I. Une protection déjà assurée par le droit d’auteur.
Contrairement à certaines idées reçues, les podcasts ne sont pas dépourvus de protection juridique. Le droit d’auteur et les droits voisins couvrent déjà la création et la diffusion des contenus audio, permettant ainsi aux créateurs et interprètes d’obtenir une reconnaissance légale.
A. Le podcast en tant qu’œuvre protégée par le droit d’auteur.
L’article L112-2 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) liste les catégories d’œuvres protégées par le droit d’auteur, incluant notamment les œuvres audiovisuelles, radiophoniques et sonores.
Un podcast peut ainsi être qualifié juridiquement comme une œuvre sonore originale, ce qui lui confère une protection automatique dès sa création.
Dans cette perspective, un podcast peut être juridiquement reconnu comme :
- Une œuvre de collaboration lorsqu’elle est créée par plusieurs auteurs (scénaristes, journalistes, réalisateurs).
- Une œuvre collective lorsqu’elle est produite sous la direction d’une entreprise qui publie le contenu sous son nom.
- Une œuvre composite si elle intègre des extraits d’œuvres préexistantes (musique, archives sonores, lectures littéraires).
De cette qualification découle l’application des droits exclusifs de l’auteur, notamment :
- Le droit de reproduction (article L122-3 du CPI) : toute diffusion du podcast sur une plateforme nécessite l’accord du titulaire des droits.
- Le droit de représentation (article L122-2 du CPI) : la mise à disposition d’un podcast constitue un acte de communication au public qui requiert l’autorisation de son auteur.
B. Les droits voisins des artistes-interprètes dans les podcasts.
Outre les auteurs, les artistes-interprètes (animateurs, chroniqueurs, comédiens, invités réguliers) bénéficient de droits voisins du droit d’auteur définis par l’article L212-1 du CPI.
Ces droits incluent :
- Un droit moral, qui permet à l’artiste de revendiquer la paternité de sa prestation et de s’opposer à toute modification portant atteinte à son intégrité.
- Un droit patrimonial, qui garantit une rémunération en cas d’exploitation commerciale de son interprétation.
Cependant, le CSPLA souligne dans son rapport [1] que ces droits sont encore mal appliqués dans le secteur du podcast, où la rémunération des artistes-interprètes est souvent forfaitaire et ne prend pas en compte les rediffusions ou exploitations secondaires.
II. Une rémunération encore insuffisante et jugée déséquilibrée.
Si les podcasts sont juridiquement protégés sous réserve d’originalité, leur modèle économique reste fragile.
Aujourd’hui, trois catégories d’acteurs souffrent particulièrement d’un manque de rémunération équitable :
- Les auteurs (scénaristes, réalisateurs, créateurs de concepts).
- Les artistes-interprètes (animateurs, chroniqueurs, invités).
- Les producteurs de podcasts, en particulier les indépendants.
A. L’exploitation gratuite des podcasts par les plateformes.
Le modèle dominant repose sur l’accès gratuit via des flux RSS, qui permet aux plateformes d’agréger et diffuser les contenus sans compensation automatique pour les créateurs.
Contrairement aux producteurs de musique ou aux sociétés audiovisuelles, les producteurs de podcasts ne bénéficient pas d’une rétribution directe lorsque leur contenu est diffusé sur Spotify, Apple Podcasts ou Deezer.
Le CSPLA met en avant une asymétrie entre les plateformes et les créateurs, appelant à un meilleur partage de la valeur à travers des accords contractuels plus équilibrés.
B. Le rôle des organismes de gestion collective (OGC).
Les organismes de gestion collective (OGC), tels que la SACD, la SCAM, l’ADAMI et la SPEDIDAM, jouent un rôle clé dans la gestion des droits d’auteur et voisins.
Cependant, leur intégration dans l’économie du podcast reste limitée :
- Les producteurs de podcasts doivent encore négocier individuellement avec les OGC, contrairement aux radios et plateformes de streaming musical.
- Les artistes-interprètes de podcasts perçoivent des rémunérations très faibles via les OGC, de l’ordre de quelques euros par an, ce qui ne permet pas une reconnaissance économique viable.
- Les producteurs indépendants sont désavantagés par rapport aux grandes radios, qui bénéficient d’accords négociés collectivement avec les OGC.
Le CSPLA recommande donc une meilleure structuration des relations entre producteurs, plateformes et OGC pour assurer une répartition plus juste des revenus issus de l’exploitation des podcasts.
C. La nécessité d’un cadre contractuel plus équilibré.
Enfin, le rapport pointe la nécessité d’établir des contrats types entre producteurs et créateurs, afin d’assurer une rémunération proportionnelle aux exploitations des podcasts. Actuellement, les contrats de cession de droits sont souvent inadaptés ou insuffisamment protecteurs, ce qui freine la professionnalisation du secteur.
Conclusion.
Le CSPLA confirme que les podcasts sont bien protégés par le droit d’auteur, mais souffrent d’un manque de structuration économique.
Plutôt qu’une réforme législative immédiate, le rapport prône une approche fondée sur une meilleure application des droits existants pour assurer une protection effective des auteurs et artistes-interprètes, mais également une réorganisation du modèle économique en impliquant davantage les plateformes et les OGC dans la redistribution des revenus.
Le CSPLA recommande ainsi d’ouvrir urgemment des négociations, afin d’aboutir à une rémunération « proportionnelle et appropriée » pour les auteurs, producteurs et artistes-interprètes de podcasts.