Une décision de justice n’est rien sans son application matérielle et donc son exécution.
En application de l’article 500 du Code de Procédure civile le jugement ne bénéficie de l’autorité de la chose jugée et ne peut donc être exécuté qu’après l’expiration du délai d’appel.
L’exécution provisoire permet toutefois d’exécuter le jugement ou l’ordonnance sans attendre même en cas d’appel.
L’exécution provisoire peut être de plein droit ou prononcée par le juge, fréquente en matière prud’homale elle est souvent source de difficultés.
1° L’exécution provisoire de plein droit.
Elle est attachée à la décision de par la loi, elle n’a donc pas à être prononcée par le juge.
En matière prud’homale plusieurs textes font référence à l’exécution provisoire de plein droit.
Il s’agit d’abord de l’article R 1454-28 du Code du Travail qui prévoit l’exécution provisoire de plein droit dans le cas de jugements qui :
ne sont susceptibles d’appel que par l’effet d’une demande reconventionnelle.
ordonnent la remise de certificats de travail, de bulletins de paye, ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer.
ordonnent le paiement des rémunérations et indemnités énumérées par l’article R 1454-14 du Code du Travail dans la limite de neuf mois de salaires maximum calculés sur la moyenne des trois derniers mois à savoir les salaires et accessoires de salaires, les commissions, les congés payés, les indemnités de préavis, de licenciement, de fin de contrat.
L’article 514 alinéa 2 du CPC accorde le bénéfice de l’exécution provisoire aux décisions prescrivant des mesures provisoires à savoir pour la durée de l’instance, il en est de même pour les mesures conservatoires.
Les ordonnances de référés et les ordonnances rendues par le bureau de conciliation bénéficient également de l’exécution provisoire [1].
2° L’exécution provisoire prononcée par le juge.
Lorsque l’exécution provisoire n’est pas de plein droit elle peut toujours être ordonnée par le juge pour tout ou partie de la condamnation à la demande des parties ou même d’office sauf pour les dépens en application de l’article 515-1 du CPC .
L’exécution provisoire prononcée d’office n’est pas courante en pratique mais sur la demande de l’une des parties la décision du conseil de prud’hommes pourrait être exécutoire en totalité malgré l’appel puisque la condamnation aux dépens est en l’espèce une formule de style sauf cas particulier ils sont liquidés à zéro en matière prud’homale puisque les convocations et les notifications de jugement sont faites par le greffe par lettres recommandées avec AR et donc sans frais pour les parties,
3° Les conséquences
L’exécution provisoire de plein droit ne peut être arrêtée par le Premier Président en cas d’appel .
L’exécution provisoire prononcée peut être subordonnée à la constitution de garanties réelles ou personnelles suffisantes pour répondre des éventuelles restitutions ou réparations [2]
En cas d’appel le Premier Président statuant en matière de référé peut arrêter l’exécution provisoire prononcée dans les cas suivants :
si elle est interdite par la loi
si elle risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives [3]
Le fait d’exécuter la décision assortie de l’exécution provisoire par celui qui succombe ou d’en demander l’exécution par l’autre partie ne vaut pas acquiescement et ne prive donc pas de la possibilité de régulariser appel.
4° Les difficultés
Les sommes à régler au vu de la décision du conseil de prud’hommes sont calculées sur la moyenne des trois derniers mois de salaires qui doit être indiquée dans le jugement .
Quid si elle ne l’est pas ou si le calcul est erroné.
La décision est malgré tout exécutoire de droit en cas d’omission le juge prud’homal pourrait d’ailleurs statuer dans le cadre d’une rectification d’erreur matérielle .
En cas d’erreur si le bénéficiaire voulait malgré tout exécuter il s’agirait là d’une difficulté d’exécution qui en application de l’article R 1457-36 du Code du Travail ne relève pas du conseil de prud’hommes mais du juge civil à savoir le juge de l’exécution.
