Commune littorale et constructions en zone urbanisée : fin du régime transitoire souple le 31 décembre 2021.

Par François-Philippe de Casalta-Bravo, Avocat.

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La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique dite « ELAN » a modifié le principe d’urbanisation en continuité des agglomérations et villages au sein des communes littorales prévu par l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, notamment en restreignant les possibilités d’implantation de nouveaux projets dans les secteurs déjà urbanisés.
Cette révision s’inscrit dans la continuité de l’abondante jurisprudence relative à la notion d’extension de l’urbanisation sur le littoral.

-

Ce dispositif était pourtant demeuré inchangé depuis l’entrée en vigueur de la "loi littoral" du 3 janvier 1986.

C’est certainement la raison pour laquelle le III de l’article 42 de la loi ELAN prévoit un régime transitoire souple permettant aux demandeurs d’autorisations d’occupation ou d’utilisation des sols (permis de construire, d’aménager, de démolir ou déclaration préalable) de bénéficier, sous certaines conditions, de l’ancien régime jusqu’au 31 décembre 2021.

La loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral dite « loi littoral » constitue un tournant décisif dans la maîtrise de l’urbanisation au sein des communes littorales.

Son article 3 créait notamment les articles L146-1 et suivants du Code de l’urbanisme, lesquels égrènent les principes cardinaux du développement urbain au sein desdites communes.

Ces principes, le législateur a entendu leur donner pleine efficience.

D’abord en donnant une définition large de la notion de « commune littorale », à savoir toutes celles riveraines des mers et océans, des étangs salés, des plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1 000 hectares, des estuaires et des deltas lorsqu’elles sont situées en aval de la limite de salure des eaux et participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux toutes les communes [1] mais aussi en permettant à toutes les communes qui participent aux équilibres économiques et écologiques littoraux de bénéficier de l’application de ces règles, lorsqu’elles en font la demande auprès de l’autorité administrative compétente de l’Etat [2].

Plus de 1 200 communes sont concernées par ces dispositions.

Plus encore, en prévoyant l’opposabilité directe de ce dispositif aux autorisations individuelles d’occupation des sols (permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, déclaration préalable) dans un rapport de conformité stricte.

En effet, l’article L121-3 du Code de l’urbanisme prévoit que les

« dispositions du présent chapitre sont applicables à toute personne publique ou privée pour l’exécution de tous travaux, constructions, défrichements, plantations, aménagements, installations et travaux divers, la création de lotissements, l’ouverture de terrains de camping ou de stationnement de caravanes, l’établissement de clôtures, l’ouverture de carrières, la recherche et l’exploitation de minerais et les installations classées pour la protection de l’environnement ».

Ainsi, et alors même que les schémas de cohérence territoriale ne doivent avoir qu’un simple rapport de compatibilité vis-à-vis des prescriptions émanant de la « loi littoral » [3], le Conseil d’Etat rappelait dans un arrêt en date du 31 mars 2017 [4]

« qu’il appartient à l’autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d’autorisation d’occupation ou d’utilisation du sol mentionnée au dernier alinéa de l’article L146-1 du Code de l’urbanisme, de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du Code de l’urbanisme particulières au littoral  ».

Ainsi, sont directement opposables aux demandes d’autorisation d’occupation des sols :
- Soit les prescriptions de la « loi littoral » lorsqu’il n’existe pas de schéma de cohérence territoriale sur le territoire concerné ;
- Soit, lorsque ces documents existent sur un territoire, les règles des schémas de cohérence territoriale ou des documents en tenant lieu [5], à condition que ces règles tendent à préciser les prescriptions des articles L121-1 et suivants du Code de l’urbanisme tout en étant suffisamment précises et compatibles avec lesdites dispositions. Le législateur a notamment conféré au plan d’aménagement et de développement durable de la Corse la valeur d’un schéma de cohérence territoriale pour l’application de ce dispositif [6].

