Tribunaux de commerce : Rappel de règles procédurales.

Par Jean-Baptiste Rozès, Avocat.

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Explorer : # procédure judiciaire # injonction de payer # référé # tribunal de commerce

En application de l’article L. 721-3 du Code de commerce, « Les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;
2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;
3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.

Toutefois, les parties peuvent, au moment où elles contractent, convenir de soumettre à l’arbitrage les contestations ci-dessus énumérées. »

Le Tribunal de Commerce est composé de juges non professionnels, appelés juges consulaires, choisis parmi des commerçants ou des dirigeants d’entreprises, et élus par eux.

-

Rassurons-nous, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions qui régissent les tribunaux de commerce sont conformes à la Constitution, en particulier au regard des principes d’impartialité et d’indépendance (Cons. const. 4 mai 2012 n° 2012-241-QPC).

1 L’injonction de payer

La procédure d’injonction de payer est prévue aux articles 1405 à 1424 du Code de Procédure Civile.

Le montant de la créance doit être déterminé et doit avoir une origine contractuelle ou résulter d’une obligation légale ou réglementaire.

Le débiteur doit avoir été mis en demeure de payer préalablement.

Le créancier engage la procédure en déposant une requête auprès du président du tribunal en mentionnant le montant de sa créance accompagnée des documents justificatifs.

Dans son ordonnance d’injonction de payer, le juge ordonne au débiteur de payer la somme réclamée par le créancier.

En l’absence d’opposition, le créancier peut demander que l’ordonnance soit revêtue de la formule exécutoire, ce qui l’autorise à faire procéder aux différentes mesures d’exécution forcée par voie d’huissier de justice.

Le créancier doit faire signifier l’ordonnance au débiteur, dans un délai de 6 mois en France.

Le débiteur peut contester la décision en formant opposition dans le mois qui suit la signification faite à personne.

Attention, si le créancier ne connaît pas avec certitude le domicile du défendeur, la procédure d’injonction de payer peut s’avérer inutile.

En effet, pour devenir exécutoire, l’ordonnance doit être signifiée à personne, c’est-à-dire à la personne même du débiteur. L’article 1416 alinéa 2 du Code civil dispose que « si la signification n’a pas été faite à personne, l’opposition est recevable jusqu’à l’expiration du délai d’un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d’exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur. »

Ainsi, s’il est tentant de choisir la procédure rapide et non contradictoire de l’injonction de payer, il faut s’assurer que les conditions nécessaires sont effectivement réunies.

Il faut également être bien conscient que dans la majorité des cas le débiteur fera opposition dans le délai d’un mois et que l’affaire sera renvoyée devant la juridiction du fond.

Il est dès lors préférable de solliciter, dans la requête, comme prévu à l’article 1408 du Code de Procédure Civile, que « l’affaire soit immédiatement renvoyée devant la juridiction qu’il estime compétente. »

Aussi, souvent, il paraît préférable d’engager la procédure contradictoire du référé.

Enfin, il est très important d’être conscient qu’il ne faut pas procéder par injonction de payer lorsque la créance est sur le point d’être prescrite.
En effet, le délai de prescription n’est pas interrompu par une requête en injonction de payer.

Seule la signification d’une ordonnance portant injonction de payer est de nature à interrompre la prescription car constitutif d’une citation en justice au sens de l’article 2244 du Code civil (Ccass civ. 1, 10 juillet 1990, n°89.13345).

Ainsi, la seule «  requête aux fins d’injonction de payer (…) ne saurait être assimilée à un acte interruptif d’instance » (Ccass Ch. Com., 6 décembre 2011, n°10-23466).

2 Le référé

Compte tenu de la probabilité que le débiteur fasse opposition à l’ordonnance d’injonction de payer, la procédure de référé est souvent plus opportune.

En application de l’article 872 du Code de Procédure Civile (CPC), le référé est une procédure d’urgence, réservée aux affaires dénuées de toute « contestation sérieuse ». Le juge des référés est le juge de l’évidence.

L’article 873 du CPC prévoit quant à lui la possibilité d’agir en référé, même en présence d’une contestation sérieuse, dans l’hypothèse d’un trouble manifestement illicite ou pour prévenir un dommage imminent.

L’affaire sera traitée dans un délai de quelques semaines.

L’ordonnance est revêtue de plein droit de l’exécution provisoire.

Toutefois, notamment dans le cas de recouvrement de créances, il n’est pas rare que le Président du Tribunal de Commerce dise n’y avoir lieu à référé du fait de l’existence d’une contestation sérieuse dès que le défendeur conteste avec des arguments précis le bien fondé de la créance ou son montant.

Aussi, il est recommandé au demandeur en référé de solliciter, en application de l’article 811 du CPC, la « passerelle », à savoir le renvoi de l’affaire à une audience à jour fixe, pour le cas où le Juge devait dire n’y avoir lieu à référé.

La décision rendue sera un jugement sur le fond et non pas une ordonnance de référé. Ce Jugement aura l’autorité de chose jugée, et il sera possible de demander la suspension de l’exécution provisoire.

3 L’action au fond

L’action au fond permet aux parties de faire trancher l’intégralité du litige, y compris toutes les contestations que le juge des référés n’a pas le droit de trancher.

3.1. La procédure de mise en état

Le ministère d’avocat n’est pas obligatoire devant le Tