Experts d’assurances de catastrophes naturelles sécheresse, bientôt la fin de la récréation ?

Par Hugo Bruna, Avocat.

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Explorer : # expertise d'assurance # catastrophes naturelles # réforme législative # assurance sécheresse

Ce que vous allez lire ici :

L'article traite des nouvelles règles régissant les experts d’assurance, prévues pour 2025. Ces mesures visent à améliorer la qualité des expertises, raccourcir les délais de traitement, et introduire des contrôles et sanctions en cas de manquement, rendant le processus plus transparent pour les assurés sinistrés.
Description rédigée par l'IA du Village

Présentation des encadrements à venir le 1ᵉʳ janvier 2025 en ce qui concerne la réglementation des experts d’assurance pour les sinistres sécheresse.

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En cas de survenance d’un sinistre sur un bien immobilier ayant occasionné des fissures pouvant être causées par le phénomène de retrait-gonflement des argiles, la compagnie d’assurance mandate un expert.

Cette expertise dite « amiable » (en opposition à l’expertise judiciaire qui consiste en la désignation d’un expert par un tribunal) a pour objet de constater et décrire les désordres, établir - ou non - un lien avec l’épisode de catastrophe naturelle sécheresse et éventuellement, énumérer et évaluer les travaux de remise en état du bien concerné.

De plus en plus fréquemment, l’expert d’assurance commence par effectuer une « visioexpertise » qui n’est autre qu’une expertise à distance… avant d’organiser une réunion sur site.

Par la suite, l’expert rédige un rapport concluant au classement du sinistre en l’une des 4 catégories suivantes :

  • Catégorie 1 : désordres non imputables à la sècheresse ;
  • Catégorie 2 : traitement des fissures ;
  • Catégorie 3 : nécessité de réparer des fondations et/ou des structures aériennes ;
  • Catégorie 4 : nécessité de créer des fondations spéciales ou de mettre en œuvre tout autre moyen permettant de stabiliser le sol ;
  • Catégorie 5 : sinistre total (bâtiment économiquement irréparable).

La très grande majorité des sinistres fait l’objet d’une classification en catégorie 1.

La compagnie d’assurance décide ensuite de prendre en charge ou non le sinistre sur la base de ce rapport.

Il peut y avoir plusieurs rapports successifs lorsque sont diligentées des investigations complémentaires telles qu’une étude de sol ou une inspection des réseaux humides.

Le rapport de l’expert d’assurance est désormais obligatoirement communiqué à l’assuré, ce qui n’était pas le cas avant l’entrée en vigueur de la loi du 28 décembre 2021.

Pour autant, 2 difficultés majeures sont encore aujourd’hui rencontrées par les sinistrés qui ont affaire à ce type d’expertise (outre le refus de prise en charge) :

  • les délais de traitement : certains rapports sont rendus de longs mois, voire plus d’un an(!) après la dernière réunion d’expertise. C’est un véritable problème pour le sinistré car la prescription n’est ni interrompue ni suspendue pendant l’expertise amiable ;
  • les différences de traitement : la qualité et le contenu de deux rapports d’expertises amiables peuvent considérablement varier d’un cabinet d’expertise à un autre et même d’un expert à un autre.

Ces difficultés amènent les assurés à s’interroger légitimement sur la nécessité d’instaurer des règles régissant les fonctions d’expert d’assurance. C’est l’objet de l’ordonnance n° 2023-78 du 8 février 2023 dont les dispositions entreront vraisemblablement en vigueur le 1ᵉʳ janvier 2025.

Seront évoqués ci-dessous les principaux encadrements à venir de façon purement académique, étant précisé que le décret d’application permettra de connaître les modalités pratiques des changements apportés.

Pour des conseils opérationnels à mettre en œuvre dans le cadre d’une expertise d’assurance, il est recommandé de consulter le guide Catastrophe naturelle sécheresse : 5 conseils de survie face à l’assurance dans l’enfer de l’argile.

5 nouveaux articles feront leur entrée au sein de la partie législative du Code des assurances : les articles L125-2-1 à L125-2-4.

Les dispositions du futur article L125-2-1 seront les suivantes :

« Pour les dommages directs non assurables ayant eu pour cause déterminante des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols dans les deux cas mentionnés au troisième alinéa de l’article L125-1, un décret en Conseil d’Etat précise les obligations incombant aux experts désignés par les assureurs dans la conduite de l’expertise mentionnée à l’article L125-2, le contenu du rapport d’expertise ainsi que les modalités et délais d’élaboration de l’expertise  ».