Au rang des règles opposables figure le célèbre principe d’extension en continuité avec les agglomérations et villages existants ou les hameaux nouveaux intégrés à l’environnement anciennement prévu par l’article L146-4 du Code de l’urbanisme.

Cette disposition laconique avait d’abord été recodifiée au mot près à l’article L121-8 du Code de l’urbanisme [7] avant de subir une modification par la récente loi « ELAN », laquelle est venue durcir le principe tout en y intégrant partiellement les évolutions jurisprudentielles récentes.

Mais cette révision s’est accompagnée d’une période transitoire courant jusqu’au 31 décembre 2021, laquelle permettra aux propriétaires de parcelles situées en zones déjà urbanisées mais non constitutives de villages ou d’agglomérations, de prétendre à l’obtention d’une autorisation d’occupation ou d’utilisation des sols sous réserve de l’accord préalable des services de l’Etat.

Un rappel des principes applicables en la matière s’impose.

1. Avant la loi ELAN, l’extension de l’urbanisation soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement.

L’article L121-8 du Code de l’urbanisme [8] a récemment fait l’objet d’une modification législative par l’entrée en vigueur de la loi « ELAN ».

Dans sa version antérieure, cette disposition relative aux communes littorales énonçait :

« L’extension de l’urbanisation se réalise soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l’environnement ».

Cette rédaction pour le moins concise a donné lieu à une jurisprudence riche tendant à préciser tant les notions d’extension que celles d’agglomérations et de villages.

En effet, la définition revêt une importance capitale puisqu’à défaut d’être qualifié d’extension, un projet aurait été susceptible d’être autorisé en tout secteur de la commune malgré l’objectif d’encadrement de l’urbanisation précédemment évoqué.

Le juge administratif a donc fait le choix pragmatique de moduler la notion d’extension selon qu’il s’agit d’un secteur d’habitat diffus ou d’une zone déjà urbanisée.

Ab initio, il est utile de rappeler qu’un projet peut être qualifié d’extension qu’il vienne s’implanter en bordure ou à l’intérieur d’une enveloppe bâtie tel que jugé par la Cour administrative d’appel de Lyon [9] :

« qu’une extension de l’urbanisation peut résulter soit de l’agrandissement de zones déjà construites soit de constructions supplémentaires à l’intérieur de l’enveloppe de celles-ci  ; ».

Ensuite, sur la notion d’extension per se, le Conseil d’Etat avait réglé cette question par son arrêt « Soleil d’Or » [10].

En effet, la Haute Juridiction précisait alors le régime d’urbanisation dans les espaces déjà urbanisés des communes littorales en énonçant :

« qu’une opération qu’il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une extension de l’urbanisation au sens du II de l’article L146-4 du Code de l’urbanisme que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions ; qu’en revanche la seule réalisation dans un quartier urbain d’un ou plusieurs bâtiments qui est une simple opération de construction ne peut être regardée comme constituant une extension au sens de la loi  ».

Ainsi, en zone déjà urbanisée, un projet doit être regardé comme une extension dès lors qu’il a vocation à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou s’il modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions.

S’il est qualifié d’extension, il doit donc être réalisé en continuité des agglomérations ou villages.

Dans le cas contraire, c’est-à-dire si le projet n’étend ou ne renforce pas de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou s’il ne modifie pas de manière importante les caractéristiques d’un quartier il ne s’agit pas d’une extension.

Il pouvait alors être autorisé dans un secteur déjà urbanisé même situé hors agglomération ou village.

