Fraude fiscale : les différentes formes du délit pénal.

Par Avi Bitton, Avocat et Morgane Cadoret, Juriste.

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Explorer : # fraude fiscale # omission de déclaration # dissimulation de revenus # organisation d'insolvabilité

Quelles sont les différentes formes de fraude fiscale ?
Voici un panorama des cas de fraude fiscale poursuivis par le procureur de la République et condamnés par le tribunal correctionnel.

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I. Le délit général de fraude fiscale.

L’article 1741 du Code général des impôts dispose que :

« Quiconque s’est frauduleusement soustrait ou a tenté de se soustraire frauduleusement à l’établissement ou au paiement total ou partiel des impôts visés dans la présente codification, soit qu’il ait volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits, soit qu’il ait volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt, soit qu’il ait organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt, soit en agissant de toute autre manière frauduleuse, est passible, indépendamment des sanctions fiscales applicables, d’un emprisonnement de cinq ans et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction ».

Par cet article, le législateur prévoit différents comportements pouvant constituer une fraude fiscale :

  • L’auteur a volontairement omis de faire sa déclaration dans les délais prescrits ;
  • L’auteur a volontairement dissimulé une part des sommes sujettes à l’impôt ;
  • L’auteur a organisé son insolvabilité ou mis obstacle par d’autres manœuvres au recouvrement de l’impôt ;
  • L’auteur a usé de toute autre manœuvre frauduleuse.

Ces différents comportements peuvent constituer un délit de fraude fiscale.

A. La fraude fiscale par omission de déclaration dans les délais prescrits.

Tous les ans, malgré le système de retenue à la source, chaque citoyen doit faire une déclaration de revenus à l’Administration fiscale et ce même si celui-ci n’est pas imposable.

Ainsi, lorsqu’un citoyen se soustrait à cette déclaration dans les délais prescrits, il commet une fraude fiscale.

Ce système est la forme la plus récurrente de fraude fiscale, avec une jurisprudence constante et régulière [1].

Illustrations :

  • Le fait de ne déposer ses déclarations mensuelles de chiffre d’affaires que pour une année [2] ;
  • Le fait de s’être frauduleusement soustrait à l’établissement ou au paiement de la TVA [3] ;
  • Le fait pour des époux d’avoir tardivement procéder aux déclarations d’ensemble des revenus sur la période de 2009 à 2013, certaines après l’envoi de mises en demeure, l’une d’entre elles, postérieurement à la mise en œuvre d’une procédure de taxation d’office [4].

En effet, le délit est constitué même en cas de dépôt tardif et volontaire de la déclaration : tel a été le cas pour une omission de déclaration de commissions fictives versées, alors que la déclaration avait été souscrite [5].

B. La fraude fiscale par dissimulation des sommes sujettes à l’impôt.

Ce délit suppose de la part de son auteur un mensonge ou une réticence dolosive, sans que pour autant soit requis une manœuvre frauduleuse.

Ces mensonges doivent avoir comme objectif de réduire l’assiette imposable.

Comme l’omission de déclaration, la dissimulation des sommes sujettes à l’impôt doit être volontaire. En outre, elle doit excéder le seuil de la tolérance légale, soit le dixième de la somme imposable ou 153 euros.

Cette forme de fraude peut être le fait de particuliers mais le plus souvent se seront des commerçants, des dirigeants sociaux ou libéraux. Dans la pratique judiciaire, cette forme de fraude fiscale peut être scindées en deux catégories :

  • La fraude fiscale est définie comme opération occulte consistant à dissimuler des opérations effectives :
    • La création d’un circuit fictif de commercialisation mis en place a permis à la société de se placer abusivement sous le régime de l’imposition sur la marge alors que la TVA aurait dû être calculée sur le prix total [6],
    • Le fait de placer indûment une société sous le régime de l’article 44 sexies du code général des impôts prévoyant une réduction d’imposition pour les entreprises industrielles nouvellement [7],
    • Le fait, pour un notaire, de minorer la valeur des biens composant son patrimoine relevant de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). Sa profession appuyant la connaissance de l’auteur sur la valeur réelle de ces biens, la Cour de cassation a rejeté la thèse de la méconnaissance et a conclu à une volonté délibérée de fraude [8],
    • Le fait, pour des époux, d’effectuer une déclaration commune de leur revenu et d’en dissimuler des parts de dividendes [9],
    • Le fait de minorer des déclarations trimestrielles de TVA par la dissimulation d’une partie du chiffre d’affaires imposable [10].
  • La fraude fiscale va pouvoir être caractérisée en cas d’opération fictives : cela a pu être le fait d’établir de fausses factures de la part d’artisans [11].

