I. Faits.
Engagé en mars 2012 par la société Videndum Média Distribution France (anciennement Manfrotto Distribution) en tant que responsable administratif et financier, le plaignant de cette affaire avait pour mission de redresser la comptabilité, mettre en place des procédures et suivre l’évolution des performances commerciales et des coûts. Bénéficiant d’une grande autonomie dans son travail et percevant une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise, il a néanmoins été licencié en avril 2016. Contestant des aspects de l’exécution et de la rupture de son contrat de travail, il saisit les juridictions prud’homales. Il réclame notamment le paiement d’heures supplémentaires et de ses congés payés afférents.
II. Moyens.
L’employeur a défendu son refus de payer ces sommes en soutenant que le demandeur relevait de la catégorie des cadres dirigeants, ce qui l’exclurait de tout droit au paiement des heures supplémentaires. La cour d’appel de Paris, retenant cette qualification, a rejeté les demandes du salarié.
M. [K] conteste cette analyse et reproche à la cour d’appel d’avoir tiré des conclusions erronées. Il soutient que la présence d’une convention de forfait privée d’effet dans son contrat de travail exclut la possibilité qu’il soit considéré comme cadre dirigeant. Selon lui, les critères définis par l’article L3111-2 du Code du travail ne sont pas remplis. En se fondant sur cette qualification de cadre dirigeant, l’employeur aurait injustement échappé à ses obligations de rémunération des heures supplémentaires et la cour d’appel, en retenant cette qualification, n’a pas tiré les conséquences légales des faits constatés.
III. Solution.
La Cour de cassation casse partiellement l’arrêt de la cour d’appel. Elle rappelle que, pour qu’un salarié soit qualifié de cadre dirigeant, il doit satisfaire cumulativement aux critères de l’article L3111-2 du Code du travail :
1. Une grande indépendance dans l’organisation du temps de travail.
2. La capacité de prendre des décisions de manière autonome.
3. Une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise.
En l’espèce, bien que le demandeur ait eu une autonomie dans l’organisation de son travail et des responsabilités importantes, associée à un salaire élevé, le fait qu’une convention de forfait conclue ait été jugée illicite ou privée d’effet empêchait d’appliquer cette qualification.
La décision de la cour d’appel d’écarter les demandes d’heures supplémentaires est donc erronée et, en conséquence, la Cour ordonne un nouvel examen de ses demandes relatives au rappel de salaire, aux heures supplémentaires et aux indemnités compensatrices.
IV. Analyse.
Cet arrêt marque l’exigence de la Cour de cassation quant à l’application stricte des critères du statut de cadre dirigeant.
La qualification ne peut être invoquée de manière abusive pour priver un salarié de droits légaux.
En l’espèce, bien que le demandeur ait occupé une fonction stratégique dans l’entreprise et perçu une rémunération élevée, ces éléments ne suffisent pas à l’exclure du régime commun des salariés, notamment en ce qui concerne le paiement des heures supplémentaires. Cette décision protège les droits des salariés en rappelant que la rémunération des heures supplémentaires ne peut être contournée sans justification légale.
La décision met également en lumière l’importance du respect des conventions de forfait et confirme la vigilance de la haute juridiction face aux abus éventuels des employeurs, réaffirmant les principes fondamentaux du droit du travail.
En effet, pour les entreprises, cet arrêt est une invitation à mieux encadrer leurs pratiques contractuelles, particulièrement lorsque le salarié assume des fonctions à responsabilité.
Une irrégularité formelle ou juridique dans la mise en place de ces conventions peut avoir des conséquences majeures, notamment en privant l’employeur de moyens de défense.
Pour les salariés, cet arrêt constitue une garantie supplémentaire contre les pratiques abusives des employeurs qui pourraient chercher à contourner leurs obligations légales, notamment en matière de rémunération.
C’est une confirmation de jurisprudence [1].
Source :
Cass. soc., 20 novembre 2024, n° 23-17.881.
Cadres dirigeants salariés : si votre contrat mentionne un forfait en jours, vous pouvez demander le paiement de vos heures supplémentaires !