Aide juridique et décret du 12 juin 2023 : entre cohérence et prise en compte de réalités particulières ? Par Patrick Lingibé, Avocat.

Extrait de : Jurisguyane

Aide juridique et décret du 12 juin 2023 : entre cohérence et prise en compte de réalités particulières ?

Par Patrick Lingibé, Avocat.

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Explorer : # aide juridictionnelle # rétribution des officiers ministériels # nouvelle-calédonie # décret du 12 juin 2023

Cet article commente le décret n° 2023-457 du 12 juin 2023 portant diverses dispositions en matière d’aide juridique.

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Un décret n° 2023-457 du 12 juin 2023 portant diverses dispositions en matière d’aide juridique a été publié au Journal Officiel du mercredi 14 juin 2023.

Pris en partie pour l’application de l’article 36 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et de l’article 50 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, ce texte de 13 articles poursuit trois objectifs.

Le premier objectif est la revalorisation de la rétribution au titre de l’aide juridictionnelle perçue par les officiers publics ou ministériels (commissaires de justice, notaires, avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation et greffiers de tribunaux de commerce).

Il fait l’objet de l’article 1er du décret du 12 juin 2023.

Cette rétribution versée par l’Etat aux avocats au Conseil d’Etat et à la Cour de cassation qui prêtent leur concours devant ces juridictions ou le Tribunal des conflits au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle passe de 382 euros actuellement à 573 euros hors taxes à compter du 1er juillet 2023.

Cette rétribution est de 173 euros hors taxes en cas de demande de sursis à exécution d’une décision juridictionnelle. Elle passe de 153 euros à 230 euros euros hors taxes en cas de demande adressée au juge des référés à compter du 1er juillet 2023.

Elle passe de 191 euros à 287 euros hors taxes en cas d’intervention dans la procédure de saisine pour avis du Conseil d’Etat ou de la Cour de cassation.

L’article 95 modifié par le décret du 12 juin 2023 revoit également les rétributions concernant les actes accomplis.

La rétribution versée par l’Etat aux huissiers de justice et aux commissaires de justice qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle passe de 10 euros à 15 euros hors taxes par acte effectivement délivré.

Elle passe de 22 euros à 33 euros hors taxes par procès-verbal, pour la transmission de la demande de signification ou de notification dans un Etat étranger ou pour l’exécution d’une décision relative à l’exercice de l’autorité parentale.

Toutefois, cette indemnité passe de 42 euros à 63 euros hors taxes pour l’exécution d’une décision ordonnant une expulsion et du montant de la rétribution mentionnée à la rubrique IV. 6 de l’annexe I du présent décret pour la procédure de distribution des deniers.

Pour les commandements aux fins de saisie, il est ajouté à l’indemnité prévue à l’alinéa premier les trois quarts du droit d’engagement de poursuites prévu par le tarif des huissiers de justice en matière civile et commerciale.

Les indemnités prévues au présent article sont majorées de 6 euros hors taxes lorsque les copies de pièces sont établies par l’huissier de justice pour être annexées à l’acte ou au procès-verbal.

Ces mêmes indemnités sont indépendantes du remboursement des frais de transport, des frais d’affranchissement des correspondances postales prévues à l’article 116 et des frais postaux engagés aux fins de notification à l’étranger.

Le deuxième objectif vise à tirer les conséquences des modifications apportées à la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique d’une part par l’article 36 de l’ordonnance n° 2022-544 du 13 avril 2022 relative à la déontologie et à la discipline des officiers ministériels et d’autre part par l’article 50 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire qui a étendu l’application des dispositions relatives à l’accès au droit à la Nouvelle-Calédonie.

Il convient de rappeler que la Nouvelle-Calédonie n’est pas une collectivité territoriale au sens de l’article 72 de la Constitution et fait l’objet de deux articles 76 et 77 de la Constitution du titre provisoire XIII. C’est une collectivité de nature constitutionnelle par rapport aux autres collectivités territoriales qui sont de nature législative.

L’article 8 du décret détermine la composition du conseil d’administration de l’accès au droit de la Nouvelle-Calédonie qui a son siège à Nouméa.

L’accès au droit calédonien a une particularité : l’Etat n’intervient en matière d’aide juridictionnelle que dans le domaine pénal, le volet civil relevant de la seule compétence du gouvernement de Nouvelle-Calédonie. Nous retrouvons cette même situation pour la Polynésie française qui est régie par l’article 74 de la Constitution.

Le troisième objectif de ce décret est d’opérer quelques ajustements et actualisations de certaines dispositions relatives à l’aide juridictionnelle et en particulier celle relatives au barème de rétribution des avocats au titre de l’aide juridictionnelle, y compris en Nouvelle-Calédonie et à Wallis-et-Futuna.

Pour rappel, la collectivité de Wallis-et-Futuna, régie par la loi n° 61-814 du 29 juillet 1961, est la collectivité la moins décentralisée de la République. En effet, ce territoire d’outre-mer ne dispose pas d’une autorité exécutive locale décentralisée : l’administrateur supérieur qui représente l’Etat localement est également le chef du territoire qui comprend une assemblée territoriale [1].

Par ailleurs, le décret du 12 juin 2023 comporte plusieurs articles qui mettent ainsi à jour le tableau fixant la contribution de l’Etat à la rétribution des avocats qui prêtent leur concours au bénéficiaire de l’aide juridictionnelle totale. Cette rétribution est déterminée en fonction du produit de l’unité de valeur fixée par la loi de finances en fonction de coefficients par nature de mission d’assistance et/ou de représentation.

Les articles 3, 4 et 5 du décret de 2023 apportent notamment des modifications de nomenclature dans une optique de clarification.

Les articles 6 et 7 du décret de 2023 modifient le barème du décret du 28 décembre 2020 afin d’intégrer la réalité de missions assumées par les avocats et qui n’étaient pas pris en compte à ce jour. Ils instituent une cohérence tant sur la forme que sur le fond de ces missions.

L’article 6 a) du décret modifie le tableau 2 de l’annexe I du décret du 28 décembre 2020. Il créé ainsi une ligne VII. 5. relative une mission spécifique de l’interrogatoire de première comparution criminelle (IPC Criminel). En effet, jusqu’à ce texte, cette mission d’assistance était curieusement rattachée à la mission d’interrogatoire de première comparution correctionnel (IPC correctionnel).

L’article 6 b) modifie la mission VIII 3 pour couvrir toutes les hypothèses de débat pour les mineurs.

L’article 7 modifie le tableau 4 de l’annexe 1 du décret du 28 décembre 2020 en instituant une indemnisation concernant les recours contre les conditions indignes de détention.

L’article 12 du décret dispose que les dispositions de ce décret entrent en vigueur à compter du jeudi 15 juin 2023, sauf celles de l’article 1er, de l’article 7 et d’une partie des dispositions de l’article 11 qui sont différées et entreront en vigueur seulement le 1er juillet 2023.

Il faut savoir que ce décret reprend directement de nombreux travaux qui ont été menés par la Commission Accès au droit du Conseil national des barreaux. Cette commission, présidée par Madame le bâtonnier Bénédicte Mast, ancien bâtonnier de Coutance, comprend, outre certains membres de l’institution représentative, des membres provenant également et notamment de la Conférence des Bâtonniers de France, du barreau de Paris, de l’Union nationale des CARPA.

Cette composition riche et élargie permet donc à cette commission de produire des travaux de très grande qualité dans le domaine de l’accès au droit et d’intégrer ainsi des réalités en matière d’aide juridictionnelle comme le démontre le décret du 12 juin 2023 présentement commenté.

Patrick Lingibé
Membre du Conseil National des barreaux
Ancien vice-président de la Conférence des bâtonniers de France
Avocat associé Cabinet Jurisguyane
Spécialiste en droit public
Diplômé en droit routier
Médiateur Professionnel
Membre de l’Association des Juristes en Droit des Outre-Mer (AJDOM)
www.jurisguyane.com

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[1Pour avoir des informations plus détaillées sur la Nouvelle-Calédonie et Wallis-et-Futuna et les autres territoires d’outre-mer https://www.drom-com.fr/

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