Clause d’exclusivité des cadres en droit du travail : validité sous conditions.

Par Avi Bitton, Avocat et Kelly Badwy, Juriste.

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Explorer : # clause d'exclusivité # conditions de validité # protection des intérêts de l'entreprise # sanctions disciplinaires

Les cadres sont souvent soumis à une clause d’exclusivité dans leur contrat de travail.
Cependant, cette clause n’est valable que sous certaines conditions strictes.
En pratique, cette clause est souvent déclarée nulle par les tribunaux.

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1. Définition.

Le Code du travail français n’interdit pas au salarié de travailler pour plusieurs employeurs et d’être titulaire de plusieurs contrats de travail.

Certes, cette liberté peut être restreinte par une clause contractuelle dite « clause d’exclusivité », mais cette clause n’est valable que sous des conditions strictes établies par les tribunaux.

La clause d’exclusivité est une clause en vertu de laquelle le salarié s’engage à consacrer toute son activité professionnelle à un employeur unique. Par cette clause, l’employeur interdit au salarié l’exercice de toute activité, salariée ou non, concurrente ou non à celle de son employeur.

Contrairement à la clause de non-concurrence, qui ne s’applique qu’à partir de la rupture du contrat de travail, la clause d’exclusivité à vocation à s’appliquer pendant la relation contractuelle (donc avant la rupture du contrat de travail).

La clause d’exclusivité ne concerne pas les activités bénévoles et épisodiques [1].

2. Les conditions de validité de la clause d’exclusivité.

1.1. Une clause écrite.

Tout d’abord, la clause d’exclusivité doit être écrite soit directement dans le contrat de travail au moment de la conclusion du contrat, soit dans un avenant intervenant au cours de ce contrat qui constitue une modification du contrat de travail et devra donc être acceptée par le salarié [2].

Également, la clause d’exclusivité doit être suffisamment précise quant aux activités auxquelles renonce le salarié afin de permettre au juge de vérifier si celle-ci remplie bien toutes les conditions de validité.

Par exemple, dans une affaire opposant un éditeur et son salarié ayant créé un site de vente en ligne, la clause d’exclusivité insérée dans son contrat de travail l’interdisant d’exercer « toute activité complémentaire » a été jugée excessive, car rédigée en des termes trop généraux et imprécis [3].

1.2. Les conditions de fond.

Trois conditions cumulatives ont été dégagées par la jurisprudence.

a) Une clause indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise.

L’employeur doit prouver qu’en l’absence d’une telle clause, l’activité de l’entreprise subirait des conséquences économiques importantes.

La prise en compte des spécificités de l’emploi du salarié pourra, par exemple, justifier le caractère indispensable d’une telle clause [4].

b) Une clause justifiée par la nature des fonctions du salarié.

La clause d’exclusivité ne concerne pas tous les salariés. En effet, cette clause ne doit toucher que les salariés ayant des emplois stratégiques au sein de l’entreprise.

Tel est le cas pour un salarié comptable qui, par ses fonctions, touchent à des éléments essentiels et confidentiels de la vie de la société [5].

c) Une clause proportionnée au but recherché par l’employeur.

Cette interdiction doit être proportionnée à l’importance du préjudice économique prévisible dans le cas où le salarié exercerait une autre activité professionnelle.

Par exemple, il a été jugé qu’une clause interdisant à un conseiller commercial d’avoir une activité professionnelle en dehors de son temps de travail et dans un secteur sans rapport avec celui de son employeur n’était pas valable, au motif qu’elle n’était ni indispensable à la protection des intérêts de l’entreprise, ni proportionnée au but recherché [6].

A contrario, la clause d’exclusivité sera considérée comme proportionnée si l’interdiction qu’elle prévoit n’est pas absolue. Tel est le cas par exemple, si elle permet, sous réserve de l’autorisation préalable de l’employeur, d’exercer une autre activité professionnelle [7].

Contrairement à la clause de non-concurrence, la validité d’une clause d’exclusivité n’est pas soumise à l’exigence d’une contrepartie financière.

3. La mise en œuvre de la clause d’exclusivité.

3.1. Sanctions.

Le licenciement d’un salarié pour non-respect d’une clause d’exclusivité jugée illicite pourra être reconnu comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse [8].

A l’inverse, le non-respect d’une clause d’exclusivité licite par le salarié, pourra donner lieu à une sanction disciplinaire allant de l’avertissement, à un licenciement disciplinaire pour faute grave pouvant justifier son licenciement sans préavis [9].

Le non-respect de cette clause pourra également donner lieu à un licenciement pour faute lourde, lorsque la volonté de nuire à l’entreprise de la part du salarié est démontrée [10].

3.2. Les dérogations à la validité de l’exclusivité.

a) Les salariés à temps partiel.

En principe, en vertu de la liberté de travail, il est interdit d’insérer une clause d’exclusivité dans un contrat d’embauche à temps partiel

« la clause d’un contrat par laquelle un salarié s’engage à travailler pour un employeur à titre exclusif et à temps partiel ne peut lui être opposée et lui interdire de se consacrer à temps complet à son activité professionnelle » [11].

Toutefois, depuis un arrêt de la Cour de cassation du 25 février 2004, il est possible d’introduire une clause d’exclusivité dans un tel contrat, à condition

« qu’elle soit indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise et si elle est justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché ».

b) Les salariés créant ou reprenant une entreprise.

Conformément à l’article L1222-5 du Code du travail :

« l’employeur ne peut opposer aucune clause d’exclusivité pendant une durée d’un an au salarié qui crée ou reprend une entreprise, même en présence de stipulation contractuelle ou conventionnelle contraire ».

Toutefois, cette interdiction ne s’applique pas à la clause d’exclusivité des VRP.

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris
Ancien Membre du Conseil de l’Ordre
Site : https://www.avibitton.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc., 21 janv. 1982.

[2Cass. soc, 7 juin 2005.

[3Cass. soc., 16 mai 2018.

[4Cass. Soc., 13 oct. 2011.

[5Cass. soc., 29 sept. 2016.

[6Cass. soc., 15 sept 2010.

[7Cass. soc., 29 septembre 2016.

[8Cass. soc., 16 mai 2018.

[9Cass. soc., 24 oct. 2007.

[10Cass. Soc., 27 mai 1992.

[11Cass. Soc., 11 juill. 2000, Couzin c/ Sté Larousse IDF.

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