Auto-entrepreneurs : Attention au risque de redressement URSSAF.

Par Annabelle Sevenet, Avocat.

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Explorer : # redressement urssaf # requalification de contrat # auto-entrepreneur # lien de subordination

Lorsqu’un auto-entrepreneur immatriculé au registre du commerce démontre qu’il est placé sous la subordination d’un donneur d’ordre, la présomption légale de non-salariat dont il relève est renversée et le donneur d’ordre peut faire l’objet d’un redressement de cotisations sociales.

Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-15.333 FP-PBI, Sté transport Wendling c/ Urssaf d’Alsace.

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Nombreux sont les travailleurs qui optent pour le régime d’auto-entreprenariat dans le cadre de leurs prestations de travail, souvent à la grande satisfaction des sociétés qui s’épargnent ainsi les contraintes administratives et financières du salariat.

Pour autant, chaque partie doit faire preuve de la plus grande vigilance pour éviter une requalification de la relation de travail en contrat de travail, requalification qui peut entrainer un redressement URSSAF lourd de conséquence.

La Cour de Cassation s’est penchée sur le sujet dans un arrêt du 28 novembre 2019 opposant une société de transport à l’URSSAF d’Alsace.

Ainsi, dans le cadre d’un contrôle, une société de transport qui a eu recours à un auto-entrepreneur, immatriculé au registre du commerce, pour conduire des camions afin d’effectuer des livraisons sur des chantiers, fait l’objet d’un redressement de cotisations sociales et entend contester ledit redressement.

Dans un premier temps, la Cour d’appel déboute la société en considérant que l’auto-entrepreneur était assujetti au pouvoir de subordination de la société, que ce soit concernant les tâches à effectuer, les moyens mis à sa disposition et les dates de ses interventions puisque les véhicules qu’il utilisait afin d’effectuer les livraisons étaient mis à sa disposition par la société qui en assurait l’approvisionnement en carburant et l’entretien, qu’il utilisait la licence communautaire de celle-ci et se présentait sur les chantiers comme faisant partie de la société de transport. En outre, les disques d’enregistrement étaient remis à cette dernière et qu’il n’avait donc aucune indépendance dans l’organisation et l’exécution de son travail.

Selon la Cour d’Appel il en découlait que les sommes versées à l’auto-entrepreneur devaient être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales, à la charge de la Société.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la Société, approuvant la décision des premiers juges au visa de l’article L 8221-6, I du Code du travail qui rappelle que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
- les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;
- les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire ou de transport à la demande ;
- les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a affirmé que la présomption légale de non-salariat, qui bénéficie aux personnes sous le statut d’auto-entrepreneur, peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Que faut-il retenir de cet arrêt ? La Cour semble rappeler ici le principe selon lequel le lien de subordination est l’apanage du contrat de travail, dont les règles directrices ne découlent pas du droit commun des contrats mais obéissent, du fait même de ce lien de subordination et donc, du déséquilibre entre les parties, à un régime propre.

L’auto-entrepreneur doit donc conserver une liberté d’agir dans l’exécution de sa prestation pour échapper à l’application des principes du droit du travail.

De surcroit, au redressement exigé par l’URSSAF, le donneur d’ordre s’expose à une action prud’homale du salarié, lequel pourrait solliciter la requalification de sa relation de travail en contrat de travail et réclamer, à ce titre, le paiement des sommes liées à l’exécution et la rupture de son contrat de travail, outre le paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices au cours de sa prestation de travail.

Annabelle SEVENET- Avocate Associée - Droit Social
www.jane-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par Mannig , Le 23 décembre 2019 à 12:52

    Je lis :
    « Lorsqu’un auto-entrepreneur (...) démontre qu’il est placé sous la subordination d’un donneur d’ordre, la présomption légale de non-salariat dont il relève est renversée »

    , et ceci me laisse perplexe.

    En effet, quel que soit le statut juridique de l’entrepreneur, il est FATALEMENT subordonné à un donneur d’ordre, sinon plusieurs. Ceci entraînerait donc, à en lire la Cour de Cass’, une requalification du statut d’AE ? Certes, en l’espèce, il y a clairement un rapport étroit (de par sa répétitivité) entre les deux parties mais cela implique-t-il pour autant une requalification ? L’AE, que je sache, n’a signé aucun contrat d’embauche, pas davantage que le donneur d’ordre n’établit de bulletin de salaire à l’AE. Aurais-je loupé un épisode ? N’y a-t-il pas un cadre juridique au statut de salarié résumé dans ma dernière phrase ?

    Ici, l’AE voudrait se faire considérer fiscalement comme un salarié : c’est son affaire. J’ai malheureusement peur que, fort de ce jugement, l’URSSAF ne tombe à bras raccourcis sur tous les donneurs d’ordre des AE. Nous ne connaissons, hélas, que trop sa perversité.

    L’AE, déjà cantonné à un revenu de quasi-SMICARD, devra alors multiplier sa clientèle pour prouver qu’il n’est subordonné à aucun client en particulier, ce qui se retournera alors contre lui, l’URSSAF lui objectant (plus c’est gros, plus cela passe) qu’il est, au contraire, subordonné à tous. Avec un tel raisonnement à la graisse d’oie, tous les donneurs d’ordre rayeront définitivement leurs prestataires AE de leur relationnel pour sauver leur peau. La leur, j’entends.

    Partant, le statut d’AE, déjà fragile, va en prendre un sacré coup - coût - au point d’hypothéquer sérieusement sa propre existence.

    Je préfère croire à un mauvais rêve plutôt que de me préparer un enterrement de première classe.

  • par Gaucher , Le 19 décembre 2019 à 17:27

    Bonjour,
    Je suis un ancien agent de direction d’une urssaf. Je viens de découvrir cet arrêt récent de la chambre civile de la cour de cassation. Par habitude professionnelle, ( bien que je sois en retraite), je m’intéresse néanmoins a ce sujet. Il me paraît indispensable, afin d’éviter des interprétations hâtives, de préciser si cet arrêt est définitif ou pas, ce qui permet d’en tirer des enseignements ou pas. En effet, par le passé, combien d’arrêts n’ont pas été confirmés par les chambres réunies de la Cour de cassation, obligeant les organismes à faire marche arrière avec les inconvénients au niveau de l’image qui en découlent pour ceux qui ont payé leurs redressements ?
    Je remarque que le problème des chauffeurs routiers faux travailleurs independants,subsiste encore. Il existait déjà il y a plus de 25 ans.
    Les entreprises de bâtiment agissaient de même avec leurs tâcherons pour éviter le paiement des charges salariales.
    Cordialement,
    Joël Gaucher
    joel.gaucher chez orange.fr

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