Comment éviter la détention provisoire ? Par Charly Salkazanov et Tristan Simon, Avocats.

Comment éviter la détention provisoire ?

Par Charly Salkazanov et Tristan Simon, Avocats.

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Explorer : # détention provisoire # avocat pénaliste # garanties de représentation # droits des détenus

Si la détention provisoire n’est pas une peine de prison, elle en a toutes les apparences. La saisine d’un avocat pénaliste peut s’avérer décisive pour éviter cette situation douloureuse.

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Par principe, « toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre » [1]. Aux termes de la loi, la détention provisoire constitue donc l’exception [2], qui ne devrait être prononcée qu’en ultime recours. Pourtant, les chiffres donnent le tournis. En décembre 2022, près de 20 000 personnes étaient placées en détention provisoire [3]. Une évidence s’impose : l’exception a dépassé le principe et la détention provisoire est devenue la règle. Pour éviter cette situation pénible et douloureuse pour le mis en cause et ses proches, l’avocat pénaliste peut jouer un rôle décisif. Mais lequel ? Tristan SIMON, avocat au barreau de Paris et Charly SALKAZANOV, avocat au barreau du Val-de-Marne, cofondateurs de l’Association pour l’Exercice des Droits des Détenus (AEDD) vous expliquent comment l’avocat peut œuvrer pour éviter la détention provisoire.

Qu’est-ce que la détention provisoire ?

Juridiquement, la détention provisoire ne doit pas être confondue avec la peine d’emprisonnement. En effet, la personne placée en détention provisoire est présumée innocente. Au contraire, la peine de prison vient sanctionner la personne qui a été jugée et déclarée coupable. S’il faut donc, en théorie, distinguer les deux, la pratique ne peut que conduire à assimiler la détention provisoire à une peine de prison. De fait, elle en a toutes les apparences : tout comme l’emprisonnement, la détention provisoire est une mesure de privation de liberté qui consiste à placer une personne dans un établissement pénitentiaire. L’assimilation entre détention provisoire et emprisonnement est telle que le temps passé en détention provisoire s’impute sur la peine de prison qui serait prononcée par le juge [4]. Au final, il n’en demeure pas moins qu’une personne présumée innocente se retrouve incarcérée dans un établissement pénitentiaire.

Dans quels cas la détention provisoire peut-elle être ordonnée ?

Il y a trois principales voies d’incarcération menant à la détention provisoire. La première est la comparution immédiate. Cette procédure vise les personnes prévenues d’un délit puni d’une peine d’emprisonnement au moins égale à deux ans [5]. C’est celle qui fait le plus de « ravages », dans la mesure où de nombreux prévenus sont expédiés derrière les barreaux dans l’attente de leur procès devant le tribunal correctionnel. Pour cause, le juge peut placer la personne en détention provisoire lorsqu’elle demande le renvoi de son affaire pour préparer sa défense ou si la réunion du Tribunal est impossible le jour-même. Le prévenu peut encore être placé en détention provisoire dans l’attente d’une prochaine audience correctionnelle si le Tribunal décide de réaliser un complément d’information ou tout autre acte complémentaire, tel qu’un relevé d’empreinte. C’est également le cas – de plus en plus fréquent – lorsque le Tribunal est contraint de renvoyer l’affaire, que ce soit en raison d’un dossier incomplet (expertise psychiatrique manquante pour un délit où elle est obligatoire [6], par exemple) ou tout simplement de la surcharge de son rôle.

La seconde voie d’incarcération est celle du mandat de dépôt décidé dans le cadre de l’instruction [7]. C’est le cas de figure de la personne mise en examen. Selon la loi, la détention provisoire peut être ordonnée par le Juge des Libertés et de la Détention lorsqu’une personne a été mise en examen pour un crime ou un délit puni d’une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou supérieure à trois ans [8]. Elle est également présumée innocente, mais incarcérée. La détention provisoire peut également être ordonnée lorsque la personne mise en examen a violé les obligations du contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence sous surveillance électronique [9].

Avant que le Juge des Libertés et de la Détention ne statue, la personne peut demander un délai pour préparer sa défense, dans le cadre de la procédure dite de « débat différé ». Dans ce cas, le Juge pourra prendre une ordonnance motivée non susceptible d’appel ordonnant l’incarcération de la personne pour quatre jours au plus. En dépit de ce fort risque d’incarcération, le débat différé doit être considéré, car il permet à l’avocat de récupérer des pièces démontrant l’insertion de la personne afin d’éviter son placement en détention provisoire.

