1/ La nécessaire autonomie.
La conclusion d’une convention de forfait en jours sur l’année est réservée [1] :
- aux cadres autonomes dans l’organisation de leur emploi du temps, et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif de travail ;
- aux salariés dont la durée du temps de travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.
Il appartient à l’accord d’entreprise, d’établissement ou, à défaut, de branche, de déterminer les salariés pouvant signer ces conventions de forfait [2].
Pour la Cour de cassation, le salarié dont l’emploi du temps et le planning des interventions sont déterminés par sa hiérarchie n’est pas éligible à une convention de forfait en jours [3].
De même, la cour d’appel, qui a constaté que les salariés étaient soumis à un planning contraignant imposant leur présence au sein de l’entreprise à des horaires prédéterminés, ce qui est antinomique avec la notion de cadre autonome, en a exactement déduit que l’employeur ne pouvait recourir à une convention de forfait en jours et qu’il y avait lieu de leur appliquer le droit commun de la durée du travail [4].
Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 juin 2023, le salarié était soumis à une obligation de pointage lors de son entrée dans l’usine, pour chaque demi-journée de présence, donnant lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivée et de départ et le nombre d’heures travaillées.
Par ailleurs, une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser six heures de présence dans l’entreprise.
Le salarié ne disposait donc pas d’une réelle autonomie dans l’organisation de son emploi du temps pour être éligible à une convention de forfait en jours, comme l’avait jugé la cour d’appel, suivie par la Cour de cassation.
2/ L’absence de liberté totale.
Pour la Cour de cassation, la nécessaire autonomie ne signifie pas que le salarié titulaire d’une convention de forfait en jours jouisse d’une liberté totale.
En effet, une convention individuelle de forfait annuel en jours n’instaure pas, au profit du salarié, un droit à la libre fixation de ses horaires de travail, indépendamment de toute contrainte liée à l’organisation du travail par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction [5].
Dans cet arrêt, la Cour de cassation, avait jugé légitime que l’employeur impose à une salariée (vétérinaire) de se rendre sur son lieu de travail selon des demi-journées ou journées de travail fixes.
Cette organisation avait, en effet, été jugée essentielle à l’activité d’une clinique vétérinaire, accueillant des animaux et leurs propriétaires sur rendez-vous avec des horaires préétablis.
En d’autres termes, l’employeur a le pouvoir, en raison des contraintes spécifiques de l’entreprise, d’imposer au cadre en forfait-jours un planning de journées ou de demi-journées de présence sans que cela ne remette en cause son autonomie, sous réserve de laisser l’intéressé libre d’organiser son activité en dehors de ces contraintes.
Cette solution avait déjà été retenue dans un arrêt précédent, au sujet d’un chef d’équipe qui était soumis à une convention annuelle de forfait en heures [6].
Pour faire face à des problèmes de production, l’employeur avait décidé de la constitution, au sein de l’atelier fusion, de deux équipes afin d’augmenter la plage horaire de travail, le salarié dirigeant une équipe tout en conservant sa responsabilité sur l’autre.
Le salarié, invoquant la liberté d’horaires prévue par la convention de forfait annuel en heures et la modification de son contrat de travail, avait continué de se présenter à son poste de travail à 8 heures 30 malgré plusieurs lettres lui enjoignant de respecter les nouveaux horaires.
Cette liberté lui avait été reconnue par la cour d’appel et la Cour de cassation avait censuré l’arrêt, énonçant
« qu’une convention individuelle de forfait annuel en heures n’instaure pas au profit du salarié un droit à la libre fixation de ses horaires de travail indépendamment de toute contrainte liée à l’horaire collectif fixé par l’employeur dans l’exercice de son pouvoir de direction ».