L’article L122-5 du Code de la propriété intellectuelle énumère au rang des exceptions au strict régime des droits dits patrimoniaux les « citations » et autres « analyses, justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information de l’œuvre à laquelle elles sont incorporées ».
La première condition exprimée par le code concerne donc le but particulier que la citation cherche à atteindre : critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information. En ce sens, le droit de citation reste donc très large.
Mais elle doit surtout être « courte ». Cette brièveté s’apprécie non seulement par rapport à l’œuvre de départ (il ne faut pas reproduire une part trop importante de l’œuvre citée) mais aussi par rapport à l’œuvre d’arrivée (il n’est pas possible de ne constituer son ouvrage que de citations). C’est ainsi qu’une trentaine de citations rassemblées dans une plaquette seront considérées comme une contrefaçon, alors que les mêmes citations intégrées à une étude de deux cents pages bénéficieront de l’exception légale. Le critère dominant reste celui de la concurrence entre l’œuvre qui cite et l’œuvre citée. La première ne doit en aucun cas pouvoir se substituer à la seconde. Il n’est donc pas possible, par exemple, de citer deux vers complets d’un haïku ou, a fortiori, de faire un haïku de trois lignes extraites d’un roman. Et il n’existe pas de barème précis.
Les choses sont encore plus complexes à présent pour ce qui concerne les paroles de chansons. En 2019, la Cour d’appel de Versailles a en effet rendu une décision cinglante à l’occasion d’un litige ayant opposé les ayants-droits de Jean Ferrat à une maison d’édition ayant publié sa biographie, laquelle contenait soixante extraits de chansons.
Les héritiers plaidaient « qu’une chanson dont la musique a été écrite sous des paroles originales conçues spécifiquement pour elle représente un ensemble non séparable ; que les paroles et la musique ne relèvent pas alors d’un genre distinct ».
Par conséquent, aux yeux des magistrats, « l’extrait est tiré de son contexte » et « ne représente qu’un aspect de la pensée de l’auteur, découpé de l’œuvre et constituant un reflet incomplet de celle-ci ».
Mieux vaut donc pour l’heure procéder par des demandes d’autorisation, ce qui interdit presque le principe même des biographies objectives de génies musicaux ou l’allusion par un protagoniste de roman à une chanson douce ou pas qu’il écouterait au cours de ses aventures.
L’exception de citation nécessite par ailleurs de remplir une autre condition, d’ailleurs sous-jacente dans la loi puisqu’il s’agit du respect du droit moral de l’auteur.
Lorsqu’on cite, il est en effet nécessaire de respecter l’esprit de l’œuvre dont la citation est tirée, mais également sa forme, etc. Seules les véritables dénaturations sont en théorie répréhensibles, c’est-à-dire celles qui ont tendance à donner une vision fausse de l’œuvre citée. De même, le citateur ne doit pas oublier de mentionner sa source - cette autre obligation légale découle par surcroît du droit au respect au nom. Cette règle s’applique également au patronyme du traducteur.
Ajoutons qu’il est prohibé de citer un document inédit sans y être habilité par son auteur ou sa succession, en raison du droit dit de divulgation.
L’hommage ou la référence est donc un art bien délicat et surtout périlleux…