Cette définition de l’extension de l’urbanisation consacrée par le Conseil d’Etat a été expressément reprise par le juge du fond en ce qui concerne l’application de la notion d’extension limitée en espace proche des rives et rivages prévue par l’article L121-13 du Code de l’urbanisme :

« 5. Une opération qu’il est projeté de réaliser en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés ne peut être regardée comme une "extension de l’urbanisation" au sens de l’article L121-13 du Code de l’urbanisme que si elle conduit à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou si elle modifie de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. Le caractère limité de l’extension de l’urbanisation dans un espace proche du rivage, au sens de ces dispositions, s’apprécie eu égard à l’implantation, à l’importance, à la densité, à la destination des constructions envisagées et à la topographie des lieux » [11].

L’application de cette nouvelle définition de l’extension « en agglomération ou, de manière générale, dans des espaces déjà urbanisés » a pu laisser penser à certains auteurs que ce régime était exclusivement applicable aux agglomérations et villages à l’exclusion des enveloppes densément bâties ne pouvant recevoir aucune de ces deux qualifications.

En réalité, le concept juridique d’« espace déjà urbanisé » au sens de la « loi littoral » est plus large et regroupe deux sous-catégories :
- Les espaces déjà urbanisés pouvant être qualifiés d’agglomération ou de village ;
- Les espaces déjà urbanisés ne pouvant être qualifiés d’agglomération ou de village.

La jurisprudence administrative intervenue dans le prolongement de cette décision, et plus tard, l’évolution de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme tendent à le confirmer.

A titre illustratif, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé que la construction de six villas ne devait pas être regardée comme une extension de l’urbanisation dans une zone déjà urbanisée :

« que dans ces conditions, les six projets en litige même appréhendés ensemble, compte tenu de leurs caractéristiques et de leur situation, s’analysent comme des opérations de construction dans un espace urbanisé et ne constituent pas une extension de l’urbanisation au sens des dispositions précitées du I de l’article L146-4 du Code de l’urbanisme » [12].

Dans cette affaire, le requérant se prévalait de ce que la zone concernée ne pouvait être qualifiée ni de village, ni d’agglomération.

La juridiction saisie fait fi de cet argument faisant exclusivement référence à une opération projetée dans un « espace urbanisé ».

Dans le même sens, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé que le classement en zone UC d’un secteur qui ne pouvait être qualifié ni d’agglomération, ni de village, ne méconnaissait pas les dispositions de l’ancien article L146-4 du Code de l’urbanisme [13].

Quid, en revanche, de la définition d’une extension hors des zones déjà urbanisées ?

Appliquer cette position jurisprudentielle en zone d’habitat diffus aurait permis d’autoriser un projet dans ces zones dès lors qu’il est de faible ampleur.

Cela aurait bien évidemment conduit à méconnaître l’un des objectifs principaux de ce dispositif qui tend à lutter contre le mitage et les excès spéculatoire.

Ainsi, la solution adoptée fut pragmatique.

De manière schématique, il faut désormais considérer que toute construction en zone d’habitat diffus sur une commune littorale est une extension et s’en trouve donc interdite.

En ce sens, la Cour administrative d’appel de Nantes a ainsi pu considérer à propos de la construction d’une seule habitation [14] :

« que, dans ces conditions, et alors même que le projet serait localisé à l’intérieur d’une enveloppe bâtie et ne porterait que sur l’édification d’une seule maison, toute nouvelle construction dans ce secteur d’habitat diffus ne constituerait pas une simple opération de construction, mais une extension de l’urbanisation exclue par les dispositions précitées, faute de se réaliser en continuité avec les agglomérations ou villages existants ».

Ainsi, et en synthèse, avant l’adoption de la loi ELAN, le régime était le suivant :
- Dans les zones déjà urbanisées pouvant être qualifiées d’agglomérations ou de villages : sont autorisés les projets qualifiés d’extension de l’urbanisation lorsqu’ils sont implantés en continuité des agglomérations et villages mais également, a fortiori, les projets qui ne peuvent être qualifiés d’extension ;
- Dans les zones déjà urbanisées qui ne sont ni des agglomérations ou villages ni des zones d’habitat diffus : sont autorisés les projets qui ne peuvent être qualifiés d’extension de l’urbanisation, à savoir ceux qui ne conduisent pas à étendre ou à renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou ceux qui ne modifient pas de manière importante les caractéristiques d’un quartier, notamment en augmentant sensiblement la densité des constructions. A ce titre, la construction d’un ou plusieurs bâtiments à l’intérieur de l’enveloppe bâtie pouvait, dans certains cas, être admise ;
- Dans les zones d’habitat diffus : toute construction nouvelle est qualifiée d’extension et est donc interdite.

