Contentieux URSSAF : l’opposition à contrainte en 5 questions.

Par Xavier Berjot, Avocat.

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Explorer : # contentieux urssaf # opposition à contrainte # procédure judiciaire # sécurité sociale

L’opposition à contrainte est la possibilité ouverte au cotisant (l’employeur, le travailleur indépendant,…), de contester une procédure de recouvrement de l’Urssaf appelée « la contrainte ».

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1/ Qu’est-ce qu’une contrainte ?

Si la mise en demeure ou l’avertissement reste sans effet au terme d’un délai d’un mois à compter de la notification, le directeur de l’organisme créancier peut décerner la contrainte mentionnée à l’article L 244-9 du Code de la sécurité sociale [1].

Selon ce texte, la contrainte décernée par le directeur d’un organisme de sécurité sociale pour le recouvrement des cotisations et majorations de retard comporte, à défaut d’opposition du débiteur, tous les effets d’un jugement et confère notamment le bénéfice de l’hypothèque judiciaire.

La contrainte est signifiée au débiteur par acte d’huissier de justice ou par lettre recommandée avec AR.

A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification doit mentionner la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

La contrainte doit permettre au débiteur d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation.

L’inobservation de ces prescriptions, qui constitue l’omission d’un acte et non un vice de forme, en affecte la validité sans que soit exigée la preuve d’un grief [2].

Parallèlement à la délivrance de la contrainte, l’huissier de justice avise, dans les 8 jours, l’organisme créancier de la date de signification.

2/ Dans quel délai l’opposition à contrainte doit-elle être formée ?

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent par lettre recommandée avec AR adressée au secrétariat du tribunal dans les 15 jours à compter de la notification ou de la signification [3].

A défaut, elle est irrecevable [4] et le cotisant ne peut plus contester, par la voie d’un recours contre la mise en demeure, la régularité et le bien-fondé des chefs de redressement de la contrainte [5].

NB. L’opposition à contrainte postée dans le délai de 15 jours est recevable, même si cette opposition n’est parvenue au secrétariat de la juridiction qu’après l’expiration du délai [6].

Par ailleurs, la question s’est posée de savoir si l’employeur pouvait former une opposition à contrainte alors même qu’il n’avait formé aucun recours contre la mise en demeure.

Pour la Cour de cassation, le cotisant qui n’a pas contesté la mise en demeure devant la commission de recours amiable (CRA) peut, à l’appui de l’opposition à la contrainte décernée sur le fondement de celle-ci, contester la régularité de la procédure et le bien-fondé des causes de la contrainte [7].

Cette solution favorable à l’employeur est toutefois tempérée par la jurisprudence retenant qu’une décision de la CRA devenue définitive ne peut être remise en cause par voie d’opposition à contrainte [8].

Ainsi, l’employeur ne peut contester à nouveau sa dette, par la voie de l’opposition, si la CRA s’est prononcée et que sa décision n’a fait l’objet d’aucun recours contentieux dans le délai de 2 mois prévu par l’article R. 142-18 du Code de la sécurité sociale [9].

3/ Quelles sont les conditions de forme de l’opposition à contrainte ?

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal judiciaire dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l’étranger, au secrétariat du tribunal judiciaire dans le ressort de l’organisme créancier par lettre recommandée avec AR adressée au secrétariat du tribunal [10].

A défaut, elle est - en principe - irrecevable.

Toutefois, il a été jugé que les réclamations précises, explicites et motivées, adressées par l’employeur à l’Urssaf dans les 15 jours qui suivent la signification d’une contrainte, valent opposition à celle-ci, peu importe que l’opposition n’ait pas été adressée au secrétariat du tribunal.

Cette solution se justifie au regard du principe posé par l’article R. 142-18 du Code de la sécurité sociale, selon lequel la forclusion ne peut être opposée toutes les fois que le recours a été introduit dans les délais, soit auprès d’une autorité administrative, soit auprès d’un organisme de sécurité sociale [11].

Pour la Cour de cassation, le défaut de production d’une copie de la contrainte contestée à l’appui de l’opposition formée par le débiteur de l’Urssaf ne constitue pas un manquement à une formalité substantielle ou d’ordre public [12].

NB. L’employeur doit accompagner sa demande d’une copie de la contrainte même si cela ne constitue pas une formalité substantielle ou d’ordre public pouvant justifier l’annulation de la contrainte [13].

4/ Quelles sont les conditions de fond de l’opposition à contrainte ?

L’opposition à contrainte doit être motivée [14], étant précisé que la charge de la preuve repose sur le cotisant.

Autrement dit, c’est à lui de rapporter la preuve du bien-fondé de l’opposition [15].

La motivation peut porter sur la réalité de la dette, l’assiette et le montant des cotisations, voire sur la prescription de la dette [16].

Par exception, l’opposition non motivée formée par un assuré est recevable dès lors que celui-ci n’a pas été informé par l’acte de signification de la contrainte de son obligation de la motiver à peine d’irrecevabilité [17].

L’Urssaf doit donc également veiller au contenu de la contrainte : délais de recours, obligation de motivation, etc.

L’irrégularité de la contrainte peut ainsi, dans certains cas, sauver celle affectant l’opposition à contrainte.

5/ Quelle est la suite de la procédure ?

Le secrétariat du tribunal informe l’organisme créancier dans les 8 jours de la réception de l’opposition [18].

Dès qu’il a connaissance de l’opposition, l’organisme créancier adresse au secrétaire du tribunal une copie de la contrainte, accompagnée d’une copie de la mise en demeure comportant l’indication du montant des cotisations et majorations de retard qui a servi de base à l’établissement de la contrainte, ainsi que l’avis de réception, par le débiteur, de ladite mise en demeure [19].

Le tribunal judiciaire doit ensuite se prononcer sur la demande d’opposition à contrainte.

A cet effet, il doit préciser et analyser, même de façon sommaire, le contenu des pièces et expliquer les éléments sur lesquels il fonde sa décision [20].

Toutefois, il ne peut ni se prononcer sur une demande de remise de majorations de retard, ni accorder des délais de paiements [21].

Il incombe à l’opposant à contrainte de rapporter la preuve du caractère infondé de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l’organisme social [22].

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire [23].

Elle est susceptible de recours : appel ou pourvoi en cassation selon les montants en cause.

Xavier Berjot
Avocat Associé au barreau de Paris
Sancy Avocats
xberjot chez sancy-avocats.com
https://bit.ly/sancy-avocats
LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b

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Notes de l'article:

[1CSS art. R. 133-3, al. 1er.

[2Cass. soc. 6-2-2003, n° 01-20.534.

[3CSS. art R. 133-3.

[4Cass. soc. 1-10-1992, no 90-20.866.

[5Cass. 2e civ. 9-3-2017, n° 16-11.167.

[6Cass. 2e civ. 2-6-2022 n° 20-21.966.

[7Cass. 2e civ. 22-9-2022, n° 21-11.862.

[8Cass. soc. 11-1-1990, n° 87-12.327.

[9Cass. 2e civ., 16-11-2004, n° 03-13.578.

[10CSS art. R 133-3.

[11CA Paris, 9-1-1991.

[12Cass. soc. 5-4-2001, n° 99-13.070.

[13Cass. soc. 5-4-2001, n° 99-13.070.

[14CSS. art L. 244-9 et R. 133-3.

[15Cass. 2e civ., 19-12-2013, n° 12-29.075.

[16Cass. soc., 10-5-1989, n° 86-17.714.

[17Cass. 2e civ. 23-3-2004, n° 02-30.119.

[18CSS art. R 133-3.

[19CSS art. R 133-5.

[20Cass soc. 28-3-1996, n° 94-13.449.

[21Cass. soc. 22-3-2001, n° 99-18.456.

[22Cass. 2e civ. 19-12-2013, n° 12-28.075.

[23CSS art. R 133-3.

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