Cadres au forfait-jours : votre convention est-elle vraiment valide ? Par Benjamine Guillermain, Avocate.

Cadres au forfait-jours : votre convention est-elle vraiment valide ?

Par Benjamine Guillermain, Avocate.

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Explorer : # autonomie du salarié # forfait jours # accord collectif # charge de travail

Le dispositif du forfait-jours est couramment utilisé pour les cadres et certains salariés autonomes dans l’organisation de leur travail. Bien qu’il offre une grande flexibilité, ce régime impose des règles strictes pour garantir à la fois la protection des salariés et la validité de la convention qui les lie à leur employeur. Si l’autonomie du salarié est essentielle à la mise en place de ce dispositif, elle ne suffit pas à elle seule à en assurer la conformité (1). L’employeur doit respecter un cadre juridique précis, sous peine de sanctions (2).
Dans cet article, nous vous proposons d’examiner les conditions nécessaires pour garantir la validité d’une convention de forfait-jours, ainsi que les risques encourus en cas de manquement à ces obligations.

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1. Forfait-jours : l’indispensable autonomie du salarié.

La signature d’une convention de forfait annuel en jours implique que le salarié bénéficie d’une réelle autonomie dans l’organisation de son travail. Ce dispositif s’adresse notamment aux cadres qui gèrent librement leur emploi du temps et dont les fonctions ne les obligent pas à suivre un horaire collectif. Il concerne également les salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une autonomie effective dans l’organisation de leurs responsabilités [1].

Cette autonomie doit être réelle de telle sorte qu’il a été jugé qu’un salarié soumis à un planning contraignant, lui imposant des horaires de présence dans l’entreprise était antinomique avec la notion de cadre autonome de telle sorte que l’employeur ne pouvait recourir à une convention de forfait-jours [2].

De même, il a été jugé que ne disposait pas de l’autonomie nécessaire, le salarié soumis à une obligation de pointage donnant lieu à des relevés informatiques reprenant chaque jour les heures d’arrivée et de départ et devant comptabiliser au moins six heures de présence dans l’entreprise pour voir sa journée prise en compte [3].

Pour autant, l’employeur conserve son pouvoir de direction et peut organiser l’activité des salariés en forfait-jours, dans la limite du nombre de jours fixé par la convention individuelle.

En effet, si l’employeur ne peut imposer ni horaires fixes ni volume horaire quotidien, hebdomadaire ou mensuel aux salariés en forfait-jours, il peut néanmoins leur imposer des jours de présence, lorsque l’activité de l’entreprise l’exige. En dehors de ces contraintes, les salariés doivent pouvoir conserver leur liberté dans l’organisation de leur emploi du temps. La Cour de cassation a ainsi validé une convention de forfait dans laquelle l’employeur imposait certains jours de présence à une salariée, justifiés par les contraintes de l’activité [4].

Si l’autonomie du salarié constitue une condition essentielle à la mise en place d’une convention de forfait-jours, elle ne suffit pas à elle seule à garantir sa validité. En effet, la législation et la jurisprudence imposent des règles strictes pour encadrer ce dispositif, tant sur la mise en place de la convention que sur le suivi de la charge de travail du salarié. Dès lors, au-delà de l’autonomie accordée, l’employeur doit veiller au respect des conditions légales et conventionnelles qui assurent la protection de la santé et des droits du salarié.

2. Forfait-jours : un cadre juridique strict sous peine de sanctions.

La mise en place d’une convention de forfait jours doit impérativement être autorisée par un accord collectif. Cet accord doit définir les éléments suivants :

  • Les catégories de salariés pouvant conclure une convention individuelle de forfait ;
  • La période de référence du forfait et le nombre de jours compris dans le forfait, limité à 218 jours ;
  • Les modalités permettant à l’employeur de suivre et d’évaluer régulièrement la charge de travail du salarié ;
  • Les conditions de communication régulière entre l’employeur et le salarié concernant la charge de travail, l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle, la rémunération, ainsi que l’organisation du travail dans l’entreprise ;
  • Les modalités permettant au salarié d’exercer son droit à la déconnexion [5].

Ces garanties visent à protéger la santé et la sécurité des salariés sous peine de sanctions [6].

En cas de non-respect par l’employeur des clauses de l’accord collectif, la convention de forfait jours sera privée d’effet [7]. Dans ce cas, le salarié pourra réclamer le paiement des heures supplémentaires, depuis la défaillance de l’employeur jusqu’à la régularisation de la situation.

Si l’accord collectif ne prévoit pas de suivi de la charge de travail et que l’employeur n’a pas mis en place des mesures supplétives, les conventions individuelles de forfait seront annulées [8]. Dans ce cas, le salarié pourra demander un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires depuis la conclusion de la convention, sous réserve du délai de prescription de 3 ans [9].

Dans les deux situations, le salarié devra prouver l’existence d’un préjudice distinct de celui compensé par le paiement des heures supplémentaires pour obtenir réparation.

La Cour de cassation, dans ses arrêts du 11 mars 2025 N°23-19669 et n°24-10452., a clarifié ces points. Dans la première affaire, elle a jugé qu’un accord collectif ne garantissant pas un suivi suffisant de la charge de travail entraîne la nullité de la convention de forfait jours, mais ne donne pas droit à réparation pour le salarié. Dans la seconde, elle a estimé que le non-respect des dispositions de l’accord collectif par l’employeur prive la convention d’effet, mais ne confère pas automatiquement un droit à indemnisation.

Si le salarié peut prétendre au paiement d’heures supplémentaires dont le juge doit vérifier l’existence et le nombre, un tel manquement n’ouvre pas, à lui seul, le droit à réparation et il incombe au salarié de démontrer le préjudice distinct qui en résulterait.

Ces décisions s’inscrivent dans la continuité de la jurisprudence antérieure, selon laquelle l’irrégularité ou l’exécution déloyale d’une convention de forfait ne suffit pas à caractériser un préjudice distinct de celui réparé par le paiement des heures supplémentaires [10].

Cette position reflète l’application du principe de réparation intégrale, excluant toute indemnisation excessive.

Benjamine Guillermain, Avocate au barreau de Paris et fondatrice du cabinet Rhétorik
https://rhetorik-avocat.com

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Notes de l'article:

[1Art. L3121-58 du Code du travail.

[2Cass. Soc., 15 décembre 2016, n°15-17.568.

[3Cass. Soc., 7 juin 2023, n°22-10.196.

[4Cass. Soc., 2 février 2022, n°20-15.744.

[5Art. L3121-64 du Code du travail.

[6Cass. Soc., 29 juin 2011, n°09-71.107 ; Cass. Soc., 5 juillet 2023, n°21-23.387.

[7Cass. soc., 22 juin 2016, n°14-15.171 ; Cass. Soc., 2 juillet 2014, n°13-11.940.

[8Cass. Soc., 24 mars 2021, n°19-12.208 ; 17 novembre 2021, n°19-16.756 ; 13 octobre 2021, n°19-20.561.

[9Cass., 27 mars 2019, n°17-23.314 ; 30 juin 2021, n°18-23.932.

[10Cass. soc., 28 févr. 2018, n°16-19.054 ; 24 oct. 2018, n°17-18.763.

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