La résiliation judiciaire d’un contrat de travail ou le transfert en application de l’article L 1224-1 du Code du Travail sont des mesures qui bénéficient de l’exécution provisoire de plein droit. Dans ces deux cas l’infirmation de la décision risque de placer les parties dans une position délicate en les remettant dans la situation antérieure à l’exécution de la décision de la première instance en faisant revivre le contrat de travail rompu ou transféré.
L’exécution provisoire n’est pas une mesure d’aggravation du jugement mais un moyen de protéger le bénéficiaire du jugement contre un appel abusif et dilatoire. En matière prud’homale l’exécution provisoire est rarement prononcée compte tenu du large champ d’application de l’exécution provisoire de plein droit .
N’abusez pas de l’exécution provisoire de plein droit rien ne vous oblige à recouvrez les sommes allouées à ce titre par le conseil de prud’hommes attention en cas d’infirmation en appel.
Dans ce cas les sommes perçues doivent être restituées avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt de la cour d’appel.
Cette restitution est de plein droit même si l’arrêt infirme sans ordonner le remboursement.
Discussions en cours :
Bonjour,
Je suis en procédure d’appel prud’homale. Le conseil des prud’hommes ayant statué en ma faveur, mon ancien employeur a décidé de faire appel. Il a précisé qu’il payerait l’exécution provisoire. Hors, il n’a versé qu’une partie des sommes dûes à l’article R1454-14 du code du travail. Est-ce normal et si non que faire pour qu’il règle la totalité des sommes mentionnées pour l’exécution provisoire de droit ?
Merci d’avance à ceux et celles qui voudront bien me résoudre
Bonjour,
Le cas d’espèce auquel je suis confrontée est le suivant : le salarié est débouté de l’ensemble de ses demandes (requalification en lct SCRS) et le CPH fait droit à notre demande de répétition de l’indu (dernier salaire versé deux fois par l’employeur).
La demande était formulée sur le fondement de la répétition de l’indu, toutefois la créance a bien le caractère de salaire.
La demande d’exécution provisoire a été rejetée par le CPH.
Le salarié a interjeté appel de la décision en toutes ses dispositions.
L’employeur est-il en droit de faire valoir l’exécution de plein droit eu égard à la nature salariale de la créance ?
Le renvoi à l’article R 1454-14 semble l’interdire, mais j’aimerais connaitre votre analyse de la situation.
Merci beaucoup et bonne journée.
A mon avis on reste dans le cadre de l’action en répétition de l’indu si l’exécution provisoire a été rejetée par le CPH pas possible d’exécuter en l’état
bonjour
sur quel texte vous appuyez vous pour dire que l’execution provisoire est de droit en matiere de resiliation judiciaire ?
Concernant un jugement qui ordonne la délivrance de bulletins de salaires et condamne l’employeur au versement d’une indemnité pour travail dissimulé.
L’exécution n’est pas de droit pour l’indemnité et le jugement est silencieux sur ce point.
Je me demandais comment interpréter le 2° de l’article 1454-28
"Sont de droit exécutoires à titre provisoire, notamment :
2° Le jugement qui ordonne la remise d’un certificat de travail, de bulletins de paie ou de toute pièce que l’employeur est tenu de délivrer"
N’est-ce pas l’ensemble du jugement qui est exécutoire de droit ? Il me semble que si le législateur avait souhaité limiter l’exécution à la remise des documents, il l’aurait précisé, exemple : jugement exécutoire de droit "uniquement en ce qu’il ordonne la remise..."
Qu’en pensez-vous ?
Merci à tous ceux qui pourraient me répondre.
Conseillère Prud’homale, lorsque je rédige un jugement, et bien évidemment une fois la décision collégialement prise, j’essaie au maximum de faire en sorte que les parties comprennent la décision, et puissent appréhender, bien souvent dans son équilibre, d’où ma consultation occasionnelle de sites juridiques.
