Le changement de nom pour motif légitime : retour d’expérience.

Par Aude du Parc, Avocat.

23788 lectures 1re Parution: 45 commentaires 4.94  /5

Explorer : # changement de nom # motif légitime # recours

La demande en changement de nom est régie par les textes suivants, qui détaillent la procédure à suivre :
- Les articles 61 à 61-4 du Code civil ;
- La loi n°72-964 du 25 janvier 1972 relative à la francisation des noms et prénoms des personnes qui acquièrent, recouvrent ou se font reconnaître la nationalité française ;
- Le décret n°94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom.

-

La demande en changement de nom pour motif légitime est une requête en apparence très simple à rédiger.

Cependant, le motif légitime n’est pas défini par les textes et il s’agit avant tout d’une construction jurisprudentielle.

Selon la jurisprudence, et à titre d’exemples, sont considérés comme un motif légitime :
- la consonance étrangère d’un nom patronymique (CE 21 avril 1997 décision n° 160716) ;
- l’intérêt légitime de l’enfant au regard notamment de la gravité des faits pour lesquels son père a été condamné et des conséquences que ces faits ont eu sur l’enfant (CE 4 décembre 2009 décision n° 309004) ;
- un motif d’ordre affectif en cas de circonstances exceptionnelles tel que l’abandon brutal de l’enfant (CE 16 mai 2018, décision n°409656) ;
- le désir d’harmoniser son nom avec celui d’autres membres de la famille ayant bénéficié d’un changement de nom définitif (CE 14 janvier 1976, décision n°95724) ;
- lorsque le nom est menacé d’extinction (CE 19 mai 2004, n° 236470) ;
- l’usage constant et continu du nom depuis au moins trois générations (TA Paris, 26 mai 2000 : D.2000. IR 269) ;
- l’homonymie avec un terme péjoratif ou grossier (CE 6 avril 1979 : Lebon 738, CAA de Paris 20 septembre 2012, n°11PA05086).

En revanche, ne sont pas considérés comme un motif légitime :
- le désir d’avoir le même nom de famille que son père ne constitue pas à lui seul un motif légitime (CE 16 mai 2018 n° 408064) ;
- l’absence de tout lien de filiation entre le demandeur et son père biologique dont il voudrait perpétuer le nom (CE 19 février 2009 n°323510) ;
- le fait pour le conjoint, dont l’intérêt légitime à changer de nom a été reconnu, de prendre définitivement le nom de son conjoint, ce nom n’étant qu’un nom d’usage prenant fin à la dissolution du lien matrimonial, sauf convention contraire entre les époux. (CE 18 novembre 2011 n°346670) ;
- l’exercice d’une activité professionnelle (CE 12 mars 1999, n°179718) ;
- les raisons de pure convenance personnelle (Circ. DACS, 17 févr. 2017, NOR : JUSC1701863C, BOMJ nº 2017-05, 31 mai).

Il convient donc de faire une analyse très précise de la jurisprudence, avant de procéder à la demande en changement de nom : en effet, une seule demande en changement de nom pour motif légitime peut être effectuée par personne. Il est très important de travailler le dossier en amont.

De plus, la définition du motif légitime étant jurisprudentielle, il est possible d’être créatif et d’ouvrir la voie à d’autres motifs légitimes que les motifs légitimes habituellement retenus.

Au regard de ce qui précède, prendre les services d’un avocat est plus que recommandé.

Il faut également savoir que la Direction des Affaires Civiles et du Sceau n’est pas joignable par téléphone.

Aucun délai légal n’étant imparti à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau pour rendre sa décision, les délais de traitement des dossiers de demande de changement sont souvent traités au-delà du délai raisonnable, comme le précise le Défenseur des droits dans sa décision du 4 décembre 2018 (Décision du Défenseur des droits du 4 décembre 2018, n°2018-252).

Le Défenseur des droits déplore que certains dossiers soient traités sur un délai pouvant atteindre six années, sans que le demandeur soit tenu informé de l’avancement de son dossier.

Si la demande de changement de nom n’est pas traitée dans un délai raisonnable, et après plusieurs relances restées sans effet, il est possible de saisir le Défenseur des droits qui se rapprochera de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau afin qu’elle rende sa décision.

La décision de la Direction des Affaires civiles et du Sceau est directement adressée au domicile du requérant, en LRAR, même si la demande en changement de nom a été introduite par un avocat.

Il est possible, en cas de refus, d’introduire un recours gracieux (attention le délai est de deux mois à compter de la décision de refus), ou un recours contentieux pour excès de pouvoir (le délai est également de deux mois). Il est recommandé d’introduire l’un, puis l’autre. La demande de changement de nom est alors réexaminée. Ces deux recours doivent cependant présenter des éléments nouveaux par rapport à la requête initiale.

Aude du Parc
AARPI BESSARD du PARC
[aduparc chez avoparc.com]

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

63 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Commenter cet article

Discussions en cours :

  • Bonjour, j’ai effectué des démarches pour un changement de prénom pour ma fille de 5 mois parce que le papa s’est trompé ma première demande j’avais pas mis de motif donc ça a été refusé, mais après ils m’ont dit que je pourrais refaire une nouvelle demande, mais avec comme motif intérêt légitime mais je sais pas quel motif mettre.

    • par Aude du Parc , Le 22 octobre 2024 à 13:00

      Bonjour,
      Afin de démontrer l’existence d’un intérêt légitime au changement de prénom, vous pouvez vous appuyer sur la circulaire du 17 février 2017 de présentation de l’article 56, I de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
      Très cordialement.

  • Bonjour,
    J’ai effectuer une demande de changement de nom en juillet 2020 pour le motif légitime d’extinction du nom. Il y a eu une erreur d’écriture de mon nom qui remonte à trois génération au dessus de moi et la dernier personne de ma famille qui porter encor ce nom (originelle) et décédé il y a 4 ans.
    Lorsque que j’ai fait mon dossier, j’ai donner tout les acte de naissance ainsi que un arbre généalogie qui prouve mes dire.

    Les question que je me poses es que ma demande est elle légitime pour avoir une réponse favorable ?

    Cela fait maintenant 2 ans que j’ai fait ma demande, en 2021 ils mon demander la page du journal local (que j’avais déjà mit dans mon dossier ) je leur est renvoyer et depuis plus de nouvelle depuis 1 ans, es que ma demande a était refuser, reçois ton un courrier même si on a était refusé ?

    Merci de vos réponse

    Cordialement

    • par Aude du Parc , Le 19 juillet 2022 à 09:34

      Madame, Monsieur,
      Votre demande peut prendre plusieurs années à être traitée, mais vous recevrez une réponse.
      Très cordialement.
      Aude du Parc

  • Bonjour Madame,

    Je souhaite effectuer une demande de changement de noms afin de porter uniquement ce lui de ma mère.
    J’ai constitué un dossier déjà rempli justifiant de mon usage constant de ce nom ( attestation commerçant, de collègues de travail, de clients, factures, impôts, etc...)
    Cependant je n’ai que 25 ans, alors même si le dossier est remplie, ai-je une chance d’obtenir ce changement ?
    Étant donner que sa ne fait pas plusieurs décennies ?

    Merci d’avance

    • par Aude du Parc , Le 28 novembre 2020 à 08:51

      Cela risque d’être trop juste en effet.
      Très cordialement

    • par BS , Le 17 décembre 2020 à 11:07

      Bonjour,

      Afin d’aider ceux qui cherchent des infos, je vous fait un retour d’expérience.
      J’ai en nom patronymique celui de mon père. Il est parti quand ma mère était enceinte et je n’ai jamais eu de liens avec lui.
      J’ai toujours voulu porter le nom de ma mère.
      Depuis mes 18 ans, j’utilise le nom de ma mère dans ma vie de tous les jours (diplôme, impôts, fiche de paie, etc).
      A 28 ans (en 2010) j’ai fait la démarche auprès du garde des seaux. Après 2 ans sans nouvelles, j’ai demandé l’intervention du défenseur des droits. J’ai alors eu une réponse négative (de mémoire, le refus n’était pas vraiment motivé).
      Aujourd’hui (2020) à 37 ans et avec 2 enfants (qui ont le même problème, il ne connaissent même pas leur nom patronymique car ils utilisent le même nom d’usage que moi), j’ai relancé la démarche avec l’accord de leur mère qui souhaite avoir le même nom d’épouse.
      Et là surprise, le mois d’après, première réponse pour me dire qu’il manque des documents. J’avais envoyé des preuves de l’utilisation constant et continu, mais ils m’ont demandé un justificatif par an sur les 20 dernières années.
      J’ai répondu rapidement et surprise j’ai reçu un mois après un second courrier, avec une question sur l’orthographe du nom d’usage demandé (une histoire d’accent). J’ai envoyé la réponse la semaine dernière.

      Pour résumé mon sentiment :

      - l’usage constant et continu d’un nom qui identifie publiquement doit se faire sur 20 ans selon le service du Sceau.
      - l’instruction des dossiers est traitée beaucoup plus rapidement qu’auparavant.

      En espérant que cela aidera.

    • par Jules , Le 7 juillet 2021 à 15:43

      Bonjour Madame,

      Je porte un nom de famille très long (3 noms dont 2 avec des particules "XXX de YYYY de ZZZ").
      Au quotidien, je n’utilise que mon nom du milieu "de YYY" et cela est source d’erreur et d’incompréhension dans toutes mes démarches officielles. Mon nom complet ne rentre d’ailleurs quasiment jamais dans les formulaires faute de place.
      Au delà des moqueries relatives à ce nom pompeux et trop long, je souhaiterai donc ne plus porter les autres noms afin que tout cela soit plus simple pour tout le monde (la SECU, les impôts, les différents organismes qui ne me retrouvent jamais avec ma pièce d’identité car les noms ne coïncident pas).
      La mairie a refusé d’inscrire sur ma carte d’identité nom d’usage "de YYY" au prétexte que c’était déjà mon nom.

      Est-ce qu’un nom trop long et inutilisé dans son intégralité est un motif légitime de changement de nom ?

      Merci d’avance pour vos précisions

  • Bonjour Maître du Parc,
    Merci pour votre article qui permet notamment de mieux comprendre - à tout le moins d’en avoir conscience - les délais souvent longs voire très longs pour recevoir une décision du garde des Sceaux quant à une requête en changement de nom pour motif légitime.
    Je suis moi-même confronté à cette attente longue, mais j’ai accepté et intégré ce état de fait à ma démarche.
    La raison de mon intervention ici-même, si vous le permettez, est de partager avec toutes et tous une décision rendue par M. Jacques Toubon, Défenseur des droits, en date du 4 décembre 2018 [décision n°2018-252] précisément sur les délais de traitements des demandes de changement nom par le ministère de la Justice. Avoir connaissance de ce texte d’à peine 8 pages me paraît intéressant pour quiconque est confronté à ces longs délais ou envisagerait d’introduire une telle requête.
    https://juridique.defenseurdesdroits.fr/doc_num.php?explnum_id=18212

    • par Aude du Parc , Le 10 décembre 2020 à 10:22

      Merci pour votre partage Monsieur. En effet, le défenseur des droits a conscience des dysfonctionnements de la procédure de changement de nom. Espérons que ceux-ci soient corrigés rapidement.
      Bien cordialement.
      Aude du Parc

    • par Esmeralda , Le 21 décembre 2020 à 11:51

      Bonjour,
      Est il impossible pour une personne étrangère vivant en france depuis une dizaine d’année de changer son prénom même si elle n’est pas naturalisée ?

      Merci

    • par vincent , Le 30 décembre 2020 à 16:04

      Bonjour,
      je réagis dans ce post, car j’ai moi aussi introduit une requête en changement de nom à la DACS il y a un mois (deux motifs légitimes). Mais le problème majeur dans cette procédure administrative c’est le délai de traitement : entre 18 mois et 6 ans. le Défenseur des droits Toubon a déjà adressé au Ministère Justice un mémoire du 04/12/2018 insistant sur les délais anormalement longs de traitement des dossiers, cependant, deux ans plus tard, rien n’est fait pour résorber ce retard accumulé puisque d’après une source, les plaintes pour "refus de réponse" continuent d’affluer au Défenseur des droits. la DACS reçoit en moyenne 2700 à 3000 dossiers par an, donc c’est humainement gérable d’autant que dans 80% des cas, aucune investigation auprès du procureur n’est nécessaire pour statuer. Mais les requérants n’ont pas à souffrir de cette lenteur administrative car si on fait une telle démarche réfléchie, c’est pour mettre un terme à une réelle souffrance psychologique qui impacte notre vie quotidienne. Donc on attend pendant des mois, des années, mais on ne sait rien de l’avancée de l’instruction du dossier (la DACS ne communique pas et le Ministère non plus).

    • par Alexandra , Le 2 juillet 2021 à 20:56

      Bonjour,

      C’était quoi donc le délai de réponse ? Et ensuite, je voudrais savoir ce qu’il faudra faire pour les informer de tout changement apporté, après un déménagement a l’étranger ? Ca sera par poste ? Par courriel ?
      Je vous remercie infiniment pour votre réponse en avance.

      Cordialement,

      Alexandra

  • Bonjour madame,

    Tout d’abord je tenais à vous remercier pour votre article.

    J’ai déposé une demande de changement de nom pour cause d’extinction. Il s’agit d’apposer à mon nom, celui de ma grand mère.
    Ce nom est en effet éteint dans notre famille (mon arrière grand père étant le dernier homme à avoir porté et pu transmettre le nom, nous avons réuni les documents qui le prouvent).
    Mais il s’est avéré qu’il y a quelques homonymes en France (environs une quarantaine hommes et femmes confondues) qui portent ce nom, avec qui nous n’avons aucun lien de parenté (ce qui est là encore prouvé) et qui se sont manifestés.
    Ainsi est ce que la notion d’extinction du nom s’applique encore ? En fait ma question plus précise porte sur les limites de l’extinction : est ce que l’extinction du nom peut avoir uniquement pour cadre l’extinction au sein de la famille ? Ou est ce que l’extinction doit avoir pour cadre le territoire Français ?

    Je vous remercie par avance pour votre réponse

    • par Aude du Parc , Le 8 juin 2021 à 12:21

      Monsieur,

      L’article 61 alinéa 2 du code civil dispose : La demande de changement de nom peut avoir pour objet d’éviter l’extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu’au quatrième degré.

      Ainsi, l’extinction du nom peut avoir uniquement pour cadre l’extinction au sein de la famille, en considération de l’ensemble des branches des ancêtres du demandeur.

      Ceci étant, une opposition à changement de nom est toujours possible par toute personne intéressée. Il doit en donner les raisons précises.

      Très cordialement.

      Aude du Parc

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27838 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs