La carte de presse n’est pas « la » condition pour prétendre à la qualité de journaliste professionnel. Ce n’est qu’un moyen de preuve de la qualité de journaliste.
Elle permet "de se prévaloir de la qualité de journaliste soit à l’occasion de l’établissement d’un passeport ou de tout autre acte administratif, soit en vue de bénéficier des dispositions prises en faveur des représentants de la presse par les autorités administratives".
Mais, ajoute la jurisprudence constante de la Cour de Cassation et du Conseil d’État, elle n’a aucune incidence sur les relations entre le journaliste et son employeur.
Ainsi, un employeur n’a pas le droit d’exiger la possession de la carte de presse pour faire bénéficier à un journaliste du statut de salarié et des avantages de la Convention collective des journalistes.
Celui-ci pourra cependant prouver par d’autres moyens sa qualité de journaliste professionnel ; il devra établir qu’il répond aux définitions des articles L.7111-3 du Code du travail.
Cependant la carte de presse reste le moyen le plus simple.
La CCNTJ indique que tout journaliste doit faire sa demande après trois mois d’exercice de la profession.
En effet, les entreprises de presse ont l’interdiction d’" employer plus de trois mois des journalistes professionnels qui ne seraient pas titulaires de la carte professionnelle ou pour laquelle cette carte n’aurait pas été demandée".
Il faut pour cela remplir un dossier qu’il est possible de se procurer au siège de la Commission de la Carte (221, rue de Lafayette, 75010 Paris).
A l’appui de leur demande, les pigistes doivent fournir la justification de leur activité de journalistes pendant trois mois.
Le renouvellement (annuel) se fait sur justification de l’activité de journaliste pendant l’année civile.
1) La définition du journaliste professionnel
L’article L. 7111-3 du Code du travail dispose qu’est Journaliste professionnel « celui qui a pour occupation principale, régulière et rétribuée l’exercice de sa profession dans une ou plusieurs publications quotidiennes ou périodiques ou agences de presse et qui en tire le principal de ses ressources ».
À cet égard, les journalistes qui collaborent à la radio télévision ont la qualité de journaliste au sens de l’article L.7111-3 du Code du travail.
Selon la jurisprudence, la profession de journaliste consiste « dans l’exercice permanent de l’une des activités intellectuelles, que comporte la composition rédactionnelle d’une publication ou du service d’une agence de presse d’information ».
La qualité de journaliste implique la réunion de 4 conditions :
l’exercice de la profession de journaliste et
l’exercice de la profession à titre principal ;
l’exercice de la profession doit procurer à l’intéressé l’essentiel de ses ressources ;
l’exercice de la profession doit être effectué dans une (ou plusieurs) publication(s).
La jurisprudence a précisé que « sont journalistes ceux qui apportent une collaboration intellectuelle et permanente à une publication périodique en vue de l’information des lecteurs » (Cass. soc. 28 mai 1986, n°1306 ; Cass. soc. 1er avril 1992).
L’article 1.3 de la Convention collective nationale des Journalistes et l’article L.7113-4 du code du travail disposent que « sont assimilés aux journalistes professionnels les collaborateurs directs de la rédaction :
rédacteurs-traducteurs, sténographes-rédacteurs, rédacteurs-réviseurs, reporters-dessinateurs, reporters-photographes, à l’exclusion des agents de publicité et de tous ceux qui n’apportent, à un titre quelconque, qu’une collaboration occasionnelle ».
Ainsi, il a notamment été jugé qu’ont la qualité de journaliste :
un maquettiste (Cass. soc. 9 février 1989) ;
un animateur de radio locale qui recueillait des informations de toute origine pour rédiger et présenter plusieurs fois par jour des bulletins d’information, cette occupation ayant manifestement un caractère intellectuel (CA Rouen 27 juin 1989, Sarl Régie radio média c/ M.X) ;
un rédacteur réviseur qui participe par sa contribution intellectuelle à l’oeuvre créatrice de la rédaction (CA 26 sept. 1991).
L’exercice de la profession de journaliste doit constituer pour l’intéressé une occupation principale, régulière et rétribuée.
À titre d’exemple, il a été jugé que bénéficie du statut de journaliste professionnel, le collaborateur direct et permanent de la direction, qui tire de cette occupation principale, la plus importante partie de ses ressources et n’exerce qu’accessoirement l’activité de courtier en publicité (Cass.soc. 13 juin 1957).
L’activité professionnelle doit procurer à la personne qui exerce cette activité le principal de ses ressources nécessaires à son existence ; en cas de pluralité d’activités rétribuées, il doit être recherché si l’intéressé tire de la profession de journaliste une rémunération l’emportant sur les autres revenus professionnels (Cass.soc. 3 janv. 1957).
2) En l’espèce : un auto-entrepreneur journaliste qui travaille comme un salarié !
L’auto entrepreneur avait été débouté en 1ère instance aux motifs qu’étant auto-entrepreneur et non salarié ; il était hors du code du travail et ne pouvait revendiquer la carte de presse.
Au contraire, la Commission Supérieure de la Carte de presse octroie la carte à l’intéressée aux motifs que :
elle avait créé son auto entreprise à la demande de son employeur ;
elle a « facturé son activité exclusivement à la même société d’édition » ;
elle figurait dans l’Ours de la revue ;
ses fonctions consistaient à « des travaux de rédaction, correction, relecture et réécriture ; ses fonctions correspondent à un travail de journaliste » dont elle « tire le principal de ses ressources ». (source légipresse mars 2011)
Par ailleurs, la requérante, travaillait aussi dans les locaux de l’entreprise avec les horaires et sous les directives de l’employeur.
Conclusion :
Il semble que plus qu’un auto entrepreneur, il s’agit en réalité d’un cas de salariat déguisé et il probable que l’intéressée pourrait obtenir la requalification de sa relation contractuelle en relation salariée et des dommages intérêts pour travail dissimulé.
Dès lors, il faut se réjouir que l’intéressée ait obtenu la Carte de presse.
En revanche, l’auto entrepreneuriat des journalistes, qui est en fait du salariat déguisé, est un signe de la précarisation /prolétarisation de la profession de journaliste et doit être, selon nous, combattu.