Ce premier article énonce l’objet de cette évolution législative : fixer un cadre aux experts d’assurance s’agissant de la conduite de l’expertise, de leurs rapports ainsi que des modalités et délais de l’expertise.

Il est rappelé qu’à l’heure actuelle, aucun délai légal n’encadre l’expertise d’assurance. Les délais impartis par l’article L125-2 du Code des assurances ne s’appliquent qu’avant et après le déroulement des opérations d’expertise.

Il est dès lors souhaitable que le décret à venir instaure une ou plusieurs durées qui encadre(nt) la durée totale de l’expertise amiable.

Les dispositions du futur article L125-2-2 seront les suivantes :

« Les fonctionnaires et agents publics habilités ou commissionnés par l’autorité administrative compétente, et assermentés peuvent, contrôler sur pièces ou en procédant, avec l’accord exprès de leurs propriétaires ou de leurs occupants, à une visite des bâtiments qui ont fait l’objet de l’expertise mentionnée à l’article L125-2,le respect par l’expert des obligations mentionnées à l’article L125-2-1. Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article, notamment l’autorité administrative compétente, les catégories de fonctionnaires autorisés à réaliser le contrôle ainsi que leur champ d’intervention territorial.
L’autorité ou les fonctionnaires et agents publics mentionnés ci-dessus peuvent désigner les professionnels mentionnés à l’article L181-1-1 du Code de la construction et de l’habitation pour procéder à la visite de ces bâtiments, dans les conditions fixées par ce même article
 ».

C’est ici que l’on entre dans le vif du sujet. Il pourra être procédé par des agents « habilités ou commissionnés par l’autorité administrative compétente (laquelle ?) et assermentés » à un contrôle du respect des nouvelles obligations par l’expert d’assurance.

Ce contrôle pourra être effectué sur pièces (à distance), mais également sur place (avec l’accord du propriétaire du bien ou de ses occupants).

Il est précisé au dernier alinéa de ce nouvel article, par renvoi à l’article L181-1-1 du Code de la construction et de l’habitation, que les agents chargés du contrôle pourront désigner un contrôleur technique agréé, assermenté et n’ayant aucune activité de nature à porter atteinte à son impartialité et à son indépendance, pour procéder à la visite du bien concerné.

Les nouveautés promises par ce futur article L125-2-2 représentent donc un apport potentiellement considérable dans la mesure où l’expert d’assurance (rémunéré par cette dernière donc non tenu à une obligation d’impartialité) sera désormais placé sous le contrôle d’une « autorité administrative ».

A condition que cette dernière soit pleinement indépendante.

Rappelons qu’à l’heure actuelle, la fonction d’expert d’assurance n’est que peu réglementée et que lesdits experts ne sont pas rattachés à un ordre. Ils ne doivent en conséquence répondre de leurs fautes que sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, ce qui réduit considérablement le champ d’action d’un assuré mécontent.

Les dispositions du futur article L125-2-3 seront les suivantes :

« Lorsqu’à l’occasion d’un contrôle mentionné à l’article L125-2-2 est constaté un manquement aux obligations incombant à l’expert au sens de l’article L125-2-1, l’autorité administrative en fait part à ce dernier. L’expert peut faire valoir ses observations dans un délai que cette autorité détermine et qui ne peut être inférieur à quinze jours.
L’autorité administrative met l’intéressé en demeure de se conformer à ses obligations dans un délai qu’elle détermine
 ».

Il s’agit ici de l’instauration d’une procédure contradictoire en cas de manquement constaté : l’autorité administrative informe l’expert d’assurance et lui permet de s’expliquer en présentant ses observations. A défaut d’explications convaincantes, l’autorité met en demeure l’expert de se conformer à ses obligations, lui laissant ainsi une chance de revoir sa copie.

A défaut, ce dernier encourt des sanctions.

