Accident de ski : quelle responsabilité pour l’Ecole de ski ?

Par Océane Bimbeau, Avocat.

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Explorer : # responsabilité # accident # sécurité # moniteur

Quelle est la responsabilité juridique de l’Ecole de ski lorsqu’un élève subit un accident de ski lors d’un cours encadré par un moniteur ?

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Avec plus de 8.000 interventions des services de secours et 28 décès comptabilisés pour la saison hivernale 2016-2017, la dangerosité du ski alpin est trop souvent sous-estimée.

Le skieur profane se dirigera donc naturellement vers une Ecole de ski afin de pratiquer ce loisir en toute sécurité.

Mais l’Ecole de ski garantit-elle vraiment au skieur une sécurité optimale ? Et en cas d’accident survenu dans le cadre d’un cours, l’Ecole de ski est-elle responsable des dommages causés à la victime ?

Le skieur n’est en réalité pas autant en sécurité qu’il pourrait penser l’être.

Dépourvues de la personnalité juridique, certaines Ecoles de ski sont donc dépourvues du droit d’agir et, de facto, ne peuvent pas être traduites en justice.

Les actions intentées par les justiciables à l’encontre des Ecoles de ski sont donc régulièrement déclarées irrecevable, le Tribunal de Grande Instance de Paris retenant que :
« L’ESF n’étant pas une personne morale mais une enseigne sous la dénomination de laquelle les moniteurs de ski, travailleurs indépendants ou salariés des collectivités, affiliés au Syndicat national des moniteurs du ski français, se regroupent pour faciliter l’organisation et l’accomplissement de leur mission, l’action engagée à son encontre sera donc déclarée irrecevable. »

TGI Paris, Référés, RG N°14-53637

Dès lors, le skieur qui reproche à l’Ecole de ski un manquement à son obligation de sécurité, rencontrera les plus grandes difficultés pour attraire l’Ecole devant un Tribunal, et ce alors même qu’il a bien conclu un contrat avec cet organisme !

Et pour cause, l’Ecole de ski n’est en réalité bien souvent qu’une enseigne nationale, un label, sous laquelle chaque association locale exerce individuellement.

Et une difficulté supplémentaire vient s’ajouter à cet obstacle procédural.

Si toutefois le skieur accidenté parvenait à attraire l’Ecole de ski devant un Tribunal, encore faudrait-il qu’il prouve que l’Ecole a commis une faute distincte de celle commise par le moniteur de ski ayant dispensé le cours de ski.

En effet, le régime de la responsabilité du fait d’autrui, et plus précisément la responsabilité du commettant des faits commis par son préposé, institué par l’article 1384 (ancien) et 1242 (nouveau) du Code civil, n’est pas nécessairement applicable à l’Ecole de ski.

Il convient, pour que ce régime soit applicable, de se placer dans le cadre d’un rapport de subordination entre un préposé et un commettant, et de prouver qu’une faute du préposé a été commise dans l’exercice de ses fonctions.

Le commettant est alors responsable des fautes commises par le préposé.

L’on aurait pu imaginer que l’Ecole de ski se tienne responsable des éventuels manquements commis par les Moniteurs de ski dans l’exercice de leurs fonctions.

Un rapport de subordination supposé entre le moniteur de ski et l’Ecole de ski permettrait en effet d’appliquer ce régime de responsabilité pour permettre au skieur blessé de rechercher la responsabilité de celui vers qui il est venu chercher l’apprentissage d’un sport en toute sécurité : l’Ecole de ski.

Or il n’en est rien.

Comme le rappellent régulièrement les Tribunaux, les Moniteurs de ski sont en règle générale des travailleurs indépendants, qui exercent sous l’enseigne des Ecoles de ski.

Les Tribunaux considèrent que l’Ecole de ski a un pouvoir de contrôle et de sanction des moniteurs de ski trop ténu, pour que sa responsabilité puisse être recherchée pour d’éventuels accidents survenus dans le cadre de cours.

La cour d’appel de Chambéry a ainsi jugé, par un arrêt du 11 janvier 2000 (RG n°96/01911) que :
« Que les moniteurs, à titre individuel, répondent des fautes commises à l’occasion des cours de ski dispensés,
[…]
Attendu, par suite, que l’ESF n’a pas la personnalité juridique… »

Il faudrait donc pour le skieur, parvenir d’une part à faire déclarer son action contre l’Ecole de ski recevable, et d’autre part, prouver une faute commise par l’Ecole de ski, distincte de celle commise par le moniteur de ski dans le cadre de son cours.

Le skieur, qui croit légitimement conclure un contrat lui assurant une sécurité certaine sur les pistes, avec une Ecole réputée, sera donc prévenu de ce double obstacle et de ce qui s’apparente à une immunité juridique des Ecoles de ski.

Me Oceane BIMBEAU

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Discussions en cours :

  • par Tim , Le 15 juin 2021 à 15:52

    Une recherche bien superficielle quand on sait qu’une action envers un moniteur de ski vaut action pour l’école. Effectivement, une école de ski n’a pas la personnalité morale mais les faits reprochés peuvent l’être aux moniteurs de ski. La prétendu intouchabilité des écoles de ski n’est rien après quelques recherches.

  • par BOURGEOIS Sébastien , Le 9 janvier 2021 à 10:50

    Je tiens à vous remercier pour cet article très intéressant. Pour notre part en 2016, nous avons rencontré une difficulté avec l’ESF. En effet, notre fille de 5 ans a poursuivi sa descente lors d’un cours Ourson et aurait pu terminer celle-ci sur une route passagère sans présence de filets de protection si un skieur ne l’avait pas arrêté avec son bâton. Les deux moniteurs n’ont même pas remarqué cet incident qui aurait pu devenir un accident si le skieur n’avait pas réagi rapidement. Suite à cet incident, j’ai remonté l’information au responsable de l’école de la station et à l’ESF. Ma demande concernait la mise en place de filets de protection aux abords de la route située en contre bas de la piste du club Oursons de l’ESF et savoir si celle-ci si était redevable de l’article R227-13 du code de l’action sociale et des familles et de l’arrêté du 12 avril 2012. Suite à mon courriel, l’ESF à répondu que des filets avaient été installé et que l’article et l’arrêté cités précédemment visaient la protection des mineurs, dès leur inscription dans un établissement scolaire en application de l’article L 113-1 du code de l’éducation, qui bénéficient hors du domicile parental, à l’occasion des vacances scolaires, des congés professionnels ou des loisirs, d’un mode d’accueil collectif à caractère éducatif et qui ne trouve pas à s’appliquer pour l’ESF. A la lecture de votre article en cas d’accident grave, il aurait fallu pour notre cas prouver que l’ESF était fautive pour les filets de protection et non pas du manque de vigilance avérée des deux moniteurs qui discutaient au lieu de surveiller correctement les enfants.
    Pourriez-vous me préciser si l’article et l’arrêté énoncés ne s’applique pas à ce type d’association.
    En vous remerciant par avance.

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