Comment contester une signification de contrainte URSSAF qui n’a été faite à personne ?

Par Eric Rocheblave, Avocat.

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Explorer : # signification des actes # nullité de procédure # recouvrement des cotisations # diligences de l'huissier

Le droit de recouvrer une créance par voie de saisie-attribution est strictement encadré par les dispositions du Code des procédures civiles d’exécution. Aux termes de l’article L211-1, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut saisir, entre les mains d’un tiers, les sommes dues par son débiteur.

Lorsque l’URSSAF agit sur le fondement d’une contrainte, encore faut-il que cette dernière soit valablement signifiée. En effet, la contrainte ne produit les effets d’un jugement que si elle a été régulièrement notifiée, conformément aux exigences du Code de procédure civile.

Or, de nombreuses décisions de justice rappellent que la rigueur procédurale s’impose en matière de signification : en l’absence de vérifications sérieuses du domicile ou d’un véritable effort de signification à personne, la contrainte ne peut valablement fonder une saisie. En pareille hypothèse, le cotisant est fondé à solliciter l’annulation de la saisie-attribution ainsi que sa mainlevée.

Cet article a pour objet de rappeler les règles applicables à la signification des contraintes URSSAF, d’analyser les conséquences juridiques d’une signification irrégulière, et d’illustrer les solutions contentieuses offertes au débiteur pour faire valoir ses droits.

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Aux termes de l’article L211-1 du Code des procédures civiles d’exécution,

« Tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent ».

Constituent des titres exécutoires, aux termes de l’article L111-3-6° du Code des procédures civiles d’exécution, les titres délivrés par les personnes morales de droit public qualifiés comme tels par la loi, ou les décisions auxquelles la loi attache les effets d’un jugement.

En vertu de l’article R211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, le créancier procède à la saisie par acte d’huissier, et cet acte contient à peine de nullité l’énonciation du titre exécutoire en vertu duquel la saisie est pratiquée.

En vertu de l’article L244-9 du Code de la Sécurité sociale,

« La contrainte décernée par le directeur d’un organisme de Sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur devant le tribunal judiciaire spécialement désigné en application de l’article L211-16 du Code de l’organisation judiciaire, dans les délais et selon des conditions fixés par décret, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.
Le délai de prescription de l’action en exécution de la contrainte non contestée et devenue définitive est de trois ans à compter de la date à laquelle la contrainte a été notifiée ou signifiée, ou un acte d’exécution signifié en application de cette contrainte
 ».

En vertu de l’article 654 du Code de procédure civile,

« La signification doit être faite à personne.
La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l’acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet
 ».

L’article 655 du Code de procédure civile précise,

« Si la signification à personne s’avère impossible, l’acte peut être délivré soit à domicile, soit, à défaut de domicile connu, à résidence.
L’huissier de justice doit relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer la signification à la personne de son destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification.
La copie peut être remise à toute personne présente au domicile ou à la résidence du destinataire.
La copie ne peut être laissée qu’à condition que la personne présente l’accepte et déclare ses nom, prénoms et qualité.
L’huissier de justice doit laisser, dans tous ces cas, au domicile ou à la résidence du destinataire, un avis de passage daté l’avertissant de la remise de la copie et mentionnant la nature de l’acte, le nom du requérant ainsi que les indications relatives à la personne à laquelle la copie a été remise
 ».

En application de l’article 659 du Code de procédure civile,

« Lorsque la personne à qui l’acte doit être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal où il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification.
Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d’un acte concernant une personne morale qui n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés
 ».

Selon l’article 649 du Code de procédure civile,

« La nullité des actes d’huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure ».

En outre, l’article 693 du Code de procédure civile dispose à son premier alinéa,

« Ce qui est prescrit par les articles 654 à 659, 663 à 665-1, 672, 675, 678, 680, 683 à 684-1, 686, le premier alinéa de l’article 688 et les articles 689 à 692 est observé à peine de nullité ».