C. La fraude fiscale par organisation d’insolvabilité tendant à mettre obstacle au recouvrement de l’impôt.

Il s’agit ici non de pas de tromper le paiement de l’impôt mais son établissement : l’assiette de l’impôt. Cela va consister pour le fraudeur à diminuer l’actif de son patrimoine ou en accroitre le passif, par des opérations véritables ou artificiels ou même fictives en vue de rendre impossible le recouvrement de l’impôt. Sera qualifié de fraude fiscale par organisation d’insolvabilité :

-  Le fait de mettre hors d’atteinte les sommes que le Trésor public aurait pu appréhender, en veillant à maintenir en permanence ses comptes à découvert de manière à échapper à toute saisie du FISC tout en cumulant les dettes fiscales (Crim 20 avril 2005 / n° 04-85.684)

-  Le fait de détenir, via des sociétés off-shore, des comptes bancaires ouverts en Suisse (Crim, 29 janvier 2020, 17-83.577).

-  Le fait pour un contribuable de faussement prétendre que sa voiture appartient à un tiers (Crim 7 décembre 1981, bull crim 1981 n°324).

-  Le fait pour un contribuable de procéder à une donation-partage avant une vérification fiscale (CA Paris, 16 mai 1990)

-  Le fait de placer une société sous un régime fiscal indu (Crim 21 juin 1982, bull crim 1982 n°382)

D. La fraude fiscale par toute manœuvre frauduleuse.

Cette formule regroupe tous les autres moyens de se soustraire à l’impôt, en dehors des cas précédemment envisagés. La formule « manœuvre frauduleuse » est plus large que celle communément connue pour l’escroquerie. Elle sanctionne aussi bien l’action que l’abstention.

Le délit est caractérisé par :

-  Le fait de créer une EURL dans le but de la faire intervenir dans un circuit commercial, auquel le dirigeant avait pris une part déterminante et pour, in fine, que l’EURL bénéficie d’une déductibilité de la TVA (Crim 6 octobre 2010, 09-87879)

-  Le fait d’acquérir, via des rentes viagères exemptes d’aléas, des actifs immobiliers, dans le but d’échapper au paiement des droits de succession (Crim 5 décembre 1996, bull crim 1996 n°452)

-  Le fait de tenir une comptabilité incomplète (Crim 24 février 1977, bull crim 1977 n°1977)

II. Les délits assimilés à la fraude fiscale.

Outre les quatre cas de fraudes fiscales précédemment envisagés, certains délits sont assimilés à de la fraude fiscale.

A. Le délit d’omission d’écritures ou passation d’écritures inexactes ou fictives.

L’article 1743 1° du Code général des impôts dispose que : « Quiconque a sciemment omis de passer ou de faire passer des écritures ou a passé ou fait passer des écritures inexactes ou fictives au livre-journal prévu par les articles L. 123-12 à L. 123-14 du code de commerce, ou dans les documents qui en tiennent lieu ».

Ce délit est constitué lorsque :

-  Le contribuable est dans l’incapacité de justifier la contradiction entre ses déclarations et son chiffre d’affaire (Crim., 23 novembre 1995)

-  Un promoteur immobilier est dans l’incapacité de présenter une comptabilité relative à des opérations de sociétés civiles qu’il a créé (Crim., 21 janvier 1975).

B. Le délit d’entremise illicite.

L’article 1743 2° du Code général des impôts dispose que :

« Quiconque, en vue de faire échapper à l’impôt tout ou partie de la fortune d’autrui, s’entremet, soit en favorisant les dépôts de titres à l’étranger, soit en transférant ou faisant transférer des coupons à l’étranger pour y être encaissés ou négociés, soit en émettant ou en encaissant des chèques ou tous autres instruments créés pour le paiement des dividendes, intérêts, arrérages ou produits quelconques de valeurs mobilières ».

Le délit peut être commis par un conseil en investissement, un conseiller financier, ou toute autre professionnel qui aiderait le contribuable à échapper à l’impôt en créant des comptes bancaires ou des sociétés à l’étranger (Dubai, Singapour, …), non déclarés à l’administration fiscale française.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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Notes de l'article:

[1Crim., 14 octobre 1991, n° 90-85.507 ; Crim., 10 janvier 1994 n° 93-80.599.

[2Crim., 8 avril 1999, n. 98-81148.

[3Crim., 6 mai 2015, n. 13-87692.

[4Crim., 11 septembre 2019, n. 18-81.067.

[5Crim., 19 février 1998, bull crim 1998 n°73.

[6Crim., 22 octobre 2008, n° 07-88.134.

[7Crim., 4 juin 2009, n° 08-86.778.

[8Crim. 30 juin 2010, n° 09-86.249.

[9Crim., 14 févr. 2007, n° 06-84.366.

[10Crim. 19 mai 2010, n° 09-83.970.

[11Crim., 5 février 1979, 76-90.683.

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