix du moment de la photographie et se voit imposer l’angle de la prise de vue ou le cadrage, si bien que la photographie ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur.
Les auteurs des clichés sont ainsi régulièrement déboutés de leurs accusations dès lors que la photographie en cause ne révèle aucune recherche personnelle sur les contrastes, la lumière ou les physionomies. De même, les tribunaux considèrent qu’un cliché instantané représentant une personnalité qui ne pose pas devant l’objectif ne révèle aucun apport créatif particulier et ne peut bénéficier de la protection du code de la propriété intellectuelle (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 24 février 2012, n° 10/10583). Cette même interprétation s’applique aux photographies prises « en rafales » avec un appareil numérique, nécessitant très peu d’intervention humaine pour obtenir un grand nombre de photographies (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 16 juin 2017, n° 16/04393).
En somme, le droit d’auteur tel que prévu par le Code de la propriété intellectuelle est une notion abusivement utilisée pour revendiquer un droit de propriété inexistant. Comment ne pas y voir une rente à la disposition de forces économiques dominantes venue entraver la liberté des internautes ?
Les justiciables, souvent démunis face à ces situations, se limitent à payer des indemnités indues dans le cadre d’accords présentés comme amiables, alors qu’il leur serait possible d’exercer pleinement leur droit de défense le plus légitime et de reconquérir ainsi leur liberté.
Discussions en cours :
Bonjour,
Je suis accusée d’avoir utilisé sur mon petit site internet une photo d’un lieu situé en Provence sans le respect des droits d’auteur. Je n’avais pas connaissance de ce droit. Dés réception du courrier d’un cabinet d’avocat, j’ai d’ailleurs retiré de mon site toutes les photos qui ne m’appartiennent pas.
Pour faire court, il me demande 960€ et si je ne souhaite pas payer, ils poursuivrons en justice. Cette somme me paraît démesurée par rapport au préjudice... Je vais donc répondre et je suis tombée sur votre article dans le cadre de mes recherches.
Je ne comprends pas un chose concernant l’originalité de la l’image. En effet, quand je consulte l’article L112-1 du Code de la Propriété intellectuelle sur légifrance, je ne vois pas la condition d’originalité de l’œuvre mais seulement "Les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l’esprit, quels qu’en soient le genre, la forme d’expression, le mérite ou la destination."
Pouvez-vous me dire ce qu’il en est ? Est ce que la mention d’originalité à été supprimée récemment ?
Merci par avance,
Cordialement
Bonjour,
Pourriez vous nous informer de la suite que vous avez accordez à ces courriers de mise en demeure... avez vous répondu ou pas... jusqu’où cela peut aller ?
Merci pour vos retours afin d’aiguiller des personnes qui vivent la meme situation.
Bien cordialement.
Bonjour,
Nous sommes dans la même situation. Les avocats (LEGI-ART) sont en train de nous poursuivre, et réclame une somme de 1200€ pour des photos de stars que le magazine réclame. Mais on a eu aucun avertissement du magazine auparavant, mais directement de PicRights.
C’est hyper stressant et je ne comprends pas non plus comment faire et me sortir de la situation.
Qu’en est-il de votre cas ? Avons-nous des recours ?
Merci,
Kelly
Bonjour,
Je suis intéressé par votre témoignage, où en êtes-vous dans cette affaire ?
Bien à vous,
Ok pour condamner les excès éventuels d’une société, mais ...
quand je lis "Comment ne pas y voir une rente à la disposition de forces économiques dominantes venue entraver la liberté des internautes ?" !!!
Je tiens à apporter mon témoignage de photographe : j’ai été victime de centaines de contrefaçons, réellement, et dans le même laps de temps j’ai reçu 1 ou 2 demandes d’autorisation d’utilisation de mes photos !
Donc dans l’immense majorité des cas, les internautes utilisent sans demander car pour eux le photographe "ne le verra pas" !
Et maintenant qu’il y a des moyens simples et gratuits de retrouver les copies, les copieurs s’étonnent et cherchent des excuses...
A la base, il suffit de demander l’autorisation !
Vous indiquez sur votre site : "la totalité du contenu composant le Site est protégée par la législation sur le droit d’auteur [...] toute reproduction [...] sont interdites sans l’autorisation écrite préalable du Directeur de publication du Site [...] sous peine de constituer un délit de contrefaçon de droit d’auteur [...] puni de deux ans d’emprisonnement et de 150.000 euros d’amende."
Vous allez me dire "oui mais le contenu de notre site est original..."
bien sûr... Mes photos aussi sont originales... Je n’ai pourtant pas une prétention élevée au point de mentionner, ne serait-ce que mentionner, sur mon site de l’emprisonnement ou 150.000 euros d’amende. Non, je demande dans la grosse majorité des cas moins de 300 euros pour une contrefaçon sur un site professionnel, dans l’idée que tout travail mérite salaire, et dans le respect du droit, sans abus. Pour les particuliers, et encore, uniquement ceux qui ont enlevé ma signature, je demande juste de remettre la signature.
On m’a déjà sorti le prétexte "la photo doit être originale" en toute mauvaise fois, la photo l’était, originale, je sais de quoi je parle...
Je voulais donc apporter un autre éclairage, je ne suis pas avocat, je trouve que les tribunaux sont suffisamment débordés par des affaires plus graves,
je propose aux internautes de demander l’autorisation, et quand contrefaçon il y a, un montant honnête peu régler l’affaire à l’amiable (surtout si la photo est originale :)
Quand un site demande 1900€ pour un règlement à l’amiable pour une copie de photo qui est retrouvée sur une vingtaine de site et qui date de plus de 15ans, on peut se demander parfois si ce n’est pas de l’abus.