Enfin, selon l’article 114 du Code de procédure civile,

« la nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité, même lorsqu’il s’agit d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».

S’agissant de la signification de la contrainte, il y a lieu de rappeler que selon les dispositions de l’article 654 du Code de procédure civile, la signification “doit être faite à personne”.

Ce qui signifie que l’huissier (aujourd’hui nommé commissaire de justice) doit en premier lieu trouver personnellement le destinataire de l’acte.

Ce n’est, précise l’article 655, que « si la notification à personne s’avère impossible », que l’huissier pourra recourir aux autres modes de signification.

Il appartient au commissaire de justice de relater dans l’acte les diligences qu’il a accomplies pour effectuer une signification à la personne du destinataire et les circonstances caractérisant l’impossibilité d’une telle signification en application des articles 655 et 653 du Code de procédure civile.

Si la certitude du domicile est acquise, le commissaire de justice n’a pas l’obligation de poursuivre ses recherches et délivrer l’acte sur les lieux de travail.

L’acte doit contenir les diverses investigations et circonstances rendant la remise à personne impossible sous peine d’entraîner la nullité de la signification.

Le commissaire de justice doit expliquer les raisons concrètes qui ont empêché la signification à personne.

Le Tribunal judiciaire de La Réunion a jugé (Tribunal judiciaire de La Réunion - 1ère Chambre 20 février 2025 / n° 24/01063) :

« En l’espèce, l’acte de signification de la contrainte en date du 02 octobre 2023 précise que le commissaire de justice s’est rendu au [Adresse] et “personne ne répondant à nos appels, après avoir vérifié la certitude du domicile du destinataire caractérisé par les éléments suivants : confirmation du domicile par le voisinage”.
L’acte de signification précise que “la signification à personne et à domicile étant impossible, la copie du présent est déposée en mon étude” et qu’un avis de passage est laissé.
Il résulte de ces mentions que le commissaire de justice n’a constaté nulle part la mention du nom du destinataire ni sur une boîte aux lettres, ni sur la porte de l’appartement. Il ne s’est contenté que de la confirmation du “voisinage” sans plus de précision. Il n’est pas non plus précisé où l’avis de passage aurait été laissé en l’absence de boîte aux lettres.
Cette seule mention de la confirmation de l’adresse par le voisinage en l’absence de mention d’autres diligences, ne saurait constituer une vérification suffisante attestant de la réalité du domicile du destinataire de l’acte
 ».

L’irrégularité de l’acte de signification peut avoir pour conséquence de vous avoir empêché d’exercer les voies de recours à l’encontre de la contrainte.

Compte tenu de la nullité de l’acte de signification, la contrainte n’est pas exécutoire et ne peut servir de fondement à une saisie-attribution.

Lorsque l’URSSAF ne démontre pas avoir signifié cette contrainte, lorsque aucun acte de signification n’est produit relativement à une prétendue signification, en l’absence de signification, la contrainte contestée n’est pas exécutoire et ne peut servir de fondement à la saisie-attribution.

Il y a lieu en conséquence d’annuler la saisie-attribution et d’ordonner en conséquence la mainlevée de cette saisie-attribution.

En effet, seule cette signification permettait au débiteur d’avoir connaissance des délais et voies de recours à l’encontre de cette contrainte [1].

Lorsque l’URSSAF ne rapporte pas la preuve d’une signification à personne ou que l’intéressé a été avisé par recommandé avec accuser réception, en conséquence, il y a lieu de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-attribution, de déclarer nulle la saisie-attribution pratiquée à l’initiative de l’URSSAF, et d’en ordonner la mainlevée [2].

Eric Rocheblave
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité sociale
https://www.rocheblave.com/

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Notes de l'article:

[1Tribunal judiciaire de La Réunion - 1ère Chambre 20 juin 2024 / n° 23/03781.

[2Tribunal judiciaire de Mulhouse - PPEP Civil 27 septembre 2024 / n° 24/00218.

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