Harcèlement moral après divorce : comment s’en défendre ?

Par Patrick Cocheteux, Avocat et Patrick Francis Cocheteux, Juriste.

85206 lectures 1re Parution: 6 commentaires 4.87  /5

Explorer : # harcèlement moral # violence psychologique # divorce # défense juridique

Les circonstances d’un divorce peuvent être parfois la révélation de violences psychologiques déjà exercées jusque-là par un époux contre l’autre ou le moment choisi par l’un pour se déchaîner contre l’autre. Le harcèlement moral après divorce est donc parfois un révélateur psychologique des conjoints et l’occasion d’un débat juridique. Le harcèlement moral, ou violence psychologique, est défini comme « des agissements répétés » qui entrainent une dégradation des conditions de vie du conjoint victime, avec un impact sur sa santé physique ou psychologique (article 222-33-2-1 du Code pénal).

-

Savoir repérer les violences psychologiques.

Il n’est pas toujours facile pour la personne [1] qui les subit de savoir repérer les violences psychologiques quand elle est dans un climat amoureux. L’ampleur des sentiments éprouvés cache les petites manipulations quotidiennes et répétées et fait croire à la victime que l’amour étant inconditionnel, il ne s’agit que de petits évènements ne méritant pas qu’on y prête attention. La maltraitance psychologique n’est ainsi pas identifiée par la victime elle-même. Cette maltraitance n’est ensuite pas identifiée non plus par la personne à qui elle est rapportée, commissariat ou juge mal préparés à concevoir l’idée même de violence psychologique.

Celle-ci correspond en fait à des actes commis psychiquement dommageables dont on peut donner quelques exemples : le chantage affectif ou au suicide, l’indifférence affective et sexuelle, le dénigrement systématique avec disputes répétées, les injonctions contradictoires en terme de caprices, les actes visant à isoler le conjoint(e) de ses parents et alliés et de ses amis, le refus d’avoir un enfant sans raison, la jalousie maladive sans cause. La liste n’est pas exhaustive et traduit toujours une emprise psychologique d’un conjoint sur l’autre. Cette emprise est d’autant plus imperceptible qu’elle est parfois admise par la victime comme existante pour son propre bien.

Les formes du harcèlement moral après divorce.

La négociation des termes du divorce est déjà bien souvent l’occasion d’une pression psychologique quand la procédure est faite par consentement mutuel. Le conjoint manipulateur a évidemment intérêt [2] à préférer la convention dont il tirera le maximum d’avantages en termes de prestation compensatoire ou de droit de visite et d’hébergement pour les enfants. La convention permet également de cacher les motifs du divorce et donc la révélation des violences psychologiques exercées jusque-là.

L’après divorce est également l’occasion pour le conjoint manipulateur de continuer d’exercer son « art ». Les moyens classiques employés sont les incidents à propos du passage de bras, l’emploi répété de mains courantes à charge, l’instrumentalisation du JAF avec des requêtes successives pour des augmentations de pensions alimentaires et limitation du droit de visite, le signalement aux services sociaux avec exagération des faits, la conduite des enfants chez le médecin pour accumuler des « preuves » de maltraitance.

Les moyens de se défendre.

On voit trop souvent la victime abandonner les moyens de sa défense soit par lassitude, soit par devoir envers les enfants, soit par bonheur retrouvé de ne plus avoir affaire avec une personne toxique. Et elle se résigne à payer toujours plus de pension alimentaire ou même accepte une composition pénale injustifiée sur le fond. Sur ce point, l’exploitation des enfants diagnostiqués hyper actifs est assez facile par le manipulateur car un problème d’autorité parentale entre l’enfant et l’ex-conjoint victime peut vite être exploité comme une maltraitance sur mineur. Même sans parler d’enfant hyper actif, la Cour de Versailles [3] a eu l’occasion d’indiquer que "si la prise en compte de la parole de l’enfant en justice est une exigence légale, néanmoins l’audition d’un mineur ne doit pas être instrumentalisée par l’un ou l’autre des parents en l’exposant à un conflit de loyauté et en faisant de lui l’arbitre du conflit".

Il ne faut donc pas hésiter à exercer une défense active d’abord devant le JAF et ensuite en déposant plainte si nécessaire. Une requête au JAF peut être faite pour demander l’examen psychologique du parent harceleur(e) (COJ art. L 213.3). Une plainte pourra viser le harcèlement moral (article 222-33-2-1 du Code pénal) et la dénonciation calomnieuse (art.226-10 Code Pénal) ou la dénonciation de faits imaginaires (art.434-26 Code Pénal). Est également à considérer le fait que d’utiliser les enfants pour faire pression sur l’ex-conjoint peut constituer une manipulation sur les enfants et nuire à leur équilibre. Certains parents n’hésitent pas par exemple à faire écrire aux enfants des courriers auxquels les enfants ne pensent pas naturellement tant les rapports oraux paraissent plus naturels aux enfants que les écrits pour avoir l’écoute de leurs parents. Ces « preuves » visent évidemment à rapporter un mal être de l’enfant comme conséquence du comportement de la victime du harcèlement mais constituent surtout des preuves du comportement du parent harceleur(e).