Je suis frappée des constats suivants :
1/que les sites, ou parties de sites qui se veulent destinés aux salariés , nous prennent à peu près pour des demeurés- lire le code du travail nécessite de savoir lire, et quelques explications supplémentaires, mais de toute façon les réponses toutes faites n’existent pas et simplifier à outrance le propos n’aboutit qu’à mécontenter tout le monde ;
2/ que les sites destinés aux juristes ou aux employeurs supposés, sont quasi tous orientés vers la contestation des décisions prud’homales, et très peu sur les moyens de la conduire ou sur les devoirs des employeurs .
En l’occurrence je consultais la page de l’exécution provisoire.
Si l’exécution provisoire de certaines demandes est prévue à l’article l’article R 516-37 du Code du Travail, lequel renvoie au 2°)de l’article -R1454-14, relatif aux possibles décisions de la formation de référé en cas d’évidence, ce dans la limite de neuf mois de salaire ;
Il arrive, et c’est de mon point de vue EXCEPTIONNEL que le Conseil, en bureau de jugement (BJ), ordonne l’exécution provisoire sur l’ensemble du jugement, sur le fondement de l’art. 515-1 du Code de Procédure Civile.
En effet, d’une part les formations des CPH : (BCO ,BJ ou R (référé)) sont toujours paritaires, d’autres part les conseillers salariés ont également conscience que le droit n’est pas une science exacte, donc que les décisions qu’ils prennent avec les employeurs sont susceptibles d’appel, et donc éventuellement invalidées, ce qui, en cas de versements importants et déjà dépensés, mettrait le salarié dans une situation plus que délicate...Donc la règle est de s’en tenir à l’exécution provisoire de droit, bien que les avocats introduisent systématiquement celle sur l’ensemble des décisions, même si c’est en pratique inutile...De mon expérience, toujours..
Donc, je m’étonne de l’esprit du juriste qui alimente le site, qui semble penser d’abord aux voies de recours possibles, ce qui d’emblée semble favoriser la multiplication des procédures,
alors que sur ce point précis, les décisions des CPH sont, en tout cas pour ce que j’en connais personnellement, à la fois extrêmement rares ( pour ma personne, 2 en 9 ans de pratique !), et à chaque fois motivées une attitude exceptionnellement irresponsable de l’employeur - qu’il faudrait d’abord sensibiliser à ses devoirs, et aux risques qu’il encours en n’obtempérant pas .
Merci de vos réponses. Pascale.
Bonjour à toutes et à tous,
La difficulté de l’Execution provisoire est d’assurer le traitement comptable de la paie si l’employeur a fait appel de la décision.
Je m’explique. J’ai obtenu au titre de cette exécution provisoire 9 mois de salaires. Le jugement d’appel a été plus favorable à mes intérêts que la décision prudhommale et m’ accordé des rappels de salaires au titre d’heures supplémentaires sur une période où les heures supplémentaires étaient non soumises à cotisation.
Pour déterminer le montant des sommes dues, l’employeur a tenu compte des sommes déjà versées. Je considère que l’employeur aurait dû s’appuyer sur les sommes obtenues en appel et déduire les sommes déjà versées.
Par le biais de cette écriture comptable, je me retrouve à payer des cotisations sociales 2 fois et je ne bénéficie pas de l’exonération des cotisations sociales liées aux heures supplémentaires.
Partagez vous mon analyse ?
Je remercie par avance tous les personnes qui porteront un intérêt à ma question.
Bien cordialement
Marie
Bonjour Madame,
Trouvant votre témoignage très pertinent, je me permets de vous soumettre une question que je me pose :
Souvent, le Conseil de Prud’hommes décide : "Ordonne l’exécution provisoire dans la limite de l’article R1454-28 du Code du travail". Toutefois, aucune limite n’est contenue dans cet article s’agissant d’une exécution provisoire ordonnée. Faut-il ainsi en déduire que la décision ne peut qu’avoir pour effet de rendre exécutoire par provision l’intégralité de la décision ? Ou bien dans le cas contraire, les juges auraient précisé que cette exécution s’applique à tout ou partie ?
Merci par avance à toute personne qui participera au débat.