La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, également appelée la procédure du « plaider-coupable », est régie par les articles 495-7 à 495-16 du Code de procédure pénale.
Il s’agit d’un accord passé entre le Ministère public et l’auteur d’une infraction, qui sera dans un deuxième temps soumis à un juge pour homologation.
I. Les conditions à la mise en œuvre de la procédure de CRPC.
La CRPC est une procédure alternative à la tenue d’un procès devant un tribunal correctionnel, ses conditions de mises en œuvre tiennent à la nature du délit, à l’âge de l’auteur de l’infraction et à une reconnaissance préalable des faits reprochés.
A. La condition tenant à la nature du délit.
Seuls les délits sont concernés par la procédure de CRPC, et non les crimes et ses contraventions.
Tous les délits sont accessibles à une CRPC, à certaines exceptions. La CRPC ne s’applique pas :
aux délits de presse,
aux délits d’homicides involontaires,
aux délits politiques,
aux délits d’atteintes volontaires et involontaires à l’intégrité des personnes,
aux délits d’agressions sexuelles.
B. La condition tenant à l’âge du prévenu.
Le procureur de la République ne peut avoir recours à la procédure de CRPC que si le prévenu est majeur. En cas de minorité, c’est le juge pour enfants qui reste compétent.
C. La condition tenant à une reconnaissance préalable des faits reprochés.
Pour pouvoir prétendre à une procédure de CRPC, il est essentiel que le prévenu reconnaisse l’intégralité des faits qui lui sont reprochés.
Il s’agit en effet d’une procédure « sur reconnaissance préalable de culpabilité ». Le prévenu est amené à se prononcer sur une peine, et uniquement sur une peine. Il évite ainsi un débat contradictoire devant un tribunal correctionnel portant en grande partie sur sa culpabilité. Il est donc essentiel que les faits reprochés soient parfaitement reconnus par le prévenu et dans leur intégralité.
II. La procédure de la CRPC.
A. Le choix de la procédure.
Le choix d’engager une procédure de CRPC revient au procureur de la République, au vu des faits et après les premiers éléments de l’enquête.
Il peut décider d’engager une telle procédure d’office, ou bien sur demande de la personne prévenue ou de son avocat. Cette demande doit être formulée par lettre recommandée. Également, depuis la loi du 13 décembre 2011, la procédure peut être à l’initiative du juge d’instruction.
Le prévenu est informé de la procédure. Il recevra une convocation devant le procureur de la République à une date et une heure indiquées, ou bien il sera directement déféré devant le procureur de la République à l’issue de sa garde à vue.
B. L’assistance obligatoire et essentielle d’un avocat.
Dans le cadre de la procédure de CRPC, l’assistance d’un avocat est obligatoire [1].
Si la procédure est engagée directement après une garde à vue, un avocat de permanence sera chargé de la défense du prévenu en l’absence d’avocat choisi par celui-ci.
Si le prévenu reçoit une convocation devant le procureur de la République à une date ultérieure, il sera tenu de trouver lui-même un avocat pour l’assister ou de demander au Bâtonnier de l’ordre des avocats d’en désigner un pour lui. Le prévenu sera informé que les frais seront à sa charge sauf s’il remplit les conditions d’accès à l’aide juridictionnelle.
Si l’assistance d’un avocat est obligatoire, c’est que son rôle est essentiel dans le cadre de cette procédure. Bien que la personne ne comparaisse pas devant une juridiction pénale, il s’agit bien d’une audience pénale avec une peine qui sera prononcée et des conséquences qui peuvent être importantes.
Lors d’un premier entretien, l’avocat sera en mesure d’expliquer au prévenu la procédure en cours, de répondre à ses questions et de le rassurer si besoin. Ce sera également le moment d’établir une première stratégie de défense en fonction des éléments fournis par le client.
L’avocat pourra demander une copie du dossier de procédure afin de défendre au mieux les intérêts de son client. En vertu de l’article 495-8 du Code de procédure pénale, cette consultation du dossier doit avoir lieu « sur le champ ». Le dossier de procédure reprendra l’ensemble des procès-verbaux rédigés par les enquêteurs et donnera une idée au prévenu des éléments à charge en possession du procureur de la République.
