ASL, AFUL et lotissements : cinq années de jurisprudence (3ème partie : 2020).

Par Jérôme Nalet, Avocat.

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En 2020, la Cour de Cassation a rendu plusieurs décisions importantes concernant les Associations Syndicales Libres (ASL), les Associations Foncières Urbaines Libres (AFUL) et les lotissements. Elle a précisé que les membres d'une ASL ou d'une AFUL ne peuvent agir en justice au nom de l'association ou en son lieu et place.
Description rédigée par l'IA du Village

Cet article est le troisième d’une série de cinq, tous consacrés à la jurisprudence récente de la Cour de Cassation en matière d’ASL, d’AFUL et de lotissements. Il traite des arrêts notables pour l’année 2020.

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L’année 2020 a commencé par une décision importante, publiée au Bulletin : celle rendue par la 3ème chambre civile le 23 janvier 2020, sous le n°19-11863. La Cour de Cassation y pose le principe suivant : le membre d’une ASL ou d’une AFUL (ou, plus largement, une entité comprise dans son périmètre) ne peut agir en justice au nom de celle-ci, ou en ses lieu et place. Si cette solution paraît cohérente, elle gagnerait à être précisée. En effet, la Haute juridiction n’indique pas s’il est possible d’y déroger conventionnellement (par exemple, en prévoyant dans les statuts que les membres de l’Association Syndicale Libre pourront agir à sa place, en cas de carence de celle-ci) et n’indique pas non plus les actions en justice qui sont concernées. Or, une impossibilité pure et simple d’agir, quelle que soit la procédure initiée, paraîtrait contraire à l’article 31 du Code de Procédure Civile, qui dispose que : « L’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé ».

Le 6 février 2020 (arrêt de la 3ème chambre civile, n°18-22043), la Cour de Cassation est venue préciser que la transformation d’une ASA (Association Syndicale Autorisée) en ASL (Association Syndicale Libre) nécessitait le consentement unanime des propriétaires intéressés constatés par écrit, conformément aux dispositions de l’article 7 de l’ordonnance du 1er juillet 2004. L’espèce est assez atypique, mais la solution s’avère à la fois logique et intéressante.

Cas de figure beaucoup plus classique, traité le 13 février 2020 (encore et toujours la 3ème chambre civile, n°19-10977) : la Cour de Cassation, comme elle l’a fait à de nombreuses reprises ces dernières années, rappelle que le cahier des charges d’un lotissement, quelle que soit sa date, approuvé ou non, constitue un document contractuel dont les clauses engagent les colotis entre eux pour toutes les stipulations qui y sont contenues.

Par ailleurs, l’arrêt rendu le 26 mars 2020 (3ème chambre civile, n°18-25744) se prononce à propos d’une ASL, dont on comprend que, du fait de sa « carence prolongée », elle a été soumise, par décision judiciaire, au statut de la copropriété des immeubles bâti de la loi du 10 juillet 1965. Le notaire désigné comme administrateur provisoire, en convoquant une assemblée générale de l’ASL, et non une assemblée générale du « syndicat de la copropriété du lotissement (…) », avait-il respecté sa mission ? En s’abstenant de répondre à cette question, la Cour d’Appel de Papeete encourt la cassation.

Dans son arrêt du 9 juillet 2020, la Cour de Cassation revient sur la notion de consentement unanime constaté par écrit, exigés à l’occasion de la création d’une ASL ou d’une AFUL, en rappelant qu’il est requis même lorsque les éléments communs doivent être transférés à l’administration (3ème chambre civile, n°19-15559).

Le 10 septembre 2020, il est question d’une action en recouvrement de charges (3ème chambre civile, n°19-14935). L’ASL en demande avait été déclarée une première fois irrecevable par jugement rendu le 7 septembre 2011. Elle a donc, à nouveau, assigné les débiteurs par acte en date du 17 février 2015. Conservait-t-elle le bénéfice de l’interruption de la prescription, du fait de sa première action ? La Cour de Cassation répond par la négative, faisant une application logique des dispositions de l’article 2243 du Code Civil, selon lequel : « L’interruption est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l’instance, ou si sa demande est définitivement rejetée ».

Autre arrêt, le 24 septembre 2020 (3ème chambre civile, n°19-14762). Il a été publié au Bulletin (ce qui, répétons-le, est une marque de son importance). Il traite d’une question récurrente : celle de l’articulation entre la mise en conformité des statuts d’une ASL ou d’une AFUL et sa capacité à agir en justice. Si l’exigence d’une mise en conformité effective des statuts de l’Association Syndicale Libre agissant en justice paraît justifiée, tout comme celle concernant l’accomplissement des formalités de déclaration en Préfecture et de publication au Journal Officiel, retenir le défaut de capacité d’ester au motif que la publication ne comporte pas un extrait des statuts n’était pas franchement cohérent. En effet, généralement, ce sont les services de la Préfecture qui se chargent de transmettre les statuts au Journal Officiel pour publication. Par conséquent, lorsque l’extrait des statuts fait défaut, ce n’est pas du fait de l’ASL ou de l’AFUL considérée… La Cour de Cassation avait pourtant retenu cette solution à deux reprises (Cass. 3ème Civ., 24 mars 2015, n° 13-26651 ; Cass. 3ème Civ., 19 novembre 2015, n°14-24473). L’arrêt du 24 septembre 2020 ne revient pas, du moins en apparence, sur cette position particulièrement stricte, mais il la limite de façon drastique. La Cour d’Appel d’Aix-en-Provence avait tiré les conséquences des arrêts de 2015 et dénié à une Association Syndicale Libre sa capacité à agir au motif de l’absence d’extrait des statuts dans l’acte de publication au Journal Officiel. Or, selon la Cour de Cassation, il convient désormais de réserver cette solution aux cas dans lesquels « les modifications apportées aux statuts [portent] sur les éléments - nom, objet et siège de l’association - devant faire l’objet d’une publication par extrait ».

Tout le contenu des statuts mais rien que les statuts : cela pourrait constituer un adage garantissant la régularité de l’assemblée générale d’une ASL ou d’une AFUL. Tout le contenu des statuts, car une assemblée générale est considérée comme irrégulière donc susceptible d’encourir l’annulation dès lors que les statuts n’ont pas été respectés. Ainsi par exemple de l’absence de qualité du Président de l’assemblée (Cass. 3ème civ., 8 octobre 2009, n° 08-19753) ou d’un membre du bureau (Cass. 3ème civ., 28 mars 2012, n° 10-28480), ou encore s’agissant du décompte des voix (Cass. 1ère civ., 27 juin 2000, n° 98-23193, Bull. civ. I, n° 196). Le seul fait de ne pas respecter les règles statutaires suffit, de sorte qu’aucun grief n’est à établir (Cass. 3ème civ., 21 juin 2006, n° 05-15752, Bull. civ. III, n° 156 ; Cass. 3ème civ., 14 juin 2018, n° 17-20692). Rien que les statuts, car l’absence d’inscription d’une question à l’ordre du jour malgré la demande formulée par l’un des membres de l’ASL ou de l’AFUL n’est pas une cause de nullité dès lors que les statuts ne comportent aucune stipulation en ce sens et alors qu’il n’est pas établi que cette omission ait eu une influence sur les autres votes (Cass. 3ème civ., 21 septembre 2011, n° 10-18788). Par ailleurs, les clauses qui fixent la majorité requise sans établir de distinction valent pour toutes les décisions, si graves soient-elles, dès lors qu’elles sont claires et précises (Cass. 3ème civ., 24 janvier 2001, n° 99-13942). La Cour de Cassation fait observer strictement ce principe consistant à ne pas ajouter aux statuts, quand bien même cela répondrait à des préoccupations légitimes, comme une juste et préalable information des membres de l’Association (Cass. 3ème civ., 14 novembre 2019, n°18-22739). L’arrêt rendu le 1er octobre 2020 (3ème chambre civile, n°19-21294) appartient à la première catégorie (tout le contenu des statuts) et vient en quelque sorte l’illustrer par l’absurde, tant l’inobservation des statuts et ses conséquences paraissaient minimes. Ainsi que le rappelle l’arrêt, l’article 15 des statuts de l’ASL Les Cristallines prévoit que les convocations aux assemblées générales « sont faites individuellement, au moyen de lettres recommandées aves demande d’avis de réception envoyées à chaque membre et à la dernière adresse connue ou de lettres simples remises contre émargement ». Or, en l’espèce, la convocation avait été simplement déposée dans la boîte aux lettres des membres concernés (Monsieur et Madame Woumeini) après qu’ils aient refusé une remise en mains propres contre émargement. Pour la cour d’appel, dans la mesure où ils avaient eux-mêmes produit la convocation litigieuse, il ne pouvait y avoir aucune irrégularité de forme. Au-delà de l’absence de grief, les seconds juges ont-ils (au moins implicitement) reproché aux époux Woumeini de se prévaloir de leur propre turpitude ? Ils sont en tout cas sanctionnés par la Cour de Cassation, au seul constat que la convocation n’avait pas été adressée « selon l’une des deux modalités prévues par les statuts ».

Le 12 novembre 2020 (3ème chambre civile, n°19-23160) a été rendu un autre arrêt assez important, lui aussi publié au Bulletin. Il concerne la cession gratuite des voiries et de l’aire de jeux d’un lotissement au profit d’une ASL, sachant qu’au départ, deux propriétaires distincts avaient réalisé sous lotissement est prévu la cession de certains terrains à la future Association Syndicale Libre. Ceci, en 1980, alors que l’ASL n’a été constitué en 1985 et qu’elle n’a agi en régularisation forcée de la cession qu’en 2015. Une telle action était-elle prescrite ? Non, répond la Cour de Cassation, puisque l’action en revendication de propriété est imprescriptible (article 2227 du Code Civil). Par ailleurs, une telle stipulation pour autrui était-elle valable, alors que l’ASL n’existe pas encore en 1981 ? Oui, répond la Cour de Cassation, puisque « cette dernière était le bénéficiaire identifiable » de la stipulation pour autrui.

Par ailleurs, le 26 novembre 2020 (3ème chambre civile, n°19-15957), la Cour de Cassation a rappelé que la seule reproduction ou mention d’un document d’urbanisme ou d’un règlement de lotissement dans un cahier des charges, un acte ou une promesse de vente ne confère pas à ce document ou règlement un caractère contractuel.

Nous venons de parler, plus haut, de la question de l’interruption de la prescription. Mais qu’en est-il, justement, de l’interruption du délai d’appel ? Rappelons que deux arrêts non publiés de la 3ème chambre civile de la Cour de Cassation, rendus le 12 avril 2018 (n°16-21690 et 16-21691), avaient jugé que le défaut de capacité d’ester d’une ASL constituait une irrégularité de fond entachant l’acte d’appel et qui ne pouvait être régularisée après l’expiration du délai d’appel. C’est ce qu’avait retenu la Cour d’Appel de Nîmes, déclarant une AFUL irrecevable en son appel, faute d’avoir mis ses statuts en conformité et effectué les formalités de déclaration et de publication imposées par l’ordonnance du 1er juillet 2004 avant l’expiration du délai d’appel. L’arrêt d’appel, daté du 25 avril 2019, est cassé par décision en date du 3 décembre 2020 (n°19-20259). Pour les magistrats du quai de l’Horloge, en effet, le défaut de capacité à agir d’une ASL ou d’une AFUL constitue un vice de procédure auquel il peut être remédié jusqu’à ce que le juge statue. Faut-il y voir une hésitation ou bel et bien un revirement ? L’arrêt du 3 décembre 2020, contrairement à ceux du 12 avril 2018, a été publié au Bulletin. Au surplus, il cite expressément un arrêt de principe rendu sur le sujet par la 2ème chambre civile le 1er juin 2017 (n°16-14300), ce qui ne laisse aucun doute, sur le fait que, désormais, le défaut de capacité à agir d’une ASL ou d’une AFUL doit être considéré comme un vice de procédure susceptible d’être régularisé jusqu’au moment où le juge statue, y compris en cause d’appel. Cela est d’ailleurs cohérent par rapport à la solution retenue antérieurement s’agissant d’autres actes de procédure (Civ. 3ème, 5 novembre 2014, 13-21014 ; Cass. 2e civ., 27 septembre 2018, n°17-24467 et 17-24469).

Le 17 décembre 2020, nouvel arrêt à propos de la notion de consentement unanime (3ème chambre civile, n°19-20903). Cette fois, la Cour de Cassation confirme la solution (déjà retenue à plusieurs reprises antérieurement) selon laquelle le fait que ce consentement unanime doive être constaté par écrit ne signifie pas nécessairement que cela soit de façon expresse : il peut être établi indirectement, résultant par exemple des stipulations de l’acte de vente et de ses annexes.

Enfin, à la même date (3ème chambre civile, n°19-23520), un arrêt intéressant a été rendu, sur la question de la démolition d’un ouvrage édifié en violation du cahier des charges. Mais sa portée doit être minorée, puisqu’il se base sur les dispositions applicables antérieurement à la réforme du droit des contrats issue de l’ordonnance du 10 février 2016. La Cour de Cassation y juge que la démolition doit être ordonnée si l’impossibilité d’exécuter une telle mesure n’est pas établie. Ce n’est plus forcément vrai depuis le 13 juillet 2022 et un arrêt sur lequel je reviendrai dans un article à venir.

Jérôme Nalet
Droit Immobilier
Barreau de Versailles
Avocat Associé au sein de la Selarl Lyveas Avocats
http://www.nalet-avocat.com/
https://www.lyveas.fr/

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  • par KISTER Philippe , Le 1er janvier 2024 à 12:04

    Merci Me NALET,

    Il serait bon que les syndics de copropriété suivent une formation sur les ASL d’au moins une semaine, plutôt que les 7 heures avec repas et café et qu’on leur remette un diplôme de certification qui fait bien devant les pauvres membres des ASL qui ne comprennent pas qu’on leur fassent digérer des règles de la loi du 10 juillet 1965, alors que celle-ci ne s’applique pas.
    Il y en a même qui dirige des indivisions avec la loi du 10 juillet 1965 ! Alors que l’indivision n’est pas une personne morale et n’a pas la personnalité juridique.

    Merci encore pour la clarté de vos articles.
    Philippe KISTER

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