Il s’agit là du régime général et d’autres règles ou exceptions sont susceptibles de venir se superposer à ce dispositif tel que le principe d’extension limité en espace proche du rivage ou encore les secteurs qualifiés d’espaces remarquables du littoral constitutifs de zones non aedifcandi.

2. Après la loi ELAN, le durcissement du régime d’urbanisation dans les zones déjà urbanisées hors des agglomérations et villages.

La loi ELAN a modifié l’article L121-8 du Code de l’urbanisme en ajoutant deux nouveaux alinéas et en supprimant l’extension de l’urbanisation en continuité des hameaux nouveaux :
« L’extension de l’urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants.

Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L121-13 dudit Code, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d’urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.

L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l’environnement ou aux paysages. »

Sans surprise, le législateur choisit de supprimer la possibilité d’étendre l’urbanisation en continuité des hameaux nouveaux.

Tout d’abord, parce que cette faculté n’a pas rencontré un franc succès. Ensuite et surtout car cette branche du dispositif tendait à favoriser le mitage.

Plus encore, cette nouvelle rédaction venait confirmer que la notion de « zone déjà urbanisée » ne recouvre pas uniquement les agglomérations et villages.

En réalité, il convient bel et bien d’opérer le distinguo entre les zones déjà urbanisées pouvant être qualifiées d’agglomérations ou de villages et celles qui sont déjà urbanisées mais qui ne peuvent ni être classées comme telles, ni qualifiées de zones d’habitat diffus.

Le législateur a donc récupéré le dispositif résultant de l’arrêt « Soleil d’Or » tout en le rendant encore plus contraignant.

Ainsi, il est désormais prévu que, dans les secteurs (et non plus les espaces) déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L121-13, à des fins exclusives d’amélioration de l’offre de logement ou d’hébergement et d’implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti.

Le considérant de principe de la décision susvisée est donc désormais intégré dans le dispositif législatif avec deux différences notables :
- Pour bénéficier de ce régime d’autorisation, les secteurs déjà urbanisés doivent être identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme ;
- Les projets doivent être implantés en dehors de la bande littorale de cent mètres et des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau mentionnés à l’article L121-13 du Code de l’urbanisme.

C’est fort logique concernant la bande littorale de cent mètres qui est grevée d’un principe général d’inconstructibilité.

En revanche, les espaces proches du rivage semblent avoir fait l’objet d’un encadrement bien plus strict.

En effet, en vertu de l’article L121-13 précité, l’extension de l’urbanisation doit y être limitée mais aussi justifiée et motivée dans le plan local d’urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l’accueil d’activités économiques exigeant la proximité immédiate de l’eau. Ce régime existe depuis l’entrée en vigueur de la loi littoral mais concerne exclusivement les cas d’extension.

Mais qu’en est-il des projets qui ne sont pas assez significatifs pour être qualifiés d’extension ?

Les termes généraux employés dans l’arrêt « Soleil d’Or » laissent supposer que son régime s’appliquait à toutes les zones déjà urbanisées, que les espaces soient proches ou non du rivage.

Depuis la loi littoral, l’extension de l’urbanisation a toujours été limitée en espace proche du rivage.

Il en va autrement des projets ne pouvant recevoir la qualification d’extension telle qu’elle a été fixée dans la décision déjà citée.

