Appréciation par l’agent immobilier des conditions suspensives lors d’une vente immobilière.

Par Pascal Bellanger, Avocat.

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Explorer : # conditions suspensives # obligations de l'agent immobilier # rédaction des contrats # financement immobilier

Dans le cadre de la rencontre des volontés, l’agent immobilier doit s’interroger sur les conditions de l’offre et apprécier celles qui doivent être mentionnées dès l’offre d’achat.

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L’agent immobilier, lorsqu’il participe à la rencontre des volontés entre l’acquéreur et un vendeur, a à l’égard du vendeur, une obligation de conseil et de diligences de nature contractuelle, tout comme il a, à l’égard de l’acquéreur, une obligation d’information loyale.

Il ne peut se contenter pour finaliser la vente, de recueillir une offre et de transmettre celle-ci au vendeur, puis en cas d’acceptation, de retourner celle-ci, à l’acquéreur donneur d’ordre.

Il doit également envisager les modalités de l’offre (autres que le prix et la détermination du bien commercialisé) qui peuvent présenter des particularités lorsqu’il existe des conditions.

Il est en effet fréquent que l’offre soit effectuée sous condition suspensive.

L’article 1304 du Code Civil définit la condition comme un « événement futur et incertain ».

Il existe deux types de conditions : suspensive ou résolutoire.

La première suspend simplement la réalisation du contrat dont les effets sont retardés jusqu’à ce que la condition soit réalisée ou non.

Dans l’hypothèse d’une condition suspensive, le vendeur ou l’acquéreur signe un contrat mais ignore, si celui-ci sera définitivement exécuté en raison de l’existence d’une condition.

La seconde, la condition résolutoire est celle dont la réalisation entraîne l’anéantissement du contrat.

Dans cette hypothèse, un vendeur ou un acquéreur signe un acte qui peut être annulé si une condition venait à se réaliser.

A priori, il s’agit d’une hypothèse qu’un agent immobilier rencontrera peu en pratique, sauf lorsqu’il existe un droit de préemption ou un pacte de préférence.

Seule la condition suspensive intéresse véritablement, l’agent immobilier qui devra lorsqu’il participe à l’établissement de l’accord des parties, déterminer les conditions qu’il doit éventuellement préconiser engageant sa responsabilité, si l’offre et l’acceptation ne sont pas le reflet de l’intention des parties à la contractualisation.

En effet en pratique, pour l’agent immobilier, la principale condition qu’il va rencontrer, est celle de l’obtention d’un prêt immobilier dont on ignore au moment de l’offre, s’il sera accepté ou non.

I - La Condition.

La condition est par nature, un événement incertain, susceptible de se produire non.

Cette condition doit naturellement être importante et de nature à influer sur la décision de vente ou d’acquisition des parties.

En pratique, il existe des conditions usuelles que les rédacteurs prévoient au compromis ou à la promesse de vente telles que l’état de la situation juridique du bien, l’existence de servitudes déterminantes ou encore des prescriptions d’urbanisme pouvant être de nature à entraîner le renoncement de l’acquéreur.

Ces conditions usuelles ne figurent en principe pas au niveau de l’offre.

En revanche, les conditions de financement de l’acquisition sont à déterminer avec précision dès l’établissement de l’offre.

L’agent immobilier intervenant, par nature, lors de cette contractualisation, doit s’interroger sur le financement et le cas échéant, sur la rédaction de la condition suspensive d’obtention des prêts immobiliers.

Du reste, lorsqu’il n’existe pas de financement par un tiers, l’agent immobilier fait préciser à l’offre que le financement est prévu sur fonds propres ou au comptant sans recours à un prêt immobilier.

C’est l’autre hypothèse, à savoir l’insertion d’une condition à l’acte qui doit être étudié puisque le vendeur doit avoir connaissance des modalités de financement envisagées avant d’accepter l’offre.

Il a du reste toute latitude pour refuser celle-ci, s’il est prévu un financement au titre d’un prêt immobilier, par nature aléatoire.

Outre le financement, il peut exister de nombreuses conditions dont il ne peut être que conseillé à l’agent immobilier, de les mentionner succinctement à l’offre.

Pour la vente d’un terrain nu, il est recommandé d’indiquer la condition suspensive d’obtention d’un permis de construire.

Si le bien cédé appartient tout ou partie à un mineur ou majeur protégé, il faut rappeler à l’offre que l’obtention d’une autorisation du juge des tutelles sera sollicitée, même si cela n’est pas véritablement une condition mais une condition de validité de la transaction.

Il existe des conditions qui sont interdites.

Naturellement, la condition ne doit pas être illicite et avoir de pour objet de contourner la loi.

Elle ne doit pas plus être potestative (même si cette dénomination a disparue depuis la réforme du droit des obligations de 2016), c’est-à-dire ne dépendre de la seule volonté que de la partie qui s’engage.

La jurisprudence a sanctionné des contrats où il existait des conditions comme celle de faire dépendre le versement du prix de la revente du bien par lots, dans l’hypothèse d’une vente dans le cadre d’une opération de promotion immobilière.

Les juridictions ont également annulé un contrat ou le prix variait en fonction de la surface de construction du bien à réaliser, surface qui dépendait de la volonté de l’acquéreur en fonction de l’autorisation sollicitée.

Pour l’agent immobilier, au niveau de la contractualisation de l’offre et de l’acceptation, si les parties trouvent un accord susceptible d’être exorbitant de ce qu’ils rencontrent habituellement et qui lui semble ne dépendre que la décision d’une des deux parties, il doit l’exclure de l’offre ou refuser de participer à l’établissement de celle-ci.

Si une clause qui dépend de la volonté de celui qui s’engage est à éviter, a priori, les clauses suspensives qui dépendent de la volonté d’un tiers ne sont pas prohibées.

En matière de promotion immobilière, la vente d’une parcelle sous condition suspensive d’acquisition des parcelles voisines a été jugée valide, puisque les acquisitions accessoires dépendent de la volonté d’un tiers.

L’existence de conditions matérielles, autre que celle d’obtention des prêts usuelle pour le professionnel, est donc un problème à apprécier par l’agent immobilier au cas par cas.

Dès que la vente est sujette à conditions, l’agent immobilier, tant au titre de son devoir de conseil, que de son devoir d’information et de diligences, devra s’assurer de la licéité de la condition et être particulièrement vigilant dans la rédaction de celle-ci.

II - La rédaction de la condition.

Les parties, tout comme le rédacteur, ont intérêt à ce que la condition soit déterminée avec précision et que la rédaction de celle-ci à l’offre puis au compromis ne laisse place à aucune ambiguïté.

En effet la clause doit comporter une information réciproque tant pour l’acquéreur, que pour le vendeur, de nature à éviter toute contestation ultérieure.

Au niveau de l’offre, il y a simplement à mentionner l’existence d’une condition et de décrire succinctement celle-ci, puisque les modalités pratiques seront fixées par le compromis où la promesse unilatérale de vente et seront de la responsabilité du rédacteur de l’avant-contrat.

En pratique, le rédacteur du compromis, que ce soit le notaire où l’agent immobilier, va décrire les obligations respectives des parties, ainsi que les démarches à accomplir par chacune des parties, les délais dans lesquels celles-ci vont être enfermées ainsi que les modalités justifiant de l’accomplissement des démarches et les éventuelles sanctions pour défaut d’accomplissement de celles-ci.

Figurera à la condition, la fixation d’un délai pour la réalisation de celle-ci, c’est-à-dire la date butoir pour la levée de la condition.

Ce délai est extrêmement important dans la mesure où l’usage veut que lorsqu’un délai est prévu pour la réalisation d’une condition suspensive, si la condition n’est pas accomplie à la date prévue, la promesse est caduque, même si en pratique, les tribunaux acceptent de faire produire des effets à des conditions accomplies après la date convenue pour la signature de l’acte authentique.

Ces délais sont fixés en fonction de la pratique des banques pour les prêts immobiliers ou celle des collectivités locales en matière d’urbanisme, le rédacteur devant penser aux éventuels délais complémentaires sollicités par une mairie afin d’éviter que la caducité ne soit encourue.

Naturellement, les parties peuvent proroger les délais, ce qui est souvent le cas en pratique notamment lorsque des difficultés sont rencontrées en matière d’urbanisme au niveau des permis de construire.

IL conviendra également de ne pas omettre les modalités pour faire jouer la caducité à défaut de respect du délai, mais ces questions ne concernent que le rédacteur d’acte et non l’agent immobilier non rédacteur qui n’intervient que lors de la rédaction de l’offre.

