Guadeloupe : peut-on remplacer le drapeau bleu-blanc-rouge par un emblème indépendantiste ?

Par Pierrick Gardien, Avocat.

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Explorer : # neutralité des services publics # drapeau indépendantiste # préfecture de guadeloupe # sanctions légales

Peut-on impunément afficher ostensiblement son soutien à une cause indépendantiste au fronton d’un bâtiment public ?

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C’est la journaliste Christine Kelly qui a médiatisé cette affaire [1] : dans la nuit du 25 au 26 octobre 2021, le drapeau national bleu-blanc-rouge qui ornait la façade de la Préfecture de Basse-Terre a été « remplacé » par un emblème communautariste guadeloupéen. Ce geste politique visait à remettre en cause l’unité de la Nation française.

Mais peut-on impunément afficher ostensiblement son soutien à une cause indépendantiste au fronton d’un bâtiment public ?

La réponse est évidemment négative et les contrevenants s’exposent à de lourdes sanctions.

De jurisprudence constante, le Conseil d’Etat considère en effet que le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques (Conseil d’Etat, 27 juillet 2005, Commune de Sainte-Anne, n°259806).

Le Conseil d’Etat avait d’ailleurs pris position à propos d’un drapeau indépendantiste martiniquais apposé sur la façade d’une mairie dans ce litige :

« (...) Considérant qu’en se fondant, pour apprécier la légalité de la délibération du 6 octobre 1995 par laquelle le conseil municipal de la Commune de Sainte-Anne a approuvé la pose d’un drapeau rouge, vert, noir sur le fronton de la mairie, sur la circonstance que le principe de neutralité des services publics s’oppose à ce que soient apposés sur les édifices publics des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques, la Cour administrative d’appel de Bordeaux n’a commis aucune erreur de droit ;
Considérant que la cour, en estimant que le drapeau rouge, vert et noir, s’il n’est pas l’emblème d’un parti politique déterminé, est le symbole d’une revendication politique exprimée par certains mouvements présents en Martinique, a porté sur les faits qui lui étaient soumis une appréciation exempte de dénaturation (...)
 ».

Le ministre de l’intérieur a réaffirmé cette interdiction en 2010 dans le cadre d’une réponse ministérielle [2] :

« L’apposition de banderoles de revendication sur des édifices publics (...) est contraire (au principe de neutralité) (...) Il revient au responsable des bâtiments concernés de faire retirer ces banderoles, le cas échéant, sous le contrôle du juge administratif ».

La décision susvisée du Conseil d’Etat, ainsi que la législation et la réglementation s’appliquent à tous les édifices publics, donc à toutes les préfectures de France.

La préfecture de Guadeloupe est donc tenue, comme tout édifice public, au strict respect du principe de neutralité. Il est par conséquent interdit d’apposer sur sa façade des signes symbolisant la revendication d’opinions politiques, religieuses ou philosophiques, conformément à la position constante du Conseil d’Etat.

Or il est indéniable qu’un drapeau indépendantiste guadeloupéen symbolise par lui-même la revendication d’opinions politiques.

On note enfin que l’illégalité est double en l’espèce puisque l’outrage au drapeau tricolore est puni d’une peine maximale de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende (Article R645-15 du Code pénal).

Ces règles s’appliquent à tous les édifices publics de France, et donc à la préfecture de la Guadeloupe, qui ne sont pas des lieux adéquats pour porter des revendications politiques.

Elles protègent nos bâtiments publics de toute récupération politique, philosophique ou religieuse pour les consacrer à l’intérêt général. Et c’est très bien ainsi.

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