La demande de pièce par la juridiction en cours de délibéré. Par Benoit Henry, Avocat.

La demande de pièce par la juridiction en cours de délibéré.

Par Benoit Henry, Avocat.

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Explorer : # principe du contradictoire # procédure judiciaire # réouverture des débats # droit des parties

Ce que vous allez lire ici :

Le principe du contradictoire assure que chaque partie est entendue dans un procès. Son non-respect entraîne la nullité du jugement. Le juge doit inviter les parties à s’expliquer sur les nouvelles pièces présentées en cours de délibéré, garantissant ainsi un débat équitable et équilibré.
Description rédigée par l'IA du Village

La deuxième chambre Civile de la Cour de cassation vient de rendre un arrêt éclairant sur la demande de pièce par la juridiction en cours de délibéré au regard notamment du principe de la contradiction.

L’arrêt du 23 mai 2024 - Pourvoi n°22-23.735 n’innove en rien au fond en indiquant que lorsque la juridiction sollicite la production d’une pièce en cours de délibéré, elle est tenue, pour respecter le contradictoire, soit d’inviter les parties à formuler des observations dans un certain délai, soit d’ordonner la réouverture des débats. Seulement, c’est la première fois que cette affirmation est faite de manière aussi directe par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation.

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Si comme le disait Talleyrand, ce qui va sans dire va mieux en le disant, on ne peut que se féliciter de cette clarification !

I- Le juge lui-même est tenu de respecter le principe du contradictoire.

1°- Qu’est-ce que le principe du contradictoire ?

Le principe du contradictoire est un principe fondamental de toute procédure judiciaire. Il a été consacré comme un principe général du droit. Il est une traduction concrète de la notion de procès équitable.

Le principe du contradictoire garantit aux parties qu’elles ne seront pas jugées sans avoir été sinon entendues, du moins appelées.

La personne qui n’a pas eu connaissance de l’instance menée à son encontre possède certaines garanties, tant du point de vue des voies de recours qui lui sont ouvertes que de l’exécution de la décision.

Le principe du contradictoire garantit à chaque partie le droit de prendre connaissance des arguments de fait, de droit et de preuve à partir desquels elle sera jugée.

Les différents intervenants du procès doivent donc se montrer loyaux et diligents dans la communication de leurs pièces et conclusions.

Tout élément produit en justice devant pouvoir faire l’objet d’un débat, il doit en conséquence être communiqué à l’adversaire.

Le juge lui-même est tenu de respecter le principe du contradictoire.

Le juge peut, par exemple, écarter des débats des éléments communiqués tardivement ou partiellement par une partie à ses adversaires.

Le juge peut, par exemple ordonner la réouverture des débats chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

A cet égard, le recours à la réouverture permet au juge, pour la loyauté des débats, de ne pas « écarter les notes et pièces produites en cours de délibéré » lorsqu’elles ont pour but de l’informer sur des éléments récemment découverts.
Dans un tel cas, il est nécessaire pour le juge de rouvrir les débats.

Lorsqu’elle est ordonnée pour permettre aux parties de conclure sur une question précise ou de présenter des observations sur une pièce, la réouverture des débats n’emporte pas la révocation de la clôture sauf si la cour en décide expressément ou lorsque l’affaire est renvoyée à la mise en état.

Dès lors, il appartient seulement aux parties de répondre à la question posée sans qu’il leur soit possible d’élever de nouvelles prétentions ou d’introduire des moyens nouveaux.

La réponse aux questions de la cour n’est pas soumise aux exigences des conclusions récapitulatives telles que prévues par l’article 954 du Code de Procédure Civile.

L’absence de conclusions d’une partie en réponse à l’invitation de la cour à s’expliquer sur certains points est malgré tout sans incidence sur la portée de celles régulièrement déposées avant la réouverture des débats dont la cour demeure saisie.

2° Quelles sont les sanctions au non-respect du principe du contradictoire ?

Le caractère contradictoire de la procédure permet de s’assurer de la préservation des droits de chaque partie.

Son non-respect est sévèrement sanctionné.
Le jugement entaché d’une violation de la contradiction est nul, cette nullité du jugement ne pouvant être demandée que par les voies de recours.

La Cour de cassation exerce un contrôle vigilant.

II- Lorsqu’il demande une pièce en cours de délibéré, il doit mettre les parties en mesure de s’expliquer sur ce point sous peine de ne pouvoir l’utiliser dans sa décision.

La deuxième chambre civile juge que lorsque la juridiction sollicite la production d’une pièce en cours de délibéré, elle est tenue, pour respecter le contradictoire, soit d’inviter les parties à formuler des observations dans un certain délai, soit d’ordonner la réouverture des débats dans son arrêt du 23 mai 2024.

1° L’examen du moyen/le principe de la contradiction.