III - L’accomplissement de la condition.

Quand l’événement conditionnel intervient dans le délai de réalisation, la condition est réputée accomplie.

Lorsque l’événement attendu ne s’est pas produit avant l’expiration du délai de réalisation, la condition est réputée défaillante.

En cas de défaillance, par exemple la non-obtention d’un prêt immobilier, il incombe à l’acquéreur d’informer le cocontractant de la défaillance, mais s’il ne fait pas immédiatement et n’en informe qu’aux termes du délai, il ne commet aucune faute.

En pratique, les rédacteurs feront figurer aux compromis ou à la promesse unilatérale de vente, une clause faisant peser sur le bénéficiaire de la condition suspensive, une obligation de justifier de la défaillance ou de la réalisation de la condition

Si le bénéficiaire de la clause commet une faute en n’accomplissant pas les démarches nécessaires pour que soit réalisé la condition suspensive, il peut être considéré que la condition est réputée réalisée.

Ce sera le cas d’un acquéreur qui ne justifie d’aucune formalité pour l’obtention du prêt dans le délai fixé ou qui forme une nouvelle demande de prêt à l’expiration du délai organisant un rejet quasi immédiat de son dossier.

Ce pourrait être également le cas d’un acquéreur qui n’effectue pas une demande de prêt conforme aux caractéristiques définies par la promesse et n’établit pas que sa demande est bien conforme aux clauses figurant aux compromis.

Quoiqu’il en soit, si la condition n’est pas réalisée, le contrat est considéré comme n’ayant jamais existé (caducité).

Si l’acquéreur a versé un acompte sur le prix de vente au titre d’une clause de dédit, il doit lui être restitué.

Si la défaillance de la condition est consécutive d’une faute du bénéficiaire de la condition, il existe la possibilité pour le vendeur de solliciter des dommages intérêts, même si en pratique, la modicité des sommes en jeu, fait que ce type de procédure est fort peu usité.

En effet, le vendeur préférera retrouver rapidement sa liberté de vendre l’immeuble à un tiers, afin d’éviter les complications que pourrait entraîner une éventuelle demande de vente forcée.

Pour l’agent immobilier, la conséquence est que lorsque la condition suspensive n’est pas réalisée, il ne peut prétendre à aucune commission puisque l’opération de vente n’a pas été conclue, et ce sur le principe de la loi du 2 janvier 1970 dite Hoguet.

Si une procédure est initiée quant à l’indemnisation du préjudice du vendeur pour une faute de l’acquéreur à l’occasion de la défaillance de la condition suspensive, l’agent immobilier n’a pas la possibilité de solliciter le paiement sa commission mais a la possibilité d’assigner le responsable en responsabilité pour être indemnisé à hauteur du préjudice subi.

Il pourra se joindre à la procédure effectuée par le vendeur avec lequel il est contractuellement lié par le mandat.

Naturellement, si la condition est accomplie, la vente se poursuit et l’agent immobilier bénéficiera légitimement de sa commission lors de la réalisation de la vente par acte authentique.

Il faut préciser également que si la condition suspensive n’est pas réalisée, le bénéficiaire de celle-ci peut toujours renoncer à la condition stipulée dans l’acte.

Ce pourrait être le cas, par exemple d’un terrain nu pour lequel le permis de construire a été refusé, l’acquéreur préférant aller au terme de son projet se chargeant de modifier celui-ci en conformité avec les règles d’urbanisme applicable.

Il peut également renoncer à la condition suspensive d’obtention d’un prêt immobilier, par exemple, s’il utilise ses fonds propres pour l’achat plutôt que pour des travaux.

A priori, l’agent immobilier n’a pas d’influence sur le jeu des conditions suspensives qui dépendent de tiers (banques, mairie, etc..).

Il doit cependant assurer un suivi du calendrier des démarches tel que prévu au compromis pour que son mandant ne lui reproche pas en cas d’incident un défaut de vigilance.

Il s’en déduit que même si la mission d’entremise de l’agent immobilier est fructueuse dès la rencontre des volontés, il ne doit pas négliger ni la rédaction des conditions à l’offre, ni le suivi d’exécution de celle-ci sous peine de voir échouer la transaction, seule cause de sa rémunération.

Pascal Bellanger
Avocat au Barreau de Nîmes

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