Lorsque la nouvelle compagne ou le nouveau compagnon du parent harcelé subit les assauts du harceleur(e), ce tiers à la procédure ne doit pas hésiter à apporter son aide. Des dénigrements sur son compte Facebook sont souvent le signe avant-coureur de manœuvres plus insidieuses et peuvent donner lieu à plainte pour injure.

Conclusion.

La personne harcelée moralement est prise dans un mécanisme paradoxal. En effet, d’une part, l’action juridique, pour être efficace contre un(e) harceleur(e) doit se doubler d’un mécanisme de contre manipulation psychologique. Se mettre à distance et renforcer sa propre estime de soi restent les pare chocs les plus efficaces.
Mais en même temps que la psychologie réclame de prendre de la distance sur le sujet du harcèlement subi, d’autre part, la procédure juridique y ramène constamment. Le partage du temps entre le rendez-vous chez le psychologue et le rendez-vous chez l’avocat est absolument nécessaire.

Patrick Cocheteux, Avocat Associé PCX AVOCATS
Patrick Francis Cocheteux, Juriste, PCX AVOCATS

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

84 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1On a parfois tendance à considérer que le harcèlement moral est toujours le fait de l’ex-mari ce qui est évidemment faux.

[2Voir AJ Famille 2017 p.42, L’après-divorce conventionnel : vers le retour du juge !, Sylvain Thouret, Avocat au barreau de Lyon ; Maître de conférences associé à l’université Jean Moulin (Lyon 3).

[3CA VERSAILLES, 28 mars 2019, 2e chambre 2e section, N° RG 18/04749.

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • par A C , Le 11 décembre 2020 à 10:47

    Est-il possible de déposer une plainte à posteriori pour harcèlement au sein du couple pendant la vie maritale alors même que le divorce est effectif depuis plusieurs années ?

    Merci pour le travail d’information que vous pratiquez !

    Bien cordialement,

  • Bonjour,
    Comment faire quand un des parents exerce une pression psychologique voir un harcèlement moral sur un enfant ?
    Quel sont les conséquences futur sur ma fille, faut il laisser passer du temps ?
    Quel sont les recours ?
    A qui faut il s’adresser ?

    Papa divorcée depuis 2 ans, un après divorce difficile, une maman qui utilise notre fille pour me nuire et détruit ma fille.
    De plus en plus de harcèlement moral sur les épaules de ma fille.
    La situation me dépasse, je ne sais plus comment réagir !
    Que faut il faire pour sortir ma fille des griffes de cette manipulatrice ?
    D’avance merci pour votre retour
    Jean philippe

    • par Annie , Le 8 mai 2020 à 21:39

      Bonjour Jean-Philippe,
      Je me permets de vous répondre car un regard extérieur peut parfois être bénéfique.
      Je précise que je ne suis pas avocate mais mère célibataire séparée depuis 2014.
      Quelle pression psychologique est exercée (avez-vous des exemples) ?
      Un enfant quelque soit sont âge est une éponge : s’il vous sent inquiet, il va l’être.
      Beaucoup de solutions s’offrent à vous dont la prise de recul (le divorce est prononcé, avancez), l’avis de proches, la médiation familiale, le conseil d’un avocat, la consultation d’un psychologue pour votre fille,...
      Le harcèlement moral a toujours des conséquences : votre inquiétude en est une. S’il est prouvé, il est puni par la loi.
      Quoi que vous fassiez, rester calme et factuel.
      Bon courage à vous.

  • Dernière réponse : 21 novembre 2019 à 11:04
    par Thalie57 , Le 11 septembre 2019 à 14:54

    Bonjour à tous,

    Cet article est super et résume bien l’emprise et la violence psychologique d’un ex-conjoint envers l’autre au moment d’une séparation ou d’un divorce douloureux.
    Peut-on considérer comme "emprise psychologique" le fait que le parent gardien de ou des enfants refuse de transmettre à l’autre parent toute information, tout document administratif scolaire, tout compte rendu médical, refuse que le parent non gardien téléphone à l’enfant ;
    Et ce malgré le fait qu’il y ait tout un protocole mis en place, validé par les avocats, les juges, éventuelles les équipes éducatives ?
    Merci d’avance pour cet article, il est vraiment super.
    A faire tourner, partager, commenter…. par tous.
    Belle journée.

    • par Me Patrick Cocheteux - PCX AVOCATS , Le 11 septembre 2019 à 16:10

      Bonjour,
      Merci pour votre commentaire et votre question permettant d’alimenter le débat sur ce sujet bien trop souvent resté caché.
      L’emprise psychologique n’est pas constituée par le refus de transmission de tels éléments à mon sens, il ne s’agit "que" des conséquences, et non de la cause.
      La réelle emprise est constituée par l’acceptation, consciente ou non, plus ou moins envahissante, du conjoint harcelé, à une telle situation.
      Casser ce lien toxique n’est possible qu’avec un accompagnement juridique et/ou psychologique...les deux étant souvent liés à mon sens, et complémentaires. Cet accompagnement n’est pas systématiquement associé à une procédure judiciaire, mais il intervient dans un contexte délicat à tout le moins, pour lequel les reflexes habituels doivent être combattus par la personne harcelée afin, progressivement, de ne plus accepter une telle situation, puis en sortir, au bénéfice de sa propre personne puis de son entourage. Cela nécessite des mois de travail mais cela en vaut réellement la peine selon moi.
      Il convient également de ne pas attendre trop longtemps avant de démarrer ce travail sur soi et auprès de l’autre, accompagné par votre avocat, car l’accumulation des procédures judiciaires viendra complexifier très largement le sujet à long terme.
      Bien vous,
      Me Patrick Cocheteux - PCX AVOCATS

    • par Maman solo , Le 21 novembre 2019 à 11:04

      Chers lecteurs,

      Moi je suis une maman solo. Le papa de ma fille que j’aimais profondément et avec qui je rêvais de passer ma vie, est parti pendant ma grossesse. j’étais alors enceinte de 5 mois. C’était la veille de l’échographie qui détermine le sexe de l’enfant.

      Lors de l’accouchement, il n’était pas à mes côtés, mais dans la chambre. Quand la puéricultrice a amené ma fille dans la chambre, il a détourné le regard pour ne pas la voir. Il ne l’a pas vu pendant plusieurs mois. L’a reconnu à ses 8 mois, mais sans vouloir s’en occuper, ni même la regarder. Quand elle a failli mourir d’une toxine aux intestins, il n’a pas voulu venir, malgré mes appels en pleurs.
      Quand nous sommes passés devant le JAF alors que notre fille avait 2 ans, et qu’il était complètement absent financièrement, physiquement, et même pour faire un signe de vie, il a refusé tout droit de visite et d’hébergement, alors que de mon côté, je lui permettais"tout" ce qui voulait( garde alternée ou tous les mercredis, ou tous les we, ou 1 we/2...). La JAF n’avait jamais vu une père répondre :"je n’en veux pas, même pas une journée". Pendant des années, il a exercé une pression sur moi en me demandant de repartir dans ma région d’origine, de trouver un beau père pour notre fille, refusant de participer à l’éducation de cette dernière. Puis, quand la petite a eu 5 ans, j’ai rencontré quelqu’un. Il a alors déposé une nouvelle requête pour avoir l’enfant un WE/2.
      J’ai été expulsée de mon logement pour des impayés de loyer( 5 ans sans pension, ça fait mal, même si je travaillais à temps plein).
      J’ai donc quitté la région et je suis retournée chez mes parents, plutôt que la rue.
      Depuis, mon ex amour porte plainte, a prétendu que j’avais kidnappée sa fille, réclame la garde exclusive, se servant de mon expulsion comme "preuve" de dangerosité, appelle la directrice de l’école pour parler à notre fille( alors qu’il n’appelle pas sur mon téléphone, et pire, ne répond pas quand on l’appelle). Il a envoyé un livre à l’école, au nom de la petite( il connait mon adresse, mais a prétend ne pas la connaitre). Il envoie des mails à mon ancienne avocate, a tenté d’intimider un témoin lors du dernier jugement pour que celui-ci revienne sur son attestation, et m’envoie des mails tous les jours pour m’intimider.
      Je me sens traquée, en danger. Mais la loi protège les pères, et non les mères. Et il faut prouver tout ce que je dis, car je suis une femme. De son côté, il n’a besoin de rien prouver, juste d’appeler en se présentant et en se faisant passer pour une victime, et on lui ouvre les portes.

      En sachant qu’actuellement, j’ai la garde exclusive de notre fille, mais l’autorité parentale conjointe.
      Aujourd’hui, je n’ai pas été travaillée. Toutes ces attaques quotidiennes m’affaiblissent....
      Légalement, que puis-je faire ?

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs