L’aggravation de la sanction d’un coureur de cyclo-cross pour dopage.

Par Ludovic Giudicelli, Avocat.

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Le Conseil d’Etat aggrave l’étendue d’une suspension prononcée par la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage dans un arrêt publié au recueil Lebon (Conseil d’État, 20 mars 2020, n° 429427). Cette décision apporte un éclairage en matière procédurale et permet d’apprécier les liens entre le respect du principe de proportionnalité et l’effet utile du dispositif de lutte antidopage.

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Dans cette affaire, un cyclo-crossman participait le 21 janvier 2018 aux championnats nationaux de cyclocross organisés par la Fédération sportive et gymnique du travail dans la ville de Stains.

L’athlète, qui est licencié de cette fédération, avait été inscrit sur la liste des coureurs soumis à un contrôle antidopage.

Le cyclo-crossman ne s’est toutefois pas présenté au contrôle antidopage.

En effet, ce dernier a abandonné en cours d’épreuve en raison d’une blessure et a décidé de rejoindre son domicile sans attendre l’arrivée des autres concurrents

C’est dans ce contexte que par décision en date du 15 juin 2018, l’organe disciplinaire d’appel de lutte contre le dopage de la Fédération sportive et gymnique du travail a prononcé une sanction à l’encontre de son licencié

Cette sanction consiste en l’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération.

Le dossier a alors été transmis à l’Agence française de lutte contre le dopage.

Le 28 novembre 2018, la commission des sanctions de l’Agence a réformé la décision de la Fédération sportive et gymnique du travail.

Elle a prononcé à l’encontre du cyclo-crossman une sanction d’interdiction de participer pendant quatre ans aux manifestations sportives organisées ou autorisées par cette fédération ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, complétée par une sanction financière de 2 000 euros et par la publication d’un résumé de sa décision sur le site Internet de l’AFLD et sur ceux de la Fédération sportive et gymnique du travail et de la Fédération française de cyclisme.

Toutefois, cette sanction a été contestée par la présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage en ce qu’elle limite l’interdiction prononcée aux manifestations relevant de la seule Fédération sportive et gymnique du travail.

La présidente de l’Agence française de lutte contre le dopage a donc demandé au Conseil d’Etat :
- d’annuler la décision de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de cette interdiction aux manifestations donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature et aux manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ainsi qu’aux entrainements y préparant ;
- subsidiairement, d’annuler la décision du 28 novembre 2018 en tant qu’elle n’a pas étendu les effets de l’interdiction prononcée aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, par la Fédération française de cyclotourisme, par la Fédération française de triathlon, par la Fédération sportive et culturelle de France, par la Fédération française du sport d’entreprise et par l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entrainements y préparant.

L’arrêt du Conseil d’Etat, publié au recueil Lebon, est particulièrement instructif.

Des précisions sur le statut de la commission des sanctions de l’AFLD devant le juge administratif.

Le Conseil d’Etat rappelle que l’Agence française de lutte contre le dopage une autorité publique indépendante chargée de définir et de mettre en œuvre les actions de lutte contre le dopage.

A ce titre, elle exerce un pouvoir disciplinaire dans les conditions énoncées par le code du sport.

L’AFLD comprend en son sein :
- un collège qui a des fonctions de poursuite à l’encontre des auteurs d’infractions présumées en l’absence d’accord homologué dans le cadre de la procédure de composition administrative ;
- une commission des sanctions, qui est dotée d’une indépendance fonctionnelle afin d’assurer le respect du principe d’impartialité, dispose des fonctions de sanction.

Le Conseil d’Etat précise que la commission, « lorsqu’elle se prononce sur d’éventuelles sanctions et alors même qu’elle ne constitue pas une juridiction, est investie, compte tenu de l’objet de son intervention ainsi que de sa composition et de son fonctionnement, de fonctions de jugement ».

Cette situation a une conséquence procédurale importante.

En effet, le Conseil d’Etat considère que la commission des sanctions de l’AFLD ne peut être regardée comme ayant la qualité de partie dans les litiges portant sur les décisions de sanction qu’elle a prises en application des articles L. 232-22 à L. 232-23-6 du code du sport.

