Ainsi, pour certains la vie dans un grand immeuble est un lieu d’ennui, de mésententes, de difficultés, un lieu où il ne fait pas très bon vivre. Pour d’autres, dont nous-même, la copropriété est plutôt un lieu de praticité, d’accessibilité, un lieu où règne des relations plutôt courtoises, assez accessible et finalement, une certaine chaleur. Dans ce domaine toutes les opinions sont bonnes, aucune n’est mauvaise, pour autant rien ne peut être laissé au hasard et sûrement pas la gestion des éléments communs, car comme nous le savons, toutes les règles doivent être établies pour que le vivre ensemble prospère.
L’Association Foncière Urbaine Libre ou AFUL a été constituée dans l’idéal de la copropriété, mais constitue une autre forme d’organisation collective. L’article L322-1 du Code de l’Urbanisme dispose que :
« Les associations foncières urbaines sont des associations syndicales régies par les dispositions de l’ordonnance n° 2004-632 du 1er juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires ainsi que par celles de la présente section, constituées entre propriétaires intéressés pour l’exécution des travaux et opérations énumérés à l’article L322-2 ».
Elle assure par exemple la gestion des équipements communs à plusieurs immeubles, etc. La partie réglementaire complète l’ensemble aux articles R322-1 et suivants du Code de l’Urbanisme.
L’AFUL se distingue en effet de la copropriété sur plusieurs points. Historiquement, la copropriété provient du droit romain et a connu un essor formidable après la Seconde Guerre mondiale. L’AFUL est récente. Elle est créée en 1967, modifiée en 1985. Son but est de participer à l’aménagement urbain et à la valorisation du patrimoine.
De plus, la copropriété repose sur le principe de l’indivision, c’est-à-dire que les copropriétaires sont propriétaires ensemble des parties communes, et qu’ils doivent contribuer aux charges proportionnellement à leurs tantièmes. L’AFUL, en revanche, peut être propriétaire exclusive des parties communes, et elle fixe librement les cotisations de ses membres, en fonction de ses besoins et de ses projets.
L’AFUL se distingue aussi des autres associations syndicales comme l’Association Syndicale Libre (ASL), qui se retrouve souvent en présence de lotissement pour la gestion des équipements communs, et les autres formes d’associations foncières urbaines (autorisées ou créées d’office) :
« A la différence des associations foncières urbaines autorisées et associations foncières urbaines constituées d’office qui forment des établissements publics, les associations foncières urbaines libres sont des personnes morales de droit privé [2]. Elles se forment sans l’intervention de l’administration et sont administrées dans les conditions prévues par leurs statuts » [3].
Toutefois, la distinction avec l’ASL s’avère mince. Des différences subsistent : elle est adaptée à l’existence d’une copropriété et dispose d’un formalisme plus important avec une publication au fichier immobilier pour ses documents constitutifs et les adhésions ultérieures [4].
Aussi, l’étude du pouvoir au sein d’une copropriété, selon la pensée de Foucault, n’a pas la même incidence que dans une AFUL. Son implication est différente. Si dans la copropriété, la question peut être : comment s’établissent de bonnes relations entre les voisins ? Comment les conflits sont-ils évités ? Au sein d’une AFUL, le pouvoir est différent. Son interaction avec la copropriété constitue un enjeu, car la copropriété et l’AFUL reposent de la même manière sur les copropriétaires.
Toutefois, face à la montée en puissance des grands ensembles et des copropriétés, L’AFUL a aussi son mot à dire. D’autant plus qu’elle vise aussi un projet commun à une échelle plus grande. La difficulté est alors de concilier les droits de chacun, notamment des copropriétaires, au regard des objectifs de l’AFUL. Par exemple, les copropriétaires peuvent vouloir s’affranchir des règles plus générales ou plus anciennes pour un nouveau projet.
Dans ce cadre, quels sont les pouvoirs de l’AFUL face aux copropriétaires ?
L’AFUL dispose d’un formidable pouvoir d’opposabilité face aux copropriétaires (I).
Ce pouvoir se manifeste dans son autonomie et se concilie avec le respect des droits des copropriétaires (II).
I- Le pouvoir d’opposabilité de l’AFUL face aux copropriétaires.
Comment l’AFUL protège-t-elle ses droits ? L’AFUL s’impose aux copropriétaires tant au regard de son droit de propriété que de son existence et de ses règles, qui s’imposent aux copropriétaires (A). Ce pouvoir s’exerce à condition toutefois qu’elle soit valablement constituée (B).
A. L’opposabilité de l’AFUL.
L’AFUL dispose d’un pouvoir important, qui constitue le socle de ses autres pouvoirs : son opposabilité. L’opposabilité peut renvoyer à des droits ou/et des obligations, ainsi qu’à des conventions ou autre document qui vont s’imposer aux différentes parties. Dans le cadre de l’AFUL, tout comme pour l’ASL, le simple fait de se trouver dans le périmètre d’une AFUL (géographique et dans le cadre de son objet) va entraîner l’application aux copropriétaires d’un ensemble de règles. Or son objet peut être important.
L’article L322-2 du Code de l’Urbanisme dispose que :
« peuvent faire l’objet d’une association foncière urbaine :
1° Le remembrement de parcelles [...] ;
2° Le groupement de parcelles en vue [...] ;
3° La construction, l’entretien et la gestion d’ouvrages d’intérêt collectif tels que voirie, aires de stationnement, et garages enterrés ou non, chauffage collectif, espaces verts plantés ou non, installations de jeux, de repos ou d’agrément ;
4° (Abrogé) ;
5° La conservation, la restauration et la mise en valeur des sites patrimoniaux remarquables [...] ;
6° Le remembrement foncier ou le groupement de parcelles en vue de la restructuration urbaine des grands ensembles [...] ».
Ses règles vont également se transmettre aux nouveaux copropriétaires : « la formation de l’ASL par consentement unanime des propriétaires intéressés a une conséquence immédiate : les droits et obligations qui dérivent de sa constitution étant attachés aux immeubles compris dans son périmètre, ils les suivent « en quelque main qu’ils passent, jusqu’à la dissolution de l’association ou la réduction de son périmètre » [5] [6].
Son opposabilité concerne d’abord les statuts, le cahier des charges et les décisions prises en assemblée générale, qui s’imposent aux membres de l’AFUL et à leurs acquéreurs successifs, même en l’absence de mention dans l’acte d’acquisition [7]. En pratique, les nouveaux copropriétaires sont informés de l’existence de l’AFUL par le notaire au moment de la vente. Il leur remet une copie de la documentation publiée au fichier immobilier. Après analyse des documents, il fait un point avec les nouveaux copropriétaires sur l’AFUL et son objet.
Son opposabilité aussi repose sur la propriété. Selon l’article L322-2 du Code de l’urbanisme, les associations foncières urbaines ont pour objet
« la construction, l’entretien ou la gestion d’ouvrages ou la réalisation de travaux, ainsi que les actions d’intérêt commun en vue […] d’aménager ou d’entretenir des voies et réseaux divers […] ».
Si elle assure la bonne gestion commune, elle peut également posséder des biens. Ainsi, son droit de propriété doit être respecté.
Quant à son équilibre financier, qui sera détaillé ensuite, il repose sur la garantie de ses créances. Or les créances de l’AFUL bénéficient de l’hypothèque légale prévue par l’article 19 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété [8]. Cela lui permet de garantir le paiement des charges par les membres défaillants.
Enfin, l’AFUL peut agir en justice pour défendre ses intérêts ou ceux de ses membres, à condition d’avoir accompli les formalités de déclaration en préfecture et de publication au Journal officiel prévues par l’article 8 de l’ordonnance du 1er juillet 2004.
B. Les conditions de son opposabilité.
L’opposabilité de l’AFUL requiert toutefois un formalisme important et protecteur. Si elle est opposable aux copropriétaires, tant dans son existence que dans ses droits, il convient toutefois qu’elle respecte le formalisme prévu par les textes.
Ainsi, selon l’article R322-2-1 du Code de l’Urbanisme, l’acte constitutif de l’AFUL ainsi que les actes constatant les adhésions ultérieures doivent être publiés au fichier immobilier dans les conditions et délais prévus par les décrets n° 55-22 du 4 janvier 1955 et 55-1350 du 14 octobre 1955. Cette formalité n’est pas requise pour les autres associations syndicales libres (ASL), qui ne sont pas des AFUL. La publication au fichier immobilier permet d’informer les acquéreurs potentiels des biens situés dans le périmètre de l’AFUL de l’existence de l’association et de ses droits et obligations.
D’autres règles du Code de l’Urbanisme vont encadrer cette opposabilité. Lorsqu’un ou plusieurs des immeubles compris dans le périmètre de l’AFUL sont régis par la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, les travaux sur lesquels porte l’objet de l’AFUL sont réputés rendus obligatoires au sens du e de l’article 25 de ladite loi [9]. Cela facilite leur réalisation en assemblée générale des copropriétaires.
Enfin, l’ordonnance du 1er juillet 2004 prévoit également [10] que le propriétaire d’un immeuble situé dans le périmètre de l’AFUL doit informer le futur propriétaire ou locataire de l’existence de l’AFUL et s’il existe des servitudes. L’absence de cette information ne remet pas en cause son opposabilité. Toutefois, elle peut être un moyen de défense du futur propriétaire ou du locataire s’il n’a pas été correctement informé de son existence. De même, le notaire doit informer le président de l’AFUL lors de chaque mutation immobilière. En pratique, après la vente, il adresse un courrier recommandé, dans lequel, il indique les éléments importants de la vente et l’identité du vendeur et de l’acquéreur.
Son opposabilité est donc bien le socle de son pouvoir face aux copropriétaires. Mais elle dispose aussi d’une autonomie importante qui se conjugue alors avec les droits des copropriétaires.
II- Le pouvoir d’autonomie de l’AFUL avec le respect des droits des copropriétaires.
Après avoir vu l’opposabilité de l’AFUL, son autonomie apparaît comme importante. Comment l’AFUL concilie-t-elle son autonomie avec les droits et les obligations des copropriétaires ? Son autonomie peut être décrite comme une autonomie interne et externe (A). Un pouvoir qu’elle exerce dans le respect des droits des copropriétaires (B).
A. L’autonomie interne et externe de l’AFUL.
L’autonomie de l’AFUL est caractérisée par des moyens internes et externes de fonctionnement.
Les moyens internes sont ceux qui sont prévus par le Code de l’Urbanisme, par l’ordonnance du 1er juillet 2004 et les autres textes réglementaires. Ils reflètent l’existence de la personnalité morale de l’association. Ils permettent à l’association de fonctionner et d’avoir donc une véritable activité, à l’instar d’un syndicat de copropriété.
A ce titre, l’AFUL dispose de pouvoirs financiers importants, qui lui permettent de financer ses dépenses et de garantir le recouvrement des cotisations des copropriétaires. En effet, l’AFUL peut fixer librement le montant et les modalités de paiement des cotisations, en fonction des besoins et des projets de l’association. Elle peut enfin faire opposition à la mutation d’un lot pour obtenir le paiement des sommes dues par l’ancien propriétaire [11].
Elle dispose également de pouvoirs décisionnels et de représentation, qui lui permettent de prendre des décisions relatives à la gestion et à l’entretien des parties communes, ainsi qu’à la réalisation de travaux ou d’opérations d’intérêt collectif.
Ces décisions sont prises par l’assemblée générale des membres de l’association. Les conditions de majorité requises pour adopter les décisions sont fixées par les statuts de l’association, qui doivent respecter un certain nombre de règles impératives. L’article 18 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 dispose :
« Les organes de l’association sont l’assemblée des propriétaires, le syndicat, le président et le vice-président.
Sous réserve des attributions de l’assemblée des propriétaires, le syndicat règle, par ses délibérations, les affaires de l’association syndicale autorisée ».
Enfin, concernant les pouvoirs externes de l’AFUL repose sur sa capacité juridique. L’article 5 de l’ordonnance du 1er juillet 2004 prévoit en effet :
« les associations syndicales de propriétaires peuvent agir en justice, acquérir, vendre, échanger, transiger, emprunter et hypothéquer sous réserve de l’accomplissement des formalités de publicité prévues selon le cas aux articles 8, 15 ou 43 ».
Ces pouvoirs externes vont lui permettre de réaliser son objet, comme la propriété, la gestion et les travaux.
L’article L322-9-1 du Code de l’Urbanisme prévoit des particularités s’il y a des copropriétés :
« Lorsqu’un ou plusieurs des immeubles compris dans le périmètre d’une association foncière urbaine sont régis par la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, les travaux sur lesquels porte l’objet de l’association sont réputés rendus obligatoires au sens du e de l’article 25 de ladite loi.
Dans chaque copropriété, les copropriétaires peuvent charger un ou plusieurs d’entre eux, un mandataire ad hoc ou le syndic de la copropriété, dûment mandaté, de les représenter à l’assemblée des propriétaires de l’association. Un même syndic ne peut être mandaté par les copropriétaires de plus d’une copropriété ».
D’une part, les travaux sur lesquels porte l’objet de l’association sont rendus obligatoires. C’est-à-dire que les décisions de travaux prises par l’AFUL seront obligatoires dans leur principe. D’autre part, un syndic peut être désigné comme leur représentant à l’assemblée des propriétaires de l’association. Cependant, son autonomie doit se concilier avec les droits des propriétaires.
B. L’autonomie dans le respect des droits des copropriétaires.
Les pouvoirs de l’AFUL face aux copropriétaires ne sont pas illimités ni arbitraires. Ils sont encadrés par le respect des droits individuels des copropriétaires, qui sont protégés. En effet, les copropriétaires conservent la propriété exclusive de leur lot, ainsi que les droits d’usage, de jouissance et de disposition qui y sont attachés.
L’AFUL ne peut pas forcer les copropriétaires à céder les lots, porteraient atteinte à leurs droits de propriété ou à leur destination. Les copropriétaires doivent être informés des décisions et disposent d’un droit recours [12].
Ces droits individuels sont garantis par le contrôle judiciaire, qui peut être saisi par tout copropriétaire qui s’estime lésé par une action ou une omission de l’association. Le juge peut alors annuler ou réformer la décision contestée, ordonner la cessation du trouble ou la réparation du préjudice, ou encore prononcer la dissolution ou la liquidation de l’association.
Ces garanties des droits individuels sont fondées sur le principe d’autonomie privée, qui implique que chaque copropriétaire puisse disposer librement de son bien et exercer ses droits sans subir d’ingérence abusive ou disproportionnée de la part de l’association. Elles visent également à préserver l’équilibre et la justice entre les copropriétaires, ainsi qu’à prévenir les abus ou les dérives de l’association.