Dans le contexte de la refonte des polices administratives spéciales de lutte contre l’habitat indigne par l’ordonnance du 16 septembre 2020, entrée en vigueur au 1er janvier 2021, il sera revenu ci-après sur les différentes procédures susceptibles d’être mises en œuvre par le maire et sur les garanties qu’elles offrent aux propriétaires des immeubles.
A noter que lorsqu’une procédure a commencé avant le 1er janvier 2021 en conformité avec les dispositions alors en vigueur, sans qu’un arrêté ait été notifié, elle se poursuit après le 1er janvier 2021 selon les règles applicables à compter de cette date.
A l’initiative de la procédure.
Toute personne ayant connaissance de faits révélant des risques présentés par les murs, bâtiments ou édifices quelconques qui n’offrent pas les garanties de solidité nécessaires au maintien de la sécurité des occupants et des tiers, un fonctionnement défectueux ou le défaut d’entretien des équipements communs d’un immeuble collectif à usage principal d’habitation, lorsqu’il est de nature à créer des risques sérieux pour la sécurité des occupants ou des tiers ou à compromettre gravement leurs conditions d’habitation ou d’utilisation ou l’insalubrité, (article L511-2 du Code de la construction et de l’habitation) signale ces faits à l’autorité compétente, qui met en œuvre, le cas échéant, les pouvoirs de police (le maire ou le préfet selon les cas).
L’autorité compétente peut faire procéder à toutes visites qui lui paraissent utiles afin d’évaluer les risques (art. L511-7 du CCH).
Toutefois, lorsque les lieux sont à usage total ou partiel d’habitation, les visites ne peuvent être effectuées qu’entre 6 heures et 21 heures. L’autorisation du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire dans le ressort duquel sont situés ces lieux est nécessaire lorsque l’occupant s’oppose à la visite ou que la personne ayant qualité pour autoriser l’accès aux lieux ne peut pas être atteinte.
La possibilité offerte à l’autorité administrative de saisir la juridiction administrative d’une demande d’expertise (art. L511-9 du CCH)
Préalablement à l’adoption de l’arrêté de mise en sécurité, l’autorité compétente peut demander à la juridiction administrative la désignation d’un expert afin qu’il examine les bâtiments, dresse constat de leur état y compris celui des bâtiments mitoyens et propose des mesures de nature à mettre fin au danger. L’expert se prononce dans un délai de vingt-quatre heures à compter de sa désignation.
Il existe alors deux alternatives :
Le rapport de l’expert préconise des mesures de mise en sécurité conclut à un péril ordinaire. Le maire met alors en œuvre la procédure de péril ordinaire, qui est contradictoire ;
Si le rapport de l’expert conclut à l’existence d’un danger imminent, l’autorité compétente utilise la procédure d’urgence.
Il sera revenu sur ces deux procédures et sur la question de la démolition d’un immeuble par une Commune dans chacun de ces cadres.
Sur la procédure ordinaire.
L’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité est pris à l’issue d’une procédure contradictoire avec la personne qui sera tenue d’exécuter les mesures, à savoir le propriétaire.
Lorsque les travaux prescrits ne concernent que les parties communes d’un immeuble en copropriété, la procédure contradictoire est valablement conduite avec le seul syndicat de copropriétaires représenté par le syndic qui en informe immédiatement les copropriétaires (art. L511-10 du CCH)
L’autorité compétente prescrit, par l’adoption d’un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité, la réalisation, dans le délai qu’elle fixe, de celles des mesures suivantes nécessitées par les circonstances (art. L511-11 du CCH) :
1. La réparation ou toute autre mesure propre à remédier à la situation y compris, le cas échéant, pour préserver la solidité ou la salubrité des bâtiments contigus ;
2. La démolition de tout ou partie de l’immeuble ou de l’installation ;
3. La cessation de la mise à disposition du local ou de l’installation à des fins d’habitation ;
4. L’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux, à titre temporaire ou définitif.
L’arrêté mentionne d’une part que, à l’expiration du délai fixé, en cas de non-exécution des mesures et travaux prescrits, la personne tenue de les exécuter est redevable du paiement d’une astreinte par jour de retard, et d’autre part que les travaux pourront être exécutés d’office à ses frais.
Plusieurs garanties sont ici prévues pour le propriétaire :
Le délai d’exécution des mesures de réparation ou de démolition ne peut être inférieur à un mois à compter de la date de la notification de l’arrêté, sauf dans le cadre de la procédure d’urgence (art. R511-6 du CCH) ;
- L’arrêté ne peut prescrire la démolition ou l’interdiction définitive d’habiter que s’il n’existe aucun moyen technique de remédier à l’insalubrité ou à l’insécurité ou lorsque les travaux nécessaires à cette résorption seraient plus coûteux que la reconstruction.
- A noter en outre que lorsque l’immeuble ou le logement devient inoccupé et libre de location après la date de l’arrêté pris sur le fondement du premier alinéa, dès lors qu’il est sécurisé et ne constitue pas un danger pour la santé ou la sécurité des tiers, la personne tenue d’exécuter les mesures prescrites n’est plus obligée de le faire dans le délai fixé par l’arrêté.
Lorsque les travaux ont été réalisés, l’autorité compétente constate la réalisation des mesures prescrites ainsi que leur date d’achèvement et prononce la mainlevée de l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité et, le cas échéant, de l’interdiction d’habiter, d’utiliser, ou d’accéder aux lieux (art. L511-14 du CCH).
Lorsque les mesures et travaux prescrits par l’arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l’insalubrité n’ont pas été exécutés dans le délai fixé et sauf dans le cas où l’immeuble est inoccupé et sécurisé, la personne tenue de les réaliser est redevable d’une astreinte dont le montant, sous le plafond de 1 000 euros par jour de retard, est fixé par arrêté de l’autorité compétente en tenant compte de l’ampleur des mesures et travaux prescrits et des conséquences de la non-exécution [1].
Il est aussi possible à l’autorité administrative de faire procéder à leur exécution d’office, aux frais du propriétaire [2].
Toutefois, en cas de démolition, elle ne peut faire procéder à la démolition prescrite que sur jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond, rendu à sa demande.
Sur la procédure d’urgence [3].
En cas de danger imminent, manifeste ou constaté par le rapport mentionné à l’article L511-8 du CCH ou par l’expert désigné en application de l’article L511-9 du CCH, l’autorité compétente ordonne par arrêté et sans procédure contradictoire préalable les mesures indispensables pour faire cesser ce danger dans un délai qu’elle fixe.
La différence entre la procédure ordinaire et la procédure d’urgence porte principalement sur le caractère contradictoire de l’arrêté de mise en sécurité.
Lorsqu’aucune autre mesure ne permet d’écarter le danger, l’autorité compétente peut faire procéder à la démolition complète, mais seulement après y avoir été autorisée par jugement du président du tribunal judiciaire statuant selon la procédure accélérée au fond.
Dans le cas où les mesures prescrites n’ont pas été exécutées dans le délai imparti, l’autorité compétente les fait exécuter d’office (art. L511-20).
Deux cas de figures se présentent alors :
Si les mesures ont mis fin durablement au danger, l’autorité compétente prend acte de leur réalisation et de leur date d’achèvement. Elle prend un arrêté de mainlevée conformément à l’article L511-14 [4].
Si elles n’ont pas mis fin durablement au danger, l’autorité compétente poursuit la procédure dans les conditions prévues pour la procédure ordinaire.
Ainsi, l’ordonnance de 2020 codifie la jurisprudence suivant laquelle
« lorsqu’il agit sur le fondement de l’article L511-3 afin de faire cesser un péril imminent, le maire doit se borner à prescrire les mesures provisoires nécessaires pour garantir la sécurité » [5].
Autrement dit « la démolition d’un immeuble n’est pas au nombre des mesures provisoires pouvant être prises sur ce fondement » (même référence).
En effet, il résulte « de l’objet de la mesure qui est la démolition d’un immeuble par exécution forcée » qu’il n’appartient qu’au juge judiciaire, « gardien de la propriété privée », d’autoriser le maire à procéder d’office à la démolition d’un immeuble menaçant ruine [6].
Un arrêt mentionné aux tables du recueil Lebon indique en effet que
« l’illégalité résultant de la prescription, sur le fondement de l’article L511-3 du Code de la construction relatif à la procédure de péril imminent, d’une mesure de démolition d’un immeuble touche au champ d’application de la loi et constitue un moyen d’ordre public que le requérant peut soulever à tout moment et que le juge doit soulever d’office » [7].
Les « garanties des propriétaires » s’en trouvent être renforcées puisque « les frais de démolition ne pourraient pas être mis à la charge du propriétaire »
Ce n’est que dans une situation d’extrême urgence et lorsque la seule solution pour assurer la sécurité publique est la démolition de l’immeuble, que le maire ne peut faire usage que de ses pouvoirs de police administrative générale et prescrire la démolition.
Mais ces situations demeurent tout à fait exceptionnelles ; c’est notamment le cas lorsque l’immeuble devient soudainement dangereux, à la suite d’un incendie par exemple (CE, 10 octobre 2005, n° 259205 : au demeurant dans cette affaire, les frais « ont été pris en charge par la commune »).
Il résulte de ce qui précède que la démolition d’office d’un bâtiment par une autorité administrative sans autorisation préalable du juge constitue une voie de fait [8].
Si elle entreprend des mesures provisoires, la Commune doit justifier par une urgence particulière le fait de ne pas recourir à la possibilité qui lui est donnée par l’article L511-3 du CCH permettent à l’autorité administrative, après désignation par le tribunal administratif d’un expert appelé à se prononcer dans un délai de 24 heures, de prendre des mesures provisoires [9].
Une commune qui fait procéder d’office aux travaux prévus par un arrêté de péril ne peut pas obtenir le remboursement de ceux-ci par le propriétaire si l’arrêté a été annulé au motif qu’il a été pris à l’issue d’une procédure irrégulière [10].
A contrario, comme l’a rappelé la Cour de cassation récemment [11], l’arrêté de péril étant exécutoire dès sa notification et le recours formé à son encontre devant la juridiction administrative n’ayant point d’effet suspensif, le juge judiciaire, saisi par le maire sur le fondement de l’article L511-2, V, du CCH, peut ordonner la démolition, nonobstant l’existence d’un recours.
Discussion en cours :
Le texte et les références ne sont pas à jour. Par un arrêt du 26/10/2022 N° n° 21-12.674 et publié au bulletin, la Cour de cassation a reconnu le droit de la commune de mettre à la charge de la copropriété le cout des travaux d’office exécutés en application d’un arrêté de péril annulé par le TA, sur le fondement de l’enrichissement sans cause. C’est donc un retournement de jurisprudence " Commune de Marmande"