Partant, dans les espaces déjà urbanisés proches du rivage, lesdits projets étaient susceptibles d’être autorisés à condition de ne pas étendre ou renforcer de manière significative l’urbanisation de quartiers périphériques ou modifier de manière importante les caractéristiques d’un quartier

En excluant les espaces proches du rivage du nouveau régime, le législateur a ainsi entendu responsabiliser les planificateurs locaux.

Désormais, en espace proche des rives et rivages, c’est une extension limitée, justifiée et motivée par le plan local d’urbanisme sinon rien.

Il n’est donc plus possible de se prévaloir de ce qu’un projet ne constitue pas une extension pour être admis en espace urbanisé proche du rivage.

Les termes utilisés ne laissent pas place au doute. L’article L121-8 du Code de l’urbanisme prévoit, en effet, que

« Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages (…) des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors (…) des espaces proches du rivage  ».

Enfin, ladite disposition consacre la notion d’espaces d’urbanisation diffuse en énonçant les critères qui permettent de les distinguer des secteurs déjà urbanisés, à savoir, entre autres, la densité de l’urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d’accès aux services publics de distribution d’eau potable, d’électricité, d’assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d’équipements ou de lieux collectifs.

Ainsi, en synthèse, suite à l’entrée en vigueur de la loi ELAN, le régime est le suivant :
- Dans les zones déjà urbanisées pouvant être qualifiées d’agglomérations ou de villages : sont autorisés les projets qualifiés d’extension de l’urbanisation lorsqu’ils sont implantés en continuité des agglomérations et villages mais également, a fortiori, les projets qui ne peuvent être qualifiés d’extension ;
- Dans les zones déjà urbanisées qui ne sont ni des agglomérations ou villages ni des zones d’habitat diffus : sont autorisés les projets qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti lorsqu’ils sont implantés en dehors de la bande de 100 mètres et des espaces proches du rivage et des rives des plans d’eau ;
- Dans les zones d’habitat diffus : toute construction nouvelle est qualifiée d’extension et est donc interdite.

Mais ce nouveau dispositif s’est accompagné d’une période transitoire faisant survivre l’ancien régime sous le contrôle de services de l’Etat jusqu’au 31 décembre 2021.

3. Le régime transitoire : le maintien de l’ancien dispositif jusqu’au 31 décembre 2021.

Afin d’atténuer la portée de cette modification et créer un sas de transition, le législateur a inséré dans la loi ELAN une disposition d’application provisoire relative aux secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d’urbanisme.

Ainsi, le III de l’article 42 de la loi ELAN énonce que :

« III. - Jusqu’au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n’ont pas pour effet d’étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l’accord de l’autorité administrative compétente de l’Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d’urbanisme en l’absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi . »

Ce régime transitoire revient sur deux éléments majeurs du nouvel article L121-8 du Code de l’urbanisme :
- La condition relative à l’identification des secteurs déjà urbanisés dans les schémas de cohérence territoriale et leur délimitation par le plan local d’urbanisme a disparu sauf lorsqu’une modification ou une révision de ces documents a été initiée postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi ELAN ;
- L’obligation d’implanter les projets en dehors de la bande de cent mètres ou des espaces proches des rives et rivages n’y figure pas.

Ce temps de latence permettra ainsi tant aux planificateurs territoriaux de délimiter et identifier ces secteurs déjà urbanisés dans les documents d’urbanisme réglementaires concernés mais aussi aux pétitionnaires de soumettre aux autorités administratives compétentes leurs demandes d’autorisation d’occupation des sols (permis de construire, permis d’aménager, permis de démolir, déclaration préalable) sous l’égide de l’ancien régime sous le contrôle préalable des services de l’Etat.

Faisant application de ces dispositions transitoires, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’un regroupement d’une cinquantaine d’habitations pouvait recevoir la qualification de secteur déjà urbanisé et a ainsi confirmé que de nouvelles constructions pouvaient y être implantées :

«  Ce secteur comporte une cinquantaine de constructions regroupées les unes auprès des autres et il est constant qu’il est desservi par les réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité et de collecte des déchets. Au sud du terrain des intéressés se situent également d’autres constructions implantées le long de la voie D 105. Ces constructions forment un noyau bâti d’une densité marquée qui doit être regardé comme constituant, non pas une zone d’urbanisation diffuse, mais un secteur déjà urbanisé au sens des dispositions précitées de l’article L121-8 du Code de l’urbanisme issu de la loi du 23 novembre 2018, permettant, selon les modalités prévues par les dispositions transitoires de l’article 42 de cette loi, d’admettre, sous conditions, des constructions nouvelles  » [15].

Attention, cela ne durera pas indéfiniment puisque ce régime transitoire prendra fin le 31 décembre 2021.

François-Philippe DE CASALTA-BRAVO,
Avocat au Barreau de Marseille
Cabinet De Casalta Avocats
https://decasalta-avocats.fr

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Notes de l'article:

[1Article L321-2 du Code de l’urbanisme.

[2Article L121-1 du Code de l’urbanisme.

[3Article L131-1 du Code de l’urbanisme.

[4Conseil d’État, Section, 31/03/2017, 392186, Publié au recueil Lebon.

[5Anciennement il s’agissait des règles des DTA sous l’égide de l’ancien article L146-1 du Code de l’urbanisme.

[6Article L4424-11 du Code général des collectivités territoriales.

[7Ordonnance n° 2015-1174 du 23 septembre 2015 relative à la partie législative du livre Ier du Code de l’urbanisme.

[8Ancien article L.146-4 du Code de l’urbanisme.

[9CAA de LYON, 1ère chambre - formation à 3, 3 mai 2018, 16LY02292, Inédit au recueil Lebon.

[10Conseil d’Etat, 6ème et 1ère sous-sections réunies, du 7 février 2005, 264315, mentionné aux tables du recueil Lebon.

[11Cour administrative d’appel, Lyon, 4e chambre, 6 Juin 2019 – n° 17LY02966.

[12Cour administrative d’appel, Bordeaux, 1re chambre, 25 Juin 2015 – n° 13BX02223.

[13CAA de Nantes, 5ème chambre, 13/02/2015, 13NT00246, Inédit au recueil Lebon.

[14CAA de Nantes, 2ème chambre, 1er février 2017, 15NT01067, Inédit au recueil Lebon.

[15CAA de nantes, 2ème chambre, 06/03/2020, 19NT02933, Inédit au recueil Lebon.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 3 janvier 2023 à 18:32
    par AvoLitto , Le 12 février 2021 à 15:06

    Attention, grosse confusion entre la notion d’extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 et L. 121-13 du Code de l’urbanisme.

    La jurisprudence Soleil d’Or (article L. 121-13 espace proche du rivage) n’est pas transposable à l’article L. 121-8 (continuité agglomération/village).

    Toute opération de construction (sauf agrandissement et annexe accolée) constitue une extension de l’urbanisation au sens de l’article L. 121-8 du Code de l’urbanisme.

    En outre, le régime transitoire de l’article 42-III de la loi ELAN vise uniquement à permettre dès l’adoption de la loi que des autorisations d’urbanisme soient accordées dans des secteurs déjà urbanisés, sans avoir à attendre les modifications simplifiées des documents d’urbanisme.

    Enfin, la loi ELAN constitue, à l’évidence, un assouplissement de la loi Littoral, même s’il est un peu décevant.

    • par François-Philippe de Casalta-Bravo , Le 3 janvier 2023 à 18:32

      Madame, Monsieur,
      Je vous remercie de cette contribution mais je ne partage pas votre point de vue.
      Les jurisprudences obtenues par notre cabinet objectivent pleinement l’analyse proposée supra.
      A votre disposition pour en discuter.
      François-Philippe de Casalta-Bravo

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