Les dispositions du futur article L125-2-4 seront les suivantes :

« I. - Si, à l’expiration du délai mentionné au second alinéa de l’article L125-2-3, l’expert ne s’est pas conformé à ses obligations, l’autorité administrative compétente peut prendre à son encontre une ou plusieurs des sanctions administratives suivantes :
Prononcer l’invalidité du rapport d’expertise et enjoindre à l’entreprise d’assurance de désigner un nouvel expert ;
Interdire à l’expert en cause, pendant une durée ne pouvant excéder douze mois, d’exercer toute mission en lien avec l’expertise ayant fait l’objet du contrôle mentionné à l’article L125-2-3, auprès d’une entreprise d’assurance, d’un assuré ou à la demande d’un tribunal judiciaire ;
3° Ordonner le paiement d’une amende administrative au plus égale à 10 000 euros pour une personne physique et à 50 000 euros pour une personne morale, recouvrée comme en matière de créances de l’Etat étrangères à l’impôt et au domaine, et une astreinte journalière au plus égale à 300 euros pour une personne physique et à 1 500 euros pour une personne morale applicable à partir de la notification de la décision la fixant et jusqu’à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée.
Ces amendes et astreintes sont proportionnées à la gravité des manquements constatés.
II. - Les sanctions mentionnées au I tiennent compte de la gravité du manquement constaté, de sa nature intentionnelle ou involontaire, des préjudices subis en conséquence par les assurés et les entreprises d’assurance ainsi que des mesures prises par l’expert pour remédier aux dysfonctionnements constatés et réparer les préjudices causés.
Ces sanctions sont exercées sans préjudice des sanctions civiles ou pénales résultant des actions judiciaires engagées par l’assuré.
Un décret en Conseil d’Etat précise les modalités d’application du présent article
 ».

Ce quatrième futur article n’est pas le moins intéressant. Il concerne les sanctions encourues par un expert d’assurance en cas de manquement avéré aux nouvelles règles.

Dans le cadre d’une expertise amiable, jusqu’à présent le seul moyen pour un assuré d’obtenir un autre point de vue était de s’attacher les services de son propre expert, rémunéré par lui. La « contre-expertise » était donc quasi systématiquement payante pour le sinistré et en pratique, très souvent infructueuse puisque l’assurance maintient dans la grande majorité des cas sa position, même avec le rapport d’un expert d’assuré dont les conclusions mettent en évidence un lien entre les désordres et la catastrophe naturelle.

De même que la « tierce expertise », consistant à faire désigner un troisième expert rémunéré pour moitié par l’assurance, pour moitié par l’assuré.

Le 1° du I du futur article L125-2-4 permet, à condition bien entendu qu’un manquement de l’expert d’assurance soit constaté par l’autorité administrative, de « prononcer l’invalidité du rapport d’expertise » et « enjoindre à l’entreprise d’assurance de désigner un nouvel expert », concédant ainsi à l’assuré le bénéfice d’une autre expertise sans bourse délier. Certes, le nouvel expert sera lui aussi désigné par l’assurance (donc toujours pas tenu à une obligation d’impartialité) mais ce dernier effectuera probablement sa mission avec le soin et la rapidité nécessaires pour ne pas prendre le risque d’être lui aussi mis en cause par l’autorité administrative.

Les sanctions (encourues) prévues par ce futur article L125-2-4 sont assez dissuasives :

  • interdiction pour une durée maximum d’un an, d’exercer toute mission en lien avec l’expertise ayant fait l’objet du contrôle auprès d’une entreprise d’assurance, d’un assuré ou à la demande d’un tribunal judiciaire ;
  • amende administrative d’un montant maximum de 10 000 euros pour une personne physique et de 50 000 euros pour une personne morale, avec possibilité de fixation d’une astreinte journalière d’un montant maximum de 300 euros pour une personne physique et de 1 500 euros pour une personne morale jusqu’à satisfaction de la mise en demeure ou de la mesure ordonnée.

Pour tempérer cette sévérité, il est précisé que l’application de ces sanctions doit être « proportionnée à la gravité des manquements constatés » et qu’il doit être tenu compte « de la gravité du manquement constaté, de sa nature intentionnelle ou involontaire, des préjudices subis en conséquence par les assurés et les entreprises d’assurance ainsi que des mesures prises par l’expert pour remédier aux dysfonctionnements constatés et réparer les préjudices causés ».

Il est enfin indiqué que ces sanctions, de nature administrative, n’excluent pas l’application d’autres sanctions de nature civile ou pénale.

Ce nouvel arsenal, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1ᵉʳ janvier 2025, sera précisé par décret, probablement attendu avec impatience par les assurés-sinistrés.

Gageons que les experts d’assurances se saisissent de ces futures dispositions pour améliorer leurs pratiques et en finir avec les expertises amiables interminables ou bâclées.

Si certains exercent convenablement leurs fonctions, ceux qui se croyaient tout permis pourraient être surpris lorsque sera sifflée la fin de la récréation…

Hugo Bruna
Avocat au Barreau de Grasse
Droit social - Défense des sinistrés sécheresse
https://www.bruna-avocat.com
hb chez bruna-avocat.com

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