Nous sommes une petite association culturelle à but non lucratif appelée Les Rendez-Vous de Saint Estève, composée uniquement de bénévoles qui organise au Théâtre de l’Étang à Saint Estève (3 km de Perpignan), un établissement municipal, un cycle de conférences mensuelles, appelées CEPS, à entrée libre et gratuite. De plus, les conférenciers viennent gracieusement.
La communication de ces conférences est assurée en partie par publication sur le site web du Théâtre de l’Étang : www.theatre-de-letang.fr
Le 12 juin 2023, est programmée une conférence de Pierre Micheletti, président de l’ONG « Action contre la faim », sur le thème de l’Afghanistan. Pour annoncer cette conférence, nous avons écrit un petit texte et l’avons accompagné d’une photo représentant un marché de plein air à Kaboul, qui nous semblait pertinente pour illustrer la communication de la conférence. La photo incriminante, prise par Noorullah Shirzada, a été copiée de bonne foi depuis le site :
https://theconversation.com/en-afghanistan-la-crise-humanitaire-risque-de-deboucher-sur-une-famine-catastrophique-168293
Particularité notable, ce site présente un texte de Pierre Micheletti, concepteur et responsable pédagogique du diplôme universitaire « Santé, Solidarité, Précarité » à la Faculté de médecine de l’Université Grenoble- Alples, le même qui sera le conférencier de notre conférence.
Le cabinet d’avocats Reynal - Perret (17 rue du commandant Cousteau à Bordeaux, 09 81 75 35 55, cabinet chez reynal-perret.com) a envoyé le 14 mars, à Anne Cancalon, directrice du Théâtre de l’Étang, une lettre comminatoire avec réponse avant le 4 avril sous peine d’une amende de 710 € à payer pour utilisation abusive de cette photo. Le théâtre de l’Étang s’est retourné naturellement vers nous puisque c’est nous qui lui avons communiqué la photo pour annoncer médiatiquement notre conférence. La photo a immédiatement été retirée du site.
Nous contestons l’interprétation de photo originale que fait ce cabinet d’avocats car la photo a un caractère journalistique tout à fait normal. Le cabinet d’avocats a fourni au Théâtre de l’Étang, une copie capture d’écran comme preuve de la contrefaçon mais réalisée sans constat d’huissier.
Nous avons besoin de votre aide car nous ne savons pas si la manœuvre du cabinet d’avocats agissant au nom de l’AFP est un copyright trolling abusif piloté par la société PicRights ou bien si réellement nous aurons à payer cette somme exorbitante pour notre association au titre de dommages-intérêts.
Que devons-nous répondre ou faire maintenant ?
Bonjour,
J’ai malheureusement et en toute bonne foi copié une photo trouvée sur internet pour la coller dans un article sur notre site internet associatif : il s’agit d’un joli char du défilé du Carnaval de Nice....
Après plusieurs demandes de dédommagement reçues par email puis par courriers postaux simples d’une société basée en Suisse (PicRights Europe GMBH), j’ai décidé de ne pas payer les 305 € qu’on me réclamait comme à d’autres personnes dans le même cas rencontrées sur internet (vu divers discussions à ce sujet sur des forums) et confortée par ce que j’ai pu lire sur le site village-justice.com, à savoir :"... Toute photographie n’est pas « originale ». Qui plus est, les internautes accusés de contrefaçon ignorent qu’ils peuvent disposer d’arguments décisifs pour rejeter légitimement ces accusations. Outre le fait que les « preuves » de la « contrefaçon » se limitent généralement à des captures d’écran réalisées sans constat d’huissier, ce qui leur retire toute réelle valeur juridique (Cour d’appel de Paris, Pôle 5 - chambre 2, 2 juillet 2010, n° 09/12757), les internautes peuvent légitimement interroger le prétendu bénéficiaire du droit d’auteur sur le caractère original de la photographie litigieuse. Il revient alors à l’auteur de démontrer en quoi la photographie comporte un effort créatif de sa part (CA Paris, pôle 5, 2e ch., 24 févr. 2012). Or, lors de prises de vue d’un évènement public, tel un match de football ou un festival de cinéma, le photographe dispose rarement du libre choix du moment de la photographie et se voit imposer l’angle de la prise de vue ou le cadrage, si bien que la photographie ne peut bénéficier de la protection du droit d’auteur....."
Aujourd’hui, je reçois un courrier recommandé avec accusé de réception du cabinet Reynal-PERRET me demandant cette fois-ci "à titre amiable" près double de la somme (705 €) "avant le 30 novembre " faute de quoi sa "cliente se réserve la possibilité d’engager toute action utile" à mon encontre....
Je n’ai donc jamais répondu, ni payer bien sûr quoi que ce soit, mais que me conseillez-vous maintenant ?
Faut-il payer ?
Faut-il répondre ? et si oui quoi ?
Faut-il ne rien faire et attendre ?
Merci de votre réponse.
Très cordialement
Bonjour,
Votre témoignage m’intéresse. Puis-je vous demander comment s’est terminé cette affaire ?
Bien à vous,
Bonjour,
Sur Suisse, le fameux (caractère original d’une image) n’est plus en vigueur. Peu importe l’image, celle-ci est dorénavant totalement protégée. Par contre, je ne sais pas si cette nouvelle mouture de loi est européenne ou typiquement Suisse .