La faute lourde implique la volonté du salarié de porter préjudice à l’entreprise dans la commission du fait fautif.

Par Jean-Christophe Basson-Larbi, Avocat.

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Explorer : # faute lourde # intention de nuire # licenciement # responsabilité pécuniaire

«  Attendu, cependant, que la faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise  ». (Cass. soc., 22 oct. 2015, n° 14-11.801, P+B)

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La faute lourde est une faute d’une telle gravité qu’elle justifie le licenciement immédiat du salarié et le prive de toute indemnité de licenciement, d’indemnité compensatrice de préavis et d’indemnité compensatrice de congés payés sur la période de référence.

En revanche, contrairement aux idées reçues, elle ne prive aucunement le salarié du droit aux allocations de chômage versées par pôle-emploi, qui visent en principe à indemniser tout salarié dans une situation de « privation involontaire » de son emploi.

La faute lourde du salarié ne peut être retenue que si l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise est caractérisée, étant précisé que la preuve de cette intention de nuire doit être faite par l’employeur. À défaut, il n’y a pas de faute lourde.

Dès lors, la définition de l’intention de nuire revêt une importance particulière puisqu’elle conditionne la qualification de faute lourde.

Pour la Cour de cassation, l’intention de nuire ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise, elle implique au surplus la volonté du salarié de porter préjudice à l’employeur dans la commission du fait fautif.

Il s’agit donc dans une certaine mesure d’une faute civile conçue comme une faute pénale, puisqu’à l’élément matériel de l’acte préjudiciable à l’employeur vient s’ajouter un élément intentionnel caractérisé par la volonté du salarié de préjudicier aux intérêts de son employeur.

Concrètement, dans cet arrêt du 22 octobre 2015 rendu par la chambre sociale de la Cour de cassation, le directeur d’établissement d’une association s’était octroyé une augmentation, une prime exceptionnelle ainsi que des acomptes sur salaire sans modalités de remboursement et il avait embauché des proches en leur offrant des avantages anormaux.

Un tel comportement avait naturellement entrainé son licenciement, prononcé pour faute lourde par l’employeur.

Le licenciement fut contesté. Après le Conseil de Prud’hommes, la Cour d’appel fut saisie. Elle confirma la faute lourde.

La Cour de cassation censure et casse l’arrêt de la Cour d’appel en considérant que si les actes commis étaient effectivement préjudiciables à l’employeur, ils ne caractérisaient pas pour autant l’intention du salarié de nuire à l’entreprise et ne pouvaient dès lors être qualifiés de faute lourde.

Le préjudice pour l’employeur était absolument indiscutable.

En revanche, l’intention de nuire n’était pas évidente et il s’agissait plus certainement pour le directeur indélicat et gourmand de se favoriser et de favoriser ses proches que de vouloir nuire à l’entreprise, qui était ici au contraire une précieuse poule aux œufs d’or.

On rappellera que la faute lourde du salarié est la seule faute susceptible d’engager sa responsabilité personnelle, notamment pécuniaire. Cette responsabilité résulte de sa seule intention de nuire.

Elle peut être reconnue notamment en cas de concurrence déloyale ou en cas de dégradation, violence, séquestration accompagnant une grève.

Ainsi, la Cour de cassation a-t-elle jugé en 2013 qu’un commercial qui détourne la clientèle de son employeur au profit d’un concurrent peut valablement être condamné à verser des dommages et intérêts pour concurrence déloyale à sa société au titre de sa responsabilité pécuniaire résultant de sa faute lourde. [1]

On le voit bien, la faute lourde est une mesure à manier avec la plus grande précaution par l’employeur tant il est difficile de s’assurer d’être en mesure de pouvoir démontrer à un Conseil de prud’hommes l’intention de nuire de son ancien salarié. L’intervention d’un avocat en amont de la procédure de licenciement est donc fortement recommandée.

Quant au salarié, il s’agit d’un type de licenciement qui justifie quasiment systématiquement la négociation d’une transaction ou la contestation judiciaire du licenciement devant le Conseil de Prud’hommes compétent.

Maître Jean-Christophe BASSON-LARBI
Avocat à la Cour
Diplômé de l\’ESSEC - Diplômé de Sciences Po LYON

contact chez jcbl-avocats.fr
www.jcbl-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Cass. soc., 27 février 2013, n° 11-28.481

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