Pour maintenir le principe d’une justice équitable, il faut que celle-ci soit accessible autant en théorie qu’en pratique. Pour plusieurs, une perception péjorative a cours lorsque l’enjeu de la justice fait les manchettes.
À cet égard, il y a une prescience immuable selon laquelle il existe des citoyens de classes supérieures et inférieures. La première, quant à elle, bien nantie jouit d’un accès privilégié et hors normes à la justice. La seconde se heurte à une méconnaissance du système judiciaire, bien malgré elle ; de sorte qu’elle érige des craintes non fondées à l’égard de la justice et du droit se retrouvant ainsi errantes face à une démoralisation sociétale.
En outre, un tel portrait de la situation nous semble parfois banal, voire anodin ; cependant, derrière celui-ci se cachent des bribes d’une réalité beaucoup moins complaisante. De ce fait, certains exégètes y voient, ce que l’on peut communément nommer : le décrochage judiciaire. Ce type de désengagement amène les citoyens, ainsi que d’autres évoluant au sein même du milieu juridique, de perdre foi en ce système qui malgré des lacunes bénéficie à se faire connaître davantage.
Or, il nous semble que les justiciables ont tendance à s’égarer dans les méandres de la justice, alors qu’arrivent des situations où ceux-ci doivent se débrouiller par eux-mêmes. Ce qui s’avère souvent le cas, quand leur cause se retrouve devant les tribunaux : Cour des petites créances entre autres. Parfois, de tels démêlés se produisent devant la Cour du Québec ou bien la Cour supérieure. Ou bien pour les citoyens Français devant le Tribunal de proximité et le Tribunal judiciaire. Dans de telles circonstances, les justiciables Québécois peuvent se représenter seuls ; alors, il est préférable d’avoir le soutien d’un avocat au préalable. Pourtant, qu’en advient-il lorsque vous ne jouissez pas d’un tel soutien légal ? Quelques options s’offrent à vous : vous représentez vous-même, ce qui veut dire seul face à une machine judiciaire tonitruante de termes, de procédures et d’une froideur inexorable. Sans oublier que votre vis-à-vis, l’autre partie, ne souhaite pas nécessairement votre bien.
Cependant, si vous avez le privilège d’obtenir une aide juridique substantielle pour plaider votre cause, il n’y a aucune garantie que vous parviendrez à vos fins quand même. Vous risquez en outre d’être déçu ; une bataille légale peut s’avérer longue et ardue… et sans négliger aussi les conséquences pécuniaires ainsi que le nombre d’heures auxquelles il faut s’y consacrer.
À partir de tels constats, il peut s’avérer normal de vouloir décrocher à l’égard de ce rempart de notre vie démocratique.
Les doléances citoyennes nous amènent à une réflexion : tout d’abord, est-ce que les coûts exorbitants et les sursis pour avoir recours à des conseils juridiques se retrouvent à la base d’une problématique collective ? Ensuite, est-ce que l’incapacité de comprendre le système de justice avec son jargon et ses procédures est responsable d’une sorte de désaveu ? Est-ce que l’impact de cette méconnaissance sur la société en général peut affecter la démocratie ? Existe-t-il une volonté gouvernementale pour une réforme, afin de promouvoir l’importance de la justice et du droit ?
Voyons à présent, comment peut-on avoir une aide pour se pourvoir de conseils juridiques ? L’enjeu économique fait en sorte que des individus aux prises avec des problématiques légales doivent se tourner vers l’aide juridique au Québec et en France à l’aide juridictionnelle ; cependant, pour y avoir accès il faut répondre à certains critères d’admissibilité. Bien souvent, ceux-ci amènent les gens soient à abandonner tous recours judiciaires, à se représenter eux-mêmes, malgré leur méconnaissance de leurs droits ou bien d’aller de l’avant avec un avocat quitte à s’engager dans la voie de l’endettement.
De plus, lors du budget du gouvernement québécois de 2015-2016, il est démontré que dans l’échelle des priorités budgétaires des familles, les économies reliées à d’hypothétiques mésaventures judiciaires ne figurent pas au haut de la liste. En fait, les familles québécoises consacrent moins de 1 % de leur budget à l’administration de la justice [1]. Alors que les statistiques canadiennes, quant à elles, démontrent que 48,4 % des Canadiens âgés de plus de 18 ans auront un problème de justice en matière civile ou familiale [2].
Donc, dans les catégories de problèmes juridiques nous retrouvons le plus fréquemment : des conflits entre voisins, de la discrimination et ainsi que des enjeux en matière familiale. Les gens impliqués dans de telles circonstances, une personne sur cinq (21 %), ont indiqué que les coûts onéreux ont été le facteur déterminant dans leur décision de ne pas entamer de poursuite [3]
Par ailleurs, malgré des avancées significatives, au Québec, dans la refonte du Code de procédure civile, en ce qui a trait aux modes privés de prévention et de règlements des différends, les législateurs ont mis l’accent sur la négociation, la médiation ainsi que l’arbitrage.
Or, dans une étude de l’Association du Barreau canadien, environ 49 % des gens dont la négociation avec l’autre partie ont déclaré que leur tentative d’en venir à une entente s’était avérée inutile. Ainsi 43 % des répondants ont rapporté avoir déboursé des sommes considérables pour tenter de remédier à leur conflit [4].
Par ailleurs, les gouvernements en moyenne dépensent 0,40 $ de chaque dollar en matière de dépense publique. Alors que l’ensemble du système de justice, quant à lui, reçoit 0,01 $ du même dollar [5] Comment justifier un tel désordre du système public ?
Nous constatons à plusieurs égards, particulièrement en matière civile, que les causes devant les tribunaux impliquent souvent le gouvernement, des personnes morales et autres institutions non gouvernementales. Alors qu’individuellement les gens n’ont que très peu de solutions quant à leur recours lorsqu’ils, ou elles, doivent faire face à la justice.
Par ailleurs, les impacts financiers sur les différents gouvernements canadiens (fédéral, provincial et municipal) n’ont rien à voir avec ceux des citoyens qui y sont confrontés. Or, qu’en est-il des conséquences sur les gens ? Certaines études ont établi des relations entre le manque d’accès aux tribunaux civils et certains problèmes de santé — comme la dépression et la maladie — ou sociaux — tels que le suicide.
En effet, il devient évident qu’à un tel stade le tout engendre une exclusion sociale, qui malheureusement demeure dans l’ombre, car bien souvent la pauvreté a la mauvaise d’habitude de se terrer derrière un simulacre de mensonges et de honte. Plusieurs ont de la difficulté à concevoir qu’un tel scénario puisse se produire. Dans les faits, il y en a plus que les gens n’osent l’admettre. Les coûts rattachés à de telles situations s’équivaudraient à environ 800 millions de dollars pour le gouvernement du Québec [6].
Pourtant, loin des feux de la rampe plusieurs dont des magistrats, avocats ainsi que des militants communautaires pour une justice équitable commencent à sonner l’alarme, car les sociétés se retrouveront devant des problèmes sociaux et démocratiques qui pour l’instant se dissimulent dans les coulisses des différents tribunaux du Québec et de la France.
En conclusion, devant l’évidence même que les causes de nature civile, qui, pour le public en général, ne suscite aucun intérêt sensationnaliste, et ce, jusqu’au jour où notre innocence se trouve dans les méandres de la justice. Alors là, il sera déjà trop tard pour clamer une quelconque incompréhension de ce qui s’y passe.