Au cas d’espèce, le requérant fait grief à l’arrêt de dire que, alors :
« Que M. [E] fait grief à l’arrêt de déclarer recevable la demande de Mme [T], en qualité d’administrateur provisoire de la société Immofonds Saint-Marc, et d’autoriser, en conséquence, cette dernière à vendre de gré à gré les lots n° 2, 27, 29, 30 et 31 dépendant de l’immeuble moyennant le prix minimal net vendeur de 185 000 euros, à purger le droit de préemption du locataire et à vendre de gré à gré le lot n° 6 dépendant du même immeuble moyennant le prix minimal net vendeur de 145 000 euros et de le débouter de sa demande tendant à faire interdiction à Mme [T] de procéder à la vente des lots objets du bail commercial dans les conditions figurant dans la notification aux fins de purge du droit de préemption du locataire de la société Immofonds Saint-Marc du 30 mars 2022, alors « que le juge, qui doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction, ne peut se fonder sur des pièces produites en cours de délibéré à sa demande que s’il les soumet au débat contradictoire entre les parties.
Qu’en se fondant, pour dire que Mme [T] était recevable à agir pour le compte de la société Immofonds Saint-Marc en qualité d’administrateur provisoire de celle-ci, sur une ordonnance en date du 11 mai 2022, rendue sur requête, prorogeant sa mission à compter du 15 mai 2022 jusqu’au prononcé de l’ordonnance de référé à intervenir, pièce produite en cours de délibéré à la demande de la cour d’appel, sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré, ni ordonné la réouverture des débats, la cour d’appel a violé l’article 16 du Code de procédure civile
 ».

2° La réponse de la Cour de cassation.

« Vu l’article 16 du Code de procédure civile :
Il résulte de ce texte que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.

Il découle des articles 442 et 445 du Code de procédure civile qu’après la clôture des débats, les parties ne peuvent déposer aucune note à l’appui de leurs observations, à moins qu’elles n’aient été invitées par le président et les juges à fournir les explications de droit ou de fait qu’ils estiment nécessaires ou à préciser ce qui paraît obscur.

L’article 444 du Code de procédure civile énonce que le président doit ordonner la réouverture des débats chaque fois que les parties n’ont pas été à même de s’expliquer contradictoirement sur les éclaircissements de droit ou de fait qui leur avaient été demandés.

Pour rejeter le moyen tiré de l’irrecevabilité à agir de l’administrateur provisoire, l’arrêt retient qu’en cours de délibéré, par message électronique du 22 juin 2022, il a été demandé la production de l’ordonnance portant prorogation de la mission de Mme [T], et qu’il en ressort que la mission de cette dernière a été prorogée à compter du 15 mai 2022 et jusqu’au prononcé de l’ordonnance de référé à intervenir.

En statuant ainsi, sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré, ni ordonné la réouverture des débats, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Il en résulte que la cour casse et annule, en toutes ses dispositions, l’arrêt rendu le 2 septembre 2022, entre les parties, par la Cour d’appel de Paris.

Remet l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la Cour d’appel de Paris autrement composée.

Par ces motifs,
la deuxième chambre civile juge que lorsque la juridiction sollicite la production d’une pièce en cours de délibéré, elle est tenue, pour respecter le contradictoire, soit d’inviter les parties à formuler des observations dans un certain délai, soit d’ordonner la réouverture des débats dans son arrêt du 23 mai 2024
 ».

Il n’est donc pas permis lorsque la juridiction sollicite la production d’une pièce en cours de délibéré de statuer sans inviter les parties à formuler leurs observations ou ordonner la réouverture des débats.

Tel est le principe.

Notes :

Benoit Henry, bhenry chez recamier-avocats.com
Avocat Spécialiste de la Procédure d’Appel
Barreau de Paris
http://www.reseau-recamier.fr/
bhenry chez recamier-avocats.com
Président du Réseau Récamier
Membre de Gemme-Médiation
https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 5 décembre 2024 à 16:06
    par Schéhérazade Zerouala , Le 9 novembre 2024 à 09:56

    Excellent article. Bravo à M. Benoît Henry pour la clarté et la précision de ses éclairages.

    • par Michel SALLAT , Le 5 décembre 2024 à 00:13

      La Cour réclame une note en délibéré pour examiner un passeport et un billet d’avion confirmer l’absence d’entretien préalable.
      La défense lui demande de l’écarter en vertu de la défunte règle de l’unicité de l’instance.
      Le jugement de déboutement n’en tient pas compte..
      Que faut il en tirer de la violation du contradictoire ?

    • par Benoit HENRY , Le 5 décembre 2024 à 16:06

      Cher Monsieur,

      En statuant ainsi, sans avoir ni invité les parties à formuler, dans un certain délai, leurs observations en cours de délibéré, ni ordonné la réouverture des débats, le Tribunal a violé les articles 16 et 444 du Code de procédure civile.

      Il est possible de faire appel de la décision lorsque :
      Elle a tranché le litige ou certains points du litige c’est-à-dire que le juge a répondu aux demandes en y faisant droit ou non.
      Elle est rendue en premier ressort.

      Le délai pour faire appel est d’1 mois pour les jugements.

      Bien Cordialement.

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