Enfin, la détention provisoire peut – c’est plus rare – être ordonnée dans le cadre de la procédure sur reconnaissance préalable de culpabilité (CRPC). Dans ce cadre, la détention provisoire ne peut être prononcée que si deux conditions sont réunies [10]. Le prévenu doit tout d’abord avoir demandé à bénéficier du délai de réflexion de 10 jours suite à la proposition de peine que lui a faite le procureur de la République avant de donner sa réponse. Il faut ensuite que l’une des peines proposées soit égale ou supérieure à deux mois d’emprisonnement ferme, et que le procureur de la République ait proposé sa mise à exécution immédiate.

Comment l’éviter ?

La détention provisoire est une épreuve douloureuse, tant pour la personne poursuivie, que pour ses proches. Pour l’éviter, l’avocat pénaliste joue un rôle majeur.

Dans le cadre d’une comparution immédiate, l’avocat pénaliste se charge d’appeler en urgence les proches du mis en cause pour se procurer des garanties de représentation. Il pourra produire ces pièces devant le Tribunal afin d’éviter un placement en détention provisoire ou le cas échant, un maintien en détention provisoire devant la juridiction compétente. De la même manière, dans le cadre d’une instruction, le conseil du mis en cause l’assistera devant le Juge des Libertés et de la Détention, et tout au long de l’instruction.

Ainsi, c’est en mobilisant un maximum d’éléments qui démontreront la bonne insertion du mis en cause (activité professionnelle, formation, vie de famille, enfants à charge, domicile stable, etc.) que l’avocat peut éviter la détention provisoire de son client.

En effet, l’avocat doit démontrer qu’en l’espèce, les critères prévus par l’article 144 du Code de procédure pénale ne sont pas réunis. Le débat se fonde tant sur les pièces du dossier pénal que sur les garanties de représentation en justice récupérées par l’avocat. Ces éléments peuvent lui permettre de plaider qu’il n’existe pas de risque de déperdition des preuves, de risque de concertation, de risques de pressions sur les témoins ou victimes, ou encore, de prouver que l’insertion de la personne sur le territoire est suffisante pour garantir son maintien à la disposition de la justice et prévenir tout risque de fuite.

En cas de placement en détention provisoire, des demandes de mise en liberté peuvent être régularisées par le détenu, au greffe de la maison d’arrêt, ou par son avocat, auprès du juge d’instruction [11]. L’avocat pénaliste peut également assister le mis en cause devant la chambre de l’instruction en cas de rejet de la demande de mise en liberté.

Enfin, le détenu qui serait finalement jugé innocent après un placement en détention provisoire a la possibilité, via son avocat, d’obtenir une indemnisation.

En résumé, pour toute personne susceptible de faire l’objet d’un placement en détention provisoire, c’est le début d’une course contre-la-montre. Il est notamment utile, pour la personne mise en cause dont le téléphone sera très certainement saisi, de connaître par cœur les coordonnées d’un proche susceptible de lui apporter des garanties de représentation. Dans tous les cas, il est urgent de prendre contact avec un avocat pénaliste pour éviter cette situation et préparer les pièces qui lui permettront de se battre pour éviter la détention provisoire.

Charly Salkazanov,
Avocat
Président fondateur de l’AEDD (Association pour l’Exercice des Droits des Détenus)
Courriel : contact chez salkazanov-avocat.fr
Site : https://www.salkazanov-avocat.fr

Tristan Simon,
Avocat, Secrétaire cofondateur de l’AEDD
Courriel : tristan chez simon-avocat.fr

Site de l’AEDD (Association pour l’Exercice des Détenus) : www.aedd-asso.fr

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Notes de l'article:

[1Article 137 du Code de procédure pénale.

[2Ibid., l’article 137 alinéa 3 ne permettant la détention provisoire qu’à « titre exceptionnel ».

[3Voir notamment Laure ANELLI, « Détention provisoire, l’interminable attente », OIP, revue Dedans Dehors n° 117.

[4Article 716-4 du Code de procédure pénale.

[5Article 716-4 du Code de procédure pénale.

[6Article 706-47-1 du Code de procédure pénale.

[7Article 706-47-1 du Code de procédure pénale.

[8Article 143-1 du Code de procédure pénale.

[9Articles 141-2 et 143-1 du Code de procédure pénale.

[10Article 495-10 du Code de procédure pénale.

[11Article 148 du Code de procédure pénale.

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