Cadres : forfait jours nul = paiement des heures supplémentaires !

Par Avi Bitton, Avocat et Mayssa Zaiem, Juriste.

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Explorer : # forfait jours # heures supplémentaires # nullité de contrat # droit du travail

Ce que vous allez lire ici :

Le forfait-jours permet aux entreprises de ne pas rémunérer les heures supplémentaires des cadres. Sa validité repose sur des accords collectifs et le respect des obligations légales. En cas de non-conformité, le cadre peut revendiquer ses heures supplémentaires sur trois ans, avec potentiellement des indemnités.
Description rédigée par l'IA du Village

Le cadre au forfait jours peut-il revendiquer le paiement d’heures supplémentaires ?
Oui, si son forfait jours est nul ou inopposable.
Quelles sont les causes de nullité ou inopposabilité du forfait jours ?
Quelles sommes le cadre peut-il alors réclamer à son entreprise ?

-

Le forfait-jours des cadres est un système qui permet à l’entreprise d’échapper à la durée du travail de 35 heures et, ainsi, d’éviter de régler aux cadres leurs heures supplémentaires.

Le Code du travail encadre donc strictement le forfait jours : en cas de manquement de l’employeur, le forfait-jours est nul ou inopposable et le cadre peut réclamer le paiement de ses heures supplémentaires rétroactivement sur les 3 dernières années.

1 - Les causes de nullité du forfait-jours.

Une convention de forfait-jours peut être annulée pour diverses raisons :

1.1. Absence d’accord collectif sur le recours au forfait annuel.

Le forfait-jours doit être prévu par une convention ou un accord collectif (accord d’entreprise ou accord de branche). Il s’agit d’un préalable obligatoire [1]. Cet accord collectif doit préexister à la conclusion de la convention de forfait-jours.

Si aucun texte collectif ne prévoit le recours au forfait-jours, la convention individuelle signée avec le salarié encourt la nullité.

En outre, lorsque l’accord de branche renvoie à l’accord d’entreprise pour fixer les modalités du forfait-jours, mais qu’aucun accord d’entreprise n’a été conclu, alors les conventions de forfait-jours sont inapplicables [2].

Le Code du travail liste les différentes dispositions devant obligatoirement figurer dans l’accord collectif relatif au forfait-jours [3].

Parmi les dispositions obligatoires :

  • Catégories de salariés visés,
  • Période de référence du forfait,
  • Nombre de jours travaillés compris dans le forfait,
  • Prise en compte des absences du salariés,
  • Caractéristiques des conventions individuelles (ex : rémunération),
  • Évaluation et suivi de la charge de travail,
  • Modalités d’exercice du droit à la déconnexion.

Si l’accord collectif ne satisfait pas aux conditions requises, que ces garanties sont absentes ou insuffisantes, pour établir des forfaits en jours, les conventions individuelles de forfait risquent d’être annulées [4].

1.2. Non-respect des obligations légales.

L’employeur doit respecter les modalités prévues par l’article L3121-65 du Code du travail :

  • obligation de garantir un suivi régulier du nombre de jours travaillés par le salarié (document de contrôle),
  • obligation de garantir une charge de travail compatible avec le respect des temps de repos quotidiens (11h) et hebdomadaires (35h),
  • un entretien par an doit être organisé pour assurer ce suivi.

La jurisprudence a établi qu’un manquement à ces obligations peut entrainer la nullité de la convention de forfait-jours [5].

1.3. Non-respect du droit au repos et de la durée maximale de travail.

Bien que dérogeant à la durée légale de travail (35 heures), les salariés en forfait-jours demeurent soumis au droit au repos (11h entre deux journées de travail et 35h d’affilée chaque semaine) et à une durée maximale de travail.

Un non-respect de ces garanties peut entrainer la nullité d’une convention de forfait-jours [6].

2 - Les causes d’inopposabilité du forfait-jours.

Plusieurs causes peuvent rendre inopposables une convention de forfait-jours :

2.1. Absence d’écrit et des mentions obligatoires de la convention de forfait-jours.

Le forfait-jours est subordonné à la conclusion d’une convention établie par écrit entre l’employeur et le cadre [7].

En l’absence de convention écrite, le cadre peut alors obtenir l’inopposabilité ou la nullité du forfait [8].

En outre, cette convention doit préciser des mentions obligatoires, notamment le nombre de jours compris dans le forfait. À défaut, la Cour de cassation établit qu’est irrégulière une convention de forfait en jours avec un nombre imprécis sur l’année [9].

La Cour de cassation a jugé irrégulières des conventions de forfait-jours avec les indications suivantes :

  • Le nombre maximum de jour à travailler [10] ;
  • Une fourchette de jours travaillés en fonction des aléas calendaires [11] ;
  • Le nombre de jours non travaillés [12].

Ainsi, si une convention n’est pas signée, ou si elle omet des éléments obligatoires, le forfait-jours peut être déclaré inopposable au salarié.

2.2. Absence d’autonomie réelle du salarié.

Le forfait-jours est réservé aux salariés qui disposent d’une autonomie réelle dans l’organisation de leur emploi du temps [13].

Si le salarié concerné n’a pas suffisamment d’autonomie dans son travail (par exemple, s’il est soumis à des horaires stricts, un planning ou des directives constantes), le forfait-jours est inapplicable [14].

2.3. Non-respect des critères conventionnels pour bénéficier du forfait-jours.

Hormis la loi, les conventions collectives peuvent établir des critères pour bénéficier du forfait-jours. Un salarié qui ne remplit pas une condition fixée par l’accord collectif ne peut être soumis au forfait en jours, et ce même s’il dispose d’une autonomie dans l’organisation de son travail [15].

À titre d’illustration, il est possible de citer la CCN Bureaux d’études techniques, dite SYNTEC, qui ne rend possible le bénéfice du forfait-jours que pour les salariés qui relèvent au minimum de la position 3 de la grille de classification des cadres de ladite CCN ou d’une rémunération annuelle supérieure à deux PASS (plafond annuel de la Sécurité sociale).

En conséquence, le salarié qui ne remplit pas les critères définis par la loi et/ou l’accord collectif, peut obtenir l’inopposabilité de sa convention de forfait en jours.

3 - Les conséquences de la nullité ou de l’inopposabilité d’une convention de forfait-jours.

La nullité ou l’inopposabilité d’une convention de forfait-jours peut emporter plusieurs conséquences pour le cadre :

  • Bénéfice de la durée légale du travail, soit 35 heures par semaine [16] ;
  • Paiement d’heures supplémentaires [17] ;
  • Indemnité forfaitaire pour travail dissimulé [18].

En d’autres termes, le cadre est réputé avoir toujours été aux 35 heures hebdomadaires et il peut donc réclamer toutes les heures travaillées au-delà de 7 heures par jour, avec la majoration des heures supplémentaires (de 25% à 50%), plus les congés payés afférents (10%). Il peut même revendiquer une indemnité de travail dissimulé (6 mois de salaire brut).

Le cadre peut réclamer ses heures supplémentaires au titre des trois dernières années travaillées [19].

Avi Bitton, Avocat au Barreau de Paris, et Mayssa Zaiem, Juriste
https://www.avibitton.com

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Notes de l'article:

[1C. trav., art. L3121-63 ; Soc. 17 janv. 2018, n°16-15.124 P.

[2Soc., 9 mai 2018, no 16-26.910.

[3Art. L3121-64.

[4Soc., 16 juin 2021, n°19-20.582.

[5Soc., 10 janvier 20024, n°22-15.782 ; Soc., 27 mars 2024, n°22-17.078.

[6Soc. 14 mai 2014, n°12-35.033 et Soc. 27 mars 2019, n°17-18.725.

[7C. trav., art. L3121-55.

[8Soc., 19 juin 2019, n°17-31.523.

[9Soc., 18 mars 2020, n°18-20.098.

[10Soc., 12 février 2015, n°13-17.516.

[11Soc., 12 mars 2014, n°12-29.141.

[12Soc., 11 janvier 2011, n°09-42.325.

[13Article L3121-58 du Code du travail.

[14Soc., 15 décembre 2016, no 15-17.568.

[15Soc., 3 novembre 2011, n°10-14.637.

[16C. trav., art. L3121-27.

[17Soc., 31 janv. 2012, n°10-19.807.

[18Soc., 5 avr. 2018, no 16-22.599.

[19A titre d’exemple, le cabinet d’avocats Avi Bitton a récemment fait condamner l’entreprise L’Oréal à régler 55 000 Euros à une cadre au forfait jours au titre de ses heures supplémentaires.

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