Interview extraite de la revue Actus des Barreaux n°15.
Au sommaire de ce numéro : "Majeurs vulnérables, les avocats portent la voix des plus fragiles"
Actus des Barreaux : Quelles ont été les étapes à la mise en place du Conseil d’accès au droit de la Nouvelle-Calédonie ?
- Éric L’Helgoualc’h.
Éric L’Helgoualc’h : Depuis la publication du décret du 12 juin 2023 qui modifie la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, le Tribunal de Première instance de Nouméa que je préside a effectivement entrepris des démarches pour constituer le Conseil d’accès au droit (CAD) de la Nouvelle-Calédonie.
Gilles Rosati : Un amendement du député Philippe Gomès a facilité sa création sur un modèle relativement proche des conseils métropolitains, en tenant compte des spécificités institutionnelles du territoire.
Cet amendement, inscrit dans la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, autorise en effet les institutions de Nouvelle- Calédonie à être membres du conseil d’accès au droit, sur décision de leur assemblée délibérante.
Quels sont les objectifs du Conseil d’accès au droit ?
Éric L’Helgoualc’h : Il a pour but de répondre aux besoins d’informations des populations et des justiciables qui n’ont pas les moyens de les obtenir, par la création d’un maillage de points d’accès au droit sur un vaste ensemble d’îles et d’archipels du Pacifique. On y compte 271 000 habitants.
Quels en sont les enjeux ?
- Gilles Rosati.
Gilles Rosati : L’enjeu de ce conseil repose en revanche sur son adaptation aux spécificités, mais aussi aux obstacles, de la Nouvelle-Calédonie dont la situation sur le plan financier n’est pas brillante. C’est cependant une bonne chose d’avoir pu attirer les représentants des trois provinces du territoire autour de la table et d’avoir pu obtenir de leur part des engagements en matière d’aide matérielle et logistique.
Les inégalités économiques et sociales sont-elles marquées sur ce territoire ?
Éric L’Helgoualc’h : Les disparités entre les plus aisés et les plus défavorisés sont extrêmement fortes. Le salaire minimum garanti n’est pas très élevé et la vie est ici beaucoup plus chère. Les prestations sociales sont moins conséquentes qu’en métropole et les situations les plus difficiles ne sont pas les plus aidées.
Beaucoup vivent dans une grande précarité et les habitats informels de type « squats » sont relativement développés. Des quartiers du Grand Nouméa, qui est la zone la plus riche, sont constitués de poches de pauvreté. Pourtant, et c’est assez étonnant, les gens ont un travail.
Quelle sera la progression du maillage du territoire ?
Éric L’Helgoualc’h : Le CAD va recruter un juriste coordonnateur en charge de maintenir la liaison entre son président et les institutions. Il aura d’abord pour tâche d’organiser les consultations juridiques de premier niveau en dehors du Grand Nouméa, la zone la plus habitée. Le but est également d’amener les avocats à proposer des consultations dans l’archipel des îles Loyauté et à Koné, dans la province Nord, quand ils s’y déplacent.
Après une évaluation des besoins, il s’agira d’étendre ensuite le réseau à des zones plus éloignées, plus isolées et plus difficiles d’accès afin d’apporter l’information à des populations qui n’y viendraient pas facilement. Les consultations juridiques auront lieu dans les mairies.
Gilles Rosati : La ligne de partage des compétences entre M. L’Helgoualc’h et moi-même s’est opérée au moment où il a réuni l’assemblée constitutive du CAD. Un travail conséquent l’attend désormais. L’avantage, pour lui comme pour moi, est d’avoir déjà présidé des conseils en métropole et dans les Outre-mer. Nous avons ensemble un certain nombre de repères sur un fonctionnement classique.
De quelles ressources financières disposez-vous ?
Éric L’Helgoualc’h : La subvention principale nous est attribuée par le ministère de la Justice. D’autres recettes pourraient provenir de la province Sud qui se mobilise beaucoup pour des actions de cette nature et l’on peut s’attendre à bénéficier de fonds privés. La gestion financière est confiée à un comptable public.
Des aides en nature vont compléter nos ressources, dont la mise à disposition de locaux, pour lesquelles nous avons déjà obtenu des accords de principe de la Mairie de Nouméa et des associations des maires de Nouvelle-Calédonie.
Au titre de leur participation, les notaires et les huissiers de Justice se sont en outre engagés à délivrer cinquante consultations annuelles gratuites.
Retrouvez cette interview dans son intégralité dans la revue Actus des Barreaux n°15 (pages 14 à 16).