L’actualité du droit du travail, par Eric Rocheblave, Avocat

Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

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Explorer : # droit du travail # conditions de travail # sécurité au travail # discrimination au travail

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Employeurs, vous pouvez librement augmenter la cadence de vos salariés

Les employeurs sont maîtres du rythme de travail de leurs salariés.
En effet, dès lors que rien ne permet de retenir une quelconque répercussion de la modification de la cadence de travail sur la rémunération ou le temps de travail, cette modification constitue un simple changement des conditions de travail que les salariés ne peuvent refuser.
Trois femmes de ménages ont ainsi été légitimement licenciées pour avoir refusé la modification de leur rythme de travail passant d’une heure de nettoyage par cage d’escalier à 45 minutes.

Cass. Soc. 20 octobre 2010 n° 08-44594, 08-44595, 08-44596

L’information du Comité d’Entreprise doit être loyale et complète

Article L. 2323-4 du Code du travail :
« Pour lui permettre de formuler un avis motivé, le comité d’entreprise dispose d’informations précises et écrites transmises par l’employeur, d’un délai d’examen suffisant et de la réponse motivée de l’employeur à ses propres observations. »
Article L. 2323-6 du Code du travail :
« Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les questions intéressant l’organisation, la gestion et la marche générale de l’entreprise et, notamment, sur les mesures de nature à affecter le volume ou la structure des effectifs, la durée du travail, les conditions d’emploi, de travail et de formation professionnelle. »
Article L. 1233-31 du Code du travail :
« L’employeur adresse aux représentants du personnel, avec la convocation à la première réunion, tous renseignements utiles sur le projet de licenciement collectif.
Il indique :
1° La ou les raisons économiques, financières ou techniques du projet de licenciement ;
2° Le nombre de licenciements envisagé ;
3° Les catégories professionnelles concernées et les critères proposés pour l’ordre des licenciements ;
4° Le nombre de salariés, permanents ou non, employés dans l’établissement ;
5° Le calendrier prévisionnel des licenciements ;
6° Les mesures de nature économique envisagées. »
Article L. 2323-6 du Code du travail :
« Le comité d’entreprise est informé et consulté sur les modifications de l’organisation économique ou juridique de l’entreprise, notamment en cas de fusion, de cession, de modification importante des structures de production de l’entreprise ainsi que lors de l’acquisition ou de la cession de filiales au sens de l’article L. 233-1 du code de commerce.
L’employeur indique les motifs des modifications projetées et consulte le comité d’entreprise sur les mesures envisagées à l’égard des salariés lorsque ces modifications comportent des conséquences pour ceux-ci.
Il consulte également le comité d’entreprise lorsqu’il prend une participation dans une société et l’informe d’une prise de participation dont son entreprise est l’objet lorsqu’il en a connaissance. »
Il ressort de l’ensemble de ces dispositions qu’à l’occasion d’un projet de restructuration et de licenciement collectif pour motif économique, l’information du comité d’entreprise doit être loyale et complète.
L’absence d’information et le fait que des documents n’ont été remis au comité d’entreprise que sous la contrainte d’une assignation, caractérisent un comportement déloyal de l’entreprise.
La déloyauté de l’employeur vicie l’intégralité de la procédure d’information consultation et le fait que des informations parcellaires aient été apportées par la suite ne sauraient remédier à ce vice originel.
En conséquence, le Juge fait droit aux demandes du comité d’entreprise de dire que les procédures d’information consultation sur le projet de restructuration et sur le projet de licenciement collectif pour motif économique en résultant n’ont pas valablement mises en œuvre.
Il appartient à l’entreprise, le cas échéant, de reprendre une procédure d’information consultation régulière.
L’absence de consultation régulière de la part de l’employeur constitue une atteinte aux prérogatives du comité d’entreprise qui lui cause nécessairement préjudice réparé à hauteur de 1.500 Euros et 3.000 Euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Tribunal de Grande Instance de Lyon, 19 octobre 2010 n° 10/11935


5.000 Euros en réparation de votre sentiment d’insécurité au travail

Vous estimez que les locaux dans lesquels votre employeur vous fait travailler ne sont pas dans un état d’hygiène conforme à ce qu’un salarié peut normalement exiger ?
Vous estimez que votre employeur n’a pas pris de mesures suffisantes pour assurer votre sécurité (Ex. : pas de système de surveillance, pas de collecte régulière des fonds) ?
Vous rapportez la preuve de rixes ou d’agressions sur votre lieu de travail ?
Le CHSCT de votre Entreprise a été amené à plusieurs reprises à consacrer des réunions à ces problèmes ?
La Cour de cassation considère que votre employeur, tenu d’une obligation de sécurité de résultat en matière de protection de la santé et de la sécurité des travailleurs dans l’entreprise, doit en assurer l’effectivité.
Dans ces circonstances, sans avoir à caractériser une faute de votre employeur, ni à rechercher si votre attitude est à l’origine de votre sentiment d’insécurité, votre employeur n’a pas respecté ses obligations et peut être condamné à vous verser 5.000 Euros de dommages-intérêts pour violation de ses obligations en matière de sécurité et d’hygiène.
Cass. soc. 6 octobre 2010, n° 08-45609


Peut-on réquisitionner des salariés grévistes ?

Des salariés grévistes peuvent-ils se voir imposer par un employeur, une autorité judiciaire ou administrative de reprendre leur travail ?
L’article 7 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, préambule auquel renvoie la Constitution en vigueur de 1958, dispose que le « droit de grève s’exerce dans le cadre des lois qui le règlementent ».
Si le législateur a réglementé de façon générale les modalités d’exercice du droit de grève dans le secteur public, tel n’est pas le cas s’agissant des entreprises de droit privé.
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Pouvoir de l’employeur :
La Cour de cassation a affirmé clairement l’impossibilité pour l’employeur de réquisitionner les grévistes pour assurer un service minimum de sécurité.
En effet, les employeurs ne tiennent d’aucune disposition législative le droit de réquisitionner les grévistes.
Cass. soc. 15 déc. 2009, pourvoi n° 08-43.603
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Pouvoir du Juge judiciaire :
La Cour de cassation a rappelé que les pouvoirs attribués au juge des référés ne comportent pas celui de condamner un salarié gréviste à exécuter son travail même pendant la durée d’un service minimum.
Cass. soc. 26 novembre 2003 01-10.847
Cass. soc., 25 février 2003, n° 01-10.812
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Pouvoir du Préfet :
L’article L 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, prévoit notamment qu’en cas d’urgence, lorsque l’atteinte au bon ordre, à la salubrité, à la tranquillité et à la sécurité publique l’exige, le préfet peut réquisitionner tout bien et service jusqu’à ce que l’atteinte à l’ordre public ait pris fin.
Il ne paraît pas acquis que les dispositions de l’article L 2215-1 du Code général des collectivités territoriales puissent permettre de requérir des personnels grévistes relevant d’un employeur privé.
Au contraire, il semble que l’on devrait plutôt considérer qu’en principe ces dispositions ne peuvent servir à cela.
Elles ont été conçues comme un complément du pouvoir de police du préfet lorsque le rétablissement de l’ordre public exige des mesures de réquisition.
« Si le préfet, dans le cadre des pouvoirs qu’il tient du 4° de l’article L 2215-1 du Code général des collectivités territoriales, peut légalement requérir les agents en grève d’un établissement de santé, même privé, dans le but d’assurer le maintien d’un effectif suffisant pour garantir la sécurité des patients et la continuité des soins, il ne peut toutefois prendre que les mesures imposées par l’urgence et proportionnées aux nécessités de l’ordre public, au nombre desquelles figurent les impératifs de santé publique.
Il ne peut ainsi procéder à la réquisition de l’ensemble des sages-femmes d’une clinique privée sans envisager le redéploiement d’activités vers d’autres établissements ou le fonctionnement à effectif réduit du service, ni sans rechercher si les besoins essentiels de la population ne pouvaient être autrement satisfaits compte tenu des capacités sanitaires du département. »
CE 9 décembre 2003 n° 262186, 1e et 2e s.-s., Aguillon et a.
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Pouvoir du Gouvernement :
La Constitution prévoit que le législateur peut autoriser le Gouvernement à formuler une mesure de réquisition, c’est-à-dire un ordre de faire cesser la grève et d’obliger les « citoyens » à mettre leurs forces de travail au service des entreprises.
Un pouvoir de réquisition civile, non limité aux services publics et pouvant donc affecter des grévistes d’une entreprise privée, était reconnu au Gouvernement par la Loi n°1938-07-11 du 11 juillet 1938 sur l’organisation générale de la nation pour le temps de guerre.
Cette loi a été abrogée par l’Ordonnance n°2004-1374 du 20 décembre 2004 relative à la partie législative du code de la défense.
Le Code de la défense organise aujourd’hui les conditions contraignantes de fond (menace sur la sécurité civile ou continuité du service public) et de procédure (décret ministériel, puis arrêté ministériel, enfin ordre de réquisition) du pouvoir de réquisition du Gouvernement.
Les pouvoirs publics usent de ce pouvoir de réquisition avec une grande prudence.
En effet, le Conseil d’État en limite la légalité au cas où la grève est de nature à porter une atteinte suffisamment grave à la continuité d’un service public ou à la satisfaction des besoins de la population (CE 24 février 1961, Sect., Isnardon : Lebon p. 150).

Des grévistes ne peuvent être expulsés pour avoir entravé l’entrée ou la sortie de marchandises

La présence d’un piquet de grève sur le site d’une entreprise s’inscrit dans le cadre légitime de l’expression collective de la revendication des salariés et en l’absence d’atteinte caractérisée à la liberté du travail des salariés non-grévistes ou d’agissements compromettant la sécurité des personnes ou des biens, une entreprise ne peut se prévaloir d’un trouble manifestement illicite susceptible de justifier une mesure de remise en état par le juge des référés, la seule entrave apportée à l’entrée de marchandise n’excède pas les perturbations normales pouvant résulter de l’exercice du droit de grève.
Tribunal de Grande Instance de Lyon, 30 septembre 2010 n° 10/02463

La seule entrave de l’entrée ou de la sortie de marchandises et la paralysie de l’activité qui en découle, exempte de désorganisation de l’entreprise, ne fait pas dégénérer un mouvement de grève en abus.
Cass. Soc. 9 mars 2004 n° 02-30.294

Votre employeur ne vous fait pas passer une visite médicale de reprise : prenez acte de la rupture du contrat de travail !

Vous reprenez votre travail sans bénéficier d’une visite de reprise auprès du médecin du travail dans les huit jours et sans que votre employeur allègue avoir pris l’initiative de vous faire passer une visite médicale dans le même délai ?
La Cour de cassation considère que votre employeur a commis un manquement suffisamment grave pour justifier que vous preniez acte de la rupture de votre contrat de travail.
Cette rupture de votre contrat de travail produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et vous obtiendrez diverses indemnités devant le Conseil de Prud’hommes.
Cass. Soc. 6 octobre 2010 n° 09-66140


Garde à vue : Gardez le silence et exigez l’assistance permanente d’un Avocat !

Vous êtes en Garde en vue ?
Des policiers ou des gendarmes veulent vous auditionner ?
Ne répondez plus aux enquêteurs !
Exigez d’être assisté d’un Avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires !
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Vous avez droit au silence !
Vous avez droit à l’assistance permanente d’un Avocat !
Si l’exercice de ces droits vous a été refusé ou ne vous a pas été signifié par le policier ou le gendarme, faites noter sur le procès-verbal que vous avez demandé ces droits, ou notez-le vous-même avant de le signer.

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La France vient d’être condamnée le 14 octobre 2010 par la Cour européenne des droits de l’Homme pour le non-respect du droit au silence en garde à vue, elle devra verser 5.000 euros pour dommage moral et 7.000 euros pour frais et dépens au requérant.

La Cour européenne des droits de l’Homme a également rappelé à la France que la personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires.

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La Cour rappelle que le droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et le droit de garder le silence sont des normes internationales généralement reconnues qui sont au cœur de la notion de procès équitable. Ils ont notamment pour finalité de protéger l’accusé contre une coercition abusive de la part des autorités et, ainsi, d’éviter les erreurs judiciaires et d’atteindre les buts de l’article 6 de la Convention (voir, notamment, Bykov c. Russie [GC], no 4378/02, § 92, 10 mars 2009, et John Murray, précité, § 45). Le droit de ne pas s’incriminer soi-même concerne le respect de la détermination d’un accusé à garder le silence et présuppose que, dans une affaire pénale, l’accusation cherche à fonder son argumentation sans recourir à des éléments de preuve obtenus par la contrainte ou des pressions, au mépris de la volonté de l’accusé (voir, notamment, Saunders c. Royaume-Uni, 17 décembre 1996, §§ 68-69, Recueil 1996-VI, Allan c. Royaume-Uni, no 48539/99, § 44, CEDH 2002-IX, Jalloh c. Allemagne [GC], no 54810/00, §§ 94-117, CEDH 2006-IX, et O’Halloran et Francis c. Royaume-Uni [GC] nos 15809/02 et 25624/02, §§ 53-63, CEDH 2007-VIII).

La Cour rappelle également que la personne placée en garde à vue a le droit d’être assistée d’un avocat dès le début de cette mesure ainsi que pendant les interrogatoires, et ce a fortiori lorsqu’elle n’a pas été informée par les autorités de son droit de se taire (voir les principes dégagés notamment dans les affaires Salduz c. Turquie [GC], no 36391/02, §§ 50-62, 27 novembre 2008, Dayanan c. Turquie, no 7377/03, §§ 30-34, 13 octobre 2009, Boz c. Turquie, no 2039/04, §§ 33-36, 9 février 2010, et Adamkiewicz c. Pologne, no 54729/00 §§ 82-92, 2 mars 2010).

En l’espèce, la Cour relève que lorsque le requérant a dû prêter serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité », comme l’exige l’article 153 du code de procédure pénale, avant de déposer devant l’officier de police judiciaire, il était placé en garde à vue. Cette mesure s’inscrivait dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par le juge d’instruction, les services de police ayant interpellé le requérant suite à une commission rogatoire délivrée le 3 juin 1999 par ce magistrat, qui les autorisait notamment à procéder à toutes les auditions et perquisitions utiles à la manifestation de la vérité concernant les faits de tentative d’assassinat commis sur la personne de B.M. le 17 décembre 1998. Ce placement en garde à vue était règlementé par l’article 154 du code de procédure pénale et n’était pas subordonné, à l’époque des faits, à l’existence d’ « indices graves et concordants » démontrant la commission d’une infraction par l’intéressé ou de « raisons plausibles » de le soupçonner de tels faits. La Cour note également que le requérant n’était pas nommément visé par la commission rogatoire du 3 juin 1999, ni par le réquisitoire introductif du 30 décembre 1998.

La Cour constate cependant que l’interpellation et la garde à vue du requérant s’inscrivaient dans le cadre d’une information judiciaire ouverte par le juge d’instruction contre E.L et J.P.G., tous deux soupçonnés d’avoir été impliqués dans l’agression de B.M. Or, d’une part, lors de sa garde à vue du 2 juin 1999, J.P.G. avait expressément mis en cause le requérant comme étant le commanditaire de l’opération projetée et, d’autre part, la victime avait déposé plainte contre son épouse et le requérant, et ce dernier avait déjà été entendu à ce sujet par les services de police le 28 décembre 1998. Dans ces circonstances, la Cour considère que, dès son interpellation et son placement en garde à vue, les autorités avaient des raisons plausibles de soupçonner que le requérant était impliqué dans la commission de l’infraction qui faisait l’objet de l’enquête ouverte par le juge d’instruction. L’argument selon lequel le requérant n’a été entendu que comme témoin est inopérant, comme étant purement formel, dès lors que les autorités judiciaires et policières disposaient d’éléments de nature à le suspecter d’avoir participé à l’infraction.

Par ailleurs, la Cour note que, depuis l’adoption de la loi du 15 juin 2000, lorsqu’il n’existe aucune raison plausible de soupçonner qu’il a commis ou tenté de commettre une infraction, tout témoin – cité pour être entendu au cours de l’exécution d’une commission rogatoire – ne peut être retenu que le temps strictement nécessaire à son audition.

Enfin, selon la Cour, l’interpellation et le placement en garde à vue du requérant pouvaient avoir des répercussions importantes sur sa situation (voir, parmi d’autres, Deweer, précité, et Eckle c. Allemagne, 15 juillet 1982, § 73, série A no 51). D’ailleurs, c’est précisément à la suite de la garde à vue décidée en raison d’éléments de l’enquête le désignant comme suspect, qu’il a été mis en examen et placé en détention provisoire.

Dans ces circonstances, la Cour estime que lorsque le requérant a été placé en garde à vue et a dû prêter serment « de dire toute la vérité, rien que la vérité », celui-ci faisait l’objet d’une « accusation en matière pénale » et bénéficiait du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence garanti par l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention.

La Cour relève ensuite que, lors de sa première déposition le 8 juin 1999, le requérant a fourni certains éléments de preuve pouvant démontrer son implication dans l’agression de B.M : il a en effet livré des détails sur ses conversations avec l’un des individus mis en examen, J.P.G., sur leur entente « pour faire peur » à B.M. et sur la remise d’une somme d’argent de 100 000 francs français. La Cour note également que ces déclarations ont été ensuite utilisées par les juridictions pénales pour établir les faits et condamner le requérant.

La Cour estime que le fait d’avoir dû prêter serment avant de déposer a constitué pour le requérant – qui faisait déjà depuis la veille l’objet d’une mesure coercitive, la garde à vue – une forme de pression, et que le risque de poursuites pénales en cas de témoignage mensonger a assurément rendu la prestation de serment plus contraignante.

Elle note par ailleurs qu’en 2004, le législateur est intervenu pour revenir sur l’interprétation faite par la Cour de cassation de la combinaison des articles 105, 153 et 154 du code de procédure pénale et préciser que l’obligation de prêter serment et de déposer n’est pas applicable aux personnes gardées à vue sur commission rogatoire d’un juge d’instruction.

La Cour constate également qu’il ne ressort ni du dossier ni des procès-verbaux des dépositions que le requérant ait été informé au début de son interrogatoire du droit de se taire, de ne pas répondre aux questions posées, ou encore de ne répondre qu’aux questions qu’il souhaitait. Elle relève en outre que le requérant n’a pu être assisté d’un avocat que vingt heures après le début de la garde à vue, délai prévu à l’article 63-4 du code de procédure pénale (paragraphe 28 ci-dessus). L’avocat n’a donc été en mesure ni de l’informer sur son droit à garder le silence et de ne pas s’auto-incriminer avant son premier interrogatoire ni de l’assister lors de cette déposition et lors de celles qui suivirent, comme l’exige l’article 6 de la Convention.

Il s’ensuit que l’exception soulevée par le Gouvernement doit être rejetée et qu’il y a eu, en l’espèce, atteinte au droit du requérant de ne pas contribuer à sa propre incrimination et de garder le silence, tel que garanti par l’article 6 §§ 1 et 3 de la Convention.
Cour européenne des droits de l’homme, 14 octobre 2010, Requête no 1466/07

CDD Vendanges : demandez sa requalification en CDI !

Le « contrat vendanges » prévu par les articles L. 718-4 à L. 718-6 du code rural est un contrat saisonnier conclu en application de l’article L. 1242-2, 3° du code du travail.
Conformément à l’article L. 1242-7 du même code, il doit comporter un terme fixé avec précision dès sa conclusion ou, à défaut, une durée minimale.
Si votre contrat de travail se borne à indiquer qu’il se terminera « à la fin des vendanges », alors il ne comporte ni terme précis, ni durée minimale.
Vous pouvez saisir le Conseil de Prud’hommes pour obtenir la requalification dudit contrat en un contrat de travail à durée indéterminée.
Vous obtiendrez une indemnité de requalification et diverses indemnités pour rupture abusive.
Cass. soc. 6 octobre 2010, n° 09-65.346


Votre employeur ne fait pas respecter l’interdiction de fumer ? Prenez acte de la rupture du contrat de travail à ses torts !

L’employeur est tenu, à l’égard de son personnel, d’une obligation de sécurité de résultat qui lui impose de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé de ses salariés (Article L. 4121-1 du Code du travail).
Ainsi l’employeur doit respecter les dispositions du code de la santé publique sur l’interdiction de fumer dans les lieux publics concernant les salariés (Articles R. 3511-1 et R. 3511-2 du code de la santé publique).
La Cour de cassation a considéré qu’un salarié engagé comme barman avait justement pris acte de la rupture de son contrat de travail en reprochant à son employeur de l’avoir laissé, en violation de la législation relative à la lutte contre le tabagisme, constamment exposé aux fumées de cigarettes.
Cass. Soc. 6 octobre 2010 N° 09-65.103


Au travail, peut-on demander à Mohamed de s’appeler Laurent ?

Non ! Le fait pour un employeur de demander à un salarié de changer son prénom de Mohamed pour celui de Laurent est de nature à constituer une discrimination à raison de son origine.
Cass. Soc. 11 novembre 2009 N° 08-42.286
L’article L. 1132-1 du Code du travail dispose qu’« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L. 3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap. »
L’article 1er de la Loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations précise que « Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu’une autre ne l’est, ne l’a été ou ne l’aura été dans une situation comparable. Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d’entraîner, pour l’un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d’autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. La discrimination inclut : 1° Tout agissement lié à l’un des motifs mentionnés au premier alinéa et tout agissement à connotation sexuelle, subis par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ; 2° Le fait d’enjoindre à quiconque d’adopter un comportement prohibé par l’article 2. »

La mise au placard est un harcèlement moral !

Le salarié qui rapporte la preuve (témoignages, constats d’huissier…) qu’il a été placé dans un bureau presque vide, ou dans un bureau sans air conditionné, ou bien encore dans un bureau encombré de divers meubles qui obstruent le passage, faisant penser à un dépôt, laisse présumer l’existence d’un harcèlement moral, peu important sa durée et ses incidences sur son état de santé.
Dans ces circonstances, il appartient à l’employeur de prouver que cette mise au placard n’est pas constitutive d’un harcèlement moral.
Cass. Soc. 6 juillet 2010 N° 09-42.557
Constitue une mise au placard ayant pour effet de le marginaliser et de le dévaloriser, le fait de confier à un Directeur des missions correspondant à une diminution de ses attributions et responsabilités antérieures ou en déménageant son bureau dans des conditions humiliantes sous l’autorité d’un salarié d’ancienneté plus récente, sans collaborateur ou secrétaire, sans signalement du service dans un secteur en rénovation, dans un bureau modestement équipé, en compagnie d’autres personnes en conflit avec lui.
Constitue une mise au placard le fait de réduire un salarié à l’inactivité ou l’astreindre à des tâches dépourvues de sens, mis à l’écart professionnellement et géographiquement, supprimé des annuaires, isolé interdit de formation professionnelle.
L’affectation d’un salarié et son maintien dans un service moribond (dans un bureau isolé, privé de téléphone, de matériel informatique, de collaborateur et de véhicule de service) revêtent un caractère vexatoire incontestable. Relégué et réduit à des tâches sous qualifiées, sans responsabilité réelle, le salarié subit une dégradation de ses conditions de travail qui altèrent sa santé physique ou mentale.
Cour d’Appel de Montpellier, 25 mars 2010 Numéro JurisData : 2010-013733

Un employeur peut-il être sanctionné pour avoir voulu augmenter les salaires ?

Un salarié a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux motifs que son employeur a voulu augmenter son salaire sans son accord…
L’employeur voulait lui assurer une nouvelle rémunération qui, partie fixe et partie variable cumulées, était supérieure à l’ancienne.
Mal lui en a pris sans recueillir l’accord du salarié !
En effet, le mode de rémunération contractuel d’un salarié constitue un élément du contrat de travail qui ne peut être modifié sans son accord, peu important que le nouveau mode soit plus avantageux.
La prise d’acte par le salarié est justifiée.
L’employeur ne peut pas, sans recueillir l’accord du salarié, modifier sa rémunération contractuelle même de façon plus avantageuse.
L’employeur sera condamné à de substantiels dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse…
Cass. Soc. 5 mai 2010 n° 07-45409

(im)moralité :
Ne vit-on pas une époque formidable ?
Une époque où la justice interdit aux employeurs de faire le bonheur de leurs salariés malgré eux…
Il est vrai qu’en période de crise économique, ce ne serait pas raisonnable ;-)

Salariés, exigez de votre employeur des documents en français !

Aux termes de l’article L. 1321-6 du Code du travail, tous documents comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail doivent être rédigés en français. Seuls les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers ne sont pas soumis à cette obligation.
Si votre employeur ne respecte pas cette obligation, demandez au Juge de l’y contraindre !
Ainsi, la société Air France vient d’être condamnée sous astreinte de 5.000 Euros par document et par jour de retard à mettre à la disposition de ses salariés les documents suivants en langue française :
- le manuel des appareils de la famille BOEING,
- les enseignements assistés par ordinateurs
- les cartes nécessaires aux pilotes d’Air FRANCE
La société Air France a été en outre condamnée à verser au demandeur la somme de 10.000 Euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
(Cour d’Appel de Paris 1er octobre 2010, n° 08/23998)

Que pouvez-vous faire lorsque votre employeur vous notifie un avertissement injustifié ?

Vous pouvez demander l’annulation de cet avertissement par le Conseil de Prud’hommes et la condamnation de votre employeur à vous payer des dommages et intérêts.
En effet, la notification à un salarié d’une sanction disciplinaire injustifiée lui cause un préjudice moral et professionnel qui est indemnisé par l’allocation de dommages et intérêts de 1.000 Euros par la Cour d’Appel de Montpellier (Cour d’Appel de Montpellier 30 septembre 2009 Numéro JurisData : 2009-379867)

Éric ROCHEBLAVE

Avocat Spécialiste en Droit Social

Barreau de Montpellier

http://www.rocheblave.com

Blog de l’Actualité du Droit du Travail

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Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

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