Cette situation s’applique donc dans le cadre d’une requête introduite par le président de l’AFLD sur le fondement de l’article L. 232-24 du code du sport.

Toutefois, la commission des sanctions de l’AFLD ne reste pas absente de la procédure.

Ainsi, dans le cadre de ses pouvoirs d’instruction, le juge administratif peut appeler en la cause la commission des sanctions en qualité d’observateur.

Cette qualité permet à la commission de ne pas être soumise à l’obligation de ministère d’avocat prévue à l’article R. 432-1 du code de justice administrative.

Le côté strictement procédural de l’affaire étant réglé, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur l’étendue de la sanction prononcée par la commission des sanctions de l’AFLD.

L’aggravation de la suspension prononcée par la commission des sanctions de l’AFLD.

L’arrêt du Conseil d’Etat est particulièrement clair.

La juridiction administrative recense les éléments du dossier pour apprécier le degré de gravité de la faute commise par le coureur :
- le coureur ne s’est pas soumis au contrôle antidopage pour lequel il avait été inscrit ;
- la délibération n° 296 du 12 septembre 2013 de l’Agence française de lutte contre le dopage précise que, dans le cas des compétitions cyclistes, tout coureur ayant abandonné en cours d’épreuve est tenu de se rendre, dans les meilleurs délais, au poste de contrôle du dopage pour vérifier s’il a été ou non désigné pour un tel contrôle et, dans l’affirmative, y satisfaire ;
- le coureur, qui est expérimenté, ne pouvait ignorer la réglementation, les faits en cause constituent donc un manquement caractérisé à l’éthique sportive et à la règlementation de la lutte contre le dopage qui est susceptible de compromettre la bonne tenue de l’ensemble des compétitions cyclistes.

C’est donc au regard de ces différents éléments que le Conseil d’Etat estime que la faute commise par le coureur relève d’une particulière gravité.

Le Conseil d’Etat considère donc que la sanction de la commission des sanctions de l’AFLD, qui se limitait aux seules manifestations organisées par la Fédération sportive et gymnique du travail, portait atteinte à l’effet utile du dispositif de lutte antidopage :

« Par suite, après avoir relevé la gravité de la faute commise par M. B..., la commission des sanctions de l’AFLD ne pouvait, sans porter atteinte à l’effet utile du dispositif de lutte antidopage, limiter l’interdiction de quatre ans qu’elle prononçait aux manifestations autorisées ou organisées par la seule Fédération sportive et gymnique du travail ainsi qu’à leur organisation et à leur déroulement, dont relevait la compétition au titre de laquelle avait eu lieu le manquement, alors qu’il n’est pas contesté que des compétitions cyclistes sont organisées par d’autres fédérations ».

Le Conseil d’Etat considère alors que la sanction doit respecter le principe de proportionnalité.

D’une part, il n’y a pas lieu d’étendre l’interdiction prononcée à l’encontre du coureur aux manifestations des fédérations sportives qui n’organisent pas de compétitions de cyclisme ;

D’autre part, il est il y a en revanche lieu, comme le soutient la présidente de l’AFLD, d’étendre l’interdiction à celles qui sont organisées ou autorisées par la Fédération française de cyclisme, la Fédération française de cyclotourisme, la Fédération française de triathlon, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération française du sport d’entreprise et l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique, ainsi qu’aux entraînements y préparant, mais en en limitant la durée à celle qui reste à courir.

Le Conseil d’Etat étend ensuite logiquement l’obligation de publication de la sanction aux sites des autres fédérations pour lesquelles l’interdiction s’applique.

Ludovic Giudicelli
Avocat au Barreau de Paris

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  • par Braserie , Le 30 avril 2020 à 19:25

    Est-ce qu’au moins le Conseil d’Etat s’est prononcé au vu de la défense du cycliste ou de la commission des sanctions, ou a-t-il statué uniquement au vu de la requête à charge ?

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