Outre cette préparation en amont, l’avocat sera présent aux côtés de son client durant toute la procédure.
Si celle-ci a été diligentée à l’issue d’une garde à vue, alors le prévenu pourra échanger avec son avocat de manière confidentielle avant même d’être déféré devant le procureur de la République. Lors de cet entretien, l’avocat a souvent déjà connaissance de la peine proposée par le Ministère public et pourra conseiller à son client de l’accepter ou de la refuser, et envisager avec lui une négociation fondée sur des arguments concernant sa situation personnelle.
Au cours de l’audience devant le procureur de la République, l’avocat prendra la parole dans les intérêts de son client et essaiera, si besoin est, de débattre de la peine proposée en fonction de la situation personnelle du prévenu. Le procureur de la République n’aura en effet bien souvent pas connaissance de cette situation personnelle au moment de la rédaction de sa proposition de peine. L’avocat sera là pour l’exposer et porter la voix de son client.
C. Le déroulé de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
1- L’audience devant le procureur de la République.
Le jour de sa convocation ou à l’issue de sa garde à vue, le prévenu se présente à une audience devant le procureur de la République. C’est ce magistrat qui aura pour rôle de lui proposer une peine, après avoir recueilli sa déclaration selon laquelle il reconnait l’ensemble des faits reprochés.
L’audience devant le procureur de la République dure bien moins longtemps qu’une audience devant un tribunal correctionnel. Elle se déroule dans une pièce du tribunal et n’est pas publique. Seuls le prévenu et son avocat sont présents.
Il est à noter que, même après la délivrance d’une convocation en vue d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, le procureur de la République peut toujours renoncer à recourir à cette procédure jusqu’à l’audience devant lui et saisir une juridiction correctionnelle .
2- La proposition de peine.
Le procureur de la République a un large panel de peines à sa disposition, précisées à l’article 495-8 du Code de procédure pénale.
Il peut proposer aussi bien la peine principale encourue pour l’infraction commise, que des peines complémentaires qui peuvent lui être liées. La nature et le quantum de la ou des peines sont déterminés en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur. Lorsque la juridiction prononce par exemple une peine d’amende, son montant est déterminé en tenant compte des ressources et des charges de l’auteur de l’infraction.
L’article 132-24 du Code pénal, qui est expressément visé par l’article 495-8 du Code de procédure pénale énonce que « la nature, le quantum et le régime des peines prononcées sont fixés de manière à concilier la protection effective de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de favoriser l’insertion ou la réinsertion du condamné et de prévenir la commission de nouvelles infractions. »
- La peine d’emprisonnement.
Lorsqu’est proposée une peine d’emprisonnement, sa durée ne peut être supérieure à trois ans ni excéder la moitié de la peine d’emprisonnement encourue. Le procureur peut proposer qu’elle soit assortie en tout ou partie du sursis.
La peine d’emprisonnement peut être ferme et assortie d’un mandat de dépôt. Le prévenu en aura connaissance au moment de l’accepter ou de la refuser. Elle peut aussi être ferme, mais aménageable, auquel cas le prévenu sera informé qu’il recevra une convocation devant le juge de l’application des peines.
Également, la peine d’emprisonnement proposée peut être aménagée ab initio et le prévenu pourra bénéficier d’un placement sous surveillance électronique, d’une semi-liberté ou encore d’une mesure de placement extérieur.
- La peine d’amende.
Lorsqu’est proposée une peine d’amende, son montant ne peut être supérieur à celui de l’amende encourue. Elle peut être également assortie du sursis.
- Les autres peines.
Enfin, et depuis la loi du 25 mars 2019, le procureur de la République peut également proposer une peine qui entraînera l’annulation d’un sursis préalablement accordé, ou encore une limitation des effets de la condamnation. Par exemple, il pourra s’agir de la non-application d’une interdiction résultant de plein droit de la condamnation, ou de la non-inscription de la condamnation au bulletin n°2 ou n°3 du casier judiciaire.
- La négociation de la peine.
C’est au moment de la proposition de la peine que l’avocat pourra avancer des arguments factuels basés sur la situation personnelle du prévenu afin d’atténuer ou de modifier la peine proposée. Le procureur de la République peut alors accepter de revoir la peine proposée et en proposer une nouvelle au moment de l’audience devant lui.
Il est à noter que le prévenu et son avocat n’ont généralement pas connaissance de la proposition de peine le jour de l’audience devant le procureur de la République. L’article 495-8 dernier alinéa du Code de procédure pénale donne la possibilité au procureur d’informer le prévenu et son avocat en amont de la proposition qu’il souhaite formuler, par tout moyen.
3- Le choix du prévenu.
Le prévenu pourra décider d’accepter ou de refuser la peine proposée après s’être entretenu avec son avocat. Le procureur de la République n’étant pas un magistrat du siège dont le rôle est de juger un individu, la peine évoquée ne sera qu’une proposition et non une condamnation.
Le prévenu peut également demander un délai de réflexion de 10 jours francs, conformément à l’article 495-8 du Code de procédure pénale.
D. L’issue de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
1- Si accord sur la peine : une audience d’homologation devant le président du tribunal judiciaire.
Si le prévenu accepte la peine proposée par le procureur de la République, alors il sera immédiatement déféré devant le président du tribunal judiciaire pour homologation.
C’est ce magistrat qui sera tenu d’homologuer l’accord ou de le rejeter, après avoir vérifié la réalité des faits et leur qualification juridique.
L’audience est publique, et la présence du procureur de la République n’est pas obligatoire comme à une audience pénale classique.
- L’homologation de la peine acceptée.
Le consentement du prévenu à la peine proposée par le procureur de la République est à nouveau recueilli par le président du tribunal. Le prévenu pourra toujours refuser la peine lors de cette audience d’homologation, même s’il l’avait précédemment acceptée devant le procureur de la République.
Si le juge décide d’homologuer la peine, alors il le fait le jour-même, par ordonnance motivée. Cette motivation doit contenir, d’une part, la constatation de la reconnaissance des faits par le prévenu en présence de son avocat, et l’acceptation de la ou des peines proposées par le procureur de la République. D’autre part, le président du tribunal judiciaire doit préciser en quoi cette ou ces peines sont justifiées au regard des circonstances de l’infraction et de la personnalité de son auteur.
L’ordonnance a les effets d’un jugement de condamnation. Elle est immédiatement exécutoire. Si la peine prononcée est une peine d’emprisonnement avec mandat de dépôt, la personne est incarcérée sur le champ, s’il s’agit d’une peine aménageable, l’ordonnance est transmise sans délai au juge d’application des peines.
La personne ainsi condamnée peut faire appel de l’ordonnance d’homologation, de même que le Ministère public, à titre incident.
- Le refus d’homologation de la peine acceptée.
Le président du tribunal judiciaire refuse d’homologuer la peine proposée par le procureur de la République et acceptée par le prévenu « s’il estime que la nature des faits, la personnalité de l’intéressé, la situation de la victime ou les intérêts de la société justifient une audience correctionnelle ordinaire ou lorsque les déclarations de la victime […] apportent un éclairage nouveau sur les conditions dans lesquelles l’infraction a été commise ou sur la personnalité de son auteur. » [2].
Il rend alors une ordonnance de refus d’homologation.
Le procureur de la République sera tenu de saisir le tribunal correctionnel ou de requérir l’ouverture d’une information judiciaire.
Si le prévenu avait comparu devant le procureur de la République à l’issue de sa garde à vue sur le fondement des articles 393 et suivants du Code de procédure pénale, alors l’audience devant le tribunal correctionnel doit avoir lieu le jour-même. Le prévenu sera alors retenu jusqu’à sa comparution devant le tribunal correctionnel. Cependant, si la réunion du tribunal n’est pas possible le jour-même, le procureur de la République saisit le juge des libertés et de la détention pour débattre d’un éventuel placement en détention provisoire de prévenu ou d’un contrôle judiciaire en attente de l’audience.
2- Si refus de la peine par le prévenu : renvoi devant un tribunal correctionnel.
Si le prévenu refuse la peine proposée par le procureur de la République, alors ce dernier saisit sans délai le tribunal correctionnel.
Le refus de la peine n’aura aucune conséquence sur l’audience à venir, il s’agit de deux procédures distinctes qui ne doivent en aucun s’influencer. Notamment, les procès-verbaux rédigés dans le cadre de la CRPC ne pourront pas être transmis à la juridiction de jugement ou au juge d’instruction. De plus, ni le Ministère public, ni les parties ne pourront les évoquer au cours de l’audience [3].
Les conséquences du refus de la peine sont les mêmes qu’en cas de refus d’homologation par le juge d’une peine précédemment acceptée. Si le prévenu avait été déféré devant le procureur de la République à l’issue de sa garde à vue, alors il sera, en principe, présenté à un tribunal correctionnel le jour-même. Si cela est impossible, un juge des libertés et de la détention décidera si un placement en détention provisoire ou un contrôle judiciaire est nécessaire en l’attente de l’audience correctionnelle.
3- Le délai de réflexion.
L’article 495-10 du Code de procédure pénale prévoit que le prévenu peut demander à bénéficier d’un délai de réflexion de 10 jours francs avant de se prononcer sur la proposition de peine faite par le procureur de la République.
Dans cette hypothèse, le procureur de la République peut décider de présenter le prévenu au juge des libertés et de la détention pour que celui-ci ordonne son placement sous contrôle judiciaire ou, à titre exceptionnel et si l’une des peines proposées est égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement ferme et que le procureur de la République a proposé sa mise à exécution immédiate, son placement en détention provisoire.
La nouvelle comparution devant le procureur de la République doit intervenir dans un délai compris entre 10 et 20 jours à compter de la décision du juge des libertés et de la détention. A défaut, il sera mis fin au contrôle judiciaire ou à la détention provisoire qui aurait été prononcée par le juge des libertés et de la détention.
E. Les droits de la victime.
S’il existe une victime identifiée des faits reprochés, alors celle-ci est informée sans délai et par tout moyen de la procédure de CRPC.
Elle est invitée à se présenter à l’audience d’homologation devant le président du tribunal judiciaire, seule ou avec son avocat, afin de se constituer partie civile et demander la réparation de son dommage subi.
Le président du tribunal judiciaire pourra statuer sur les intérêts civils, même si la partie civile n’est pas présente à l’audience.
La partie civile peut également faire appel de l’ordonnance d’homologation rendue par le président du tribunal judiciaire.
Discussions en cours :
J’ai fait appel d’une non homologation pour un passage en Crpc, mon avocat à interjeté l’appel au greffe du tribunal mais me demande de faire un courrier auprès du procureur !
1) Pourquoi et de combien de temps je dispose pour le faire ?
2) n’étant pas familiarisé avec le vocabulaire juridique et n’ayant pas trouvé de courrier type sur internet.
J’aimerais savoir si possible, comment m’y prendre et surtout quoi mettre à part rester devant une page blanche !?
Vous en remerciant par avance,
Cordialement.
Toutes les informations lues avec attention concernant ce sujet sont très intéressantes et éclairantes.
Je dois encore me confronter à des textes de lois bien compliqués et les comprendre.,et en faire la synthèse.
Mais contente d’avoir accès à ces documents pour mieux maîtriser ma situation .
Merci beaucoup à vous
Très intéressant et très bon à savoir, merci beaucoup
Bonjour,
Depuis la loi de réforme de la justice du 23 mars 2019, le procureur peut proposer une peine d’emprisonnement jusqu’à 3 ans dans le cadre de la CRPC.
N’est ce pas étendre cette possibilité à des dossiers dont la gravité nécessiterait un procès, tant pour garantir les droits de la défense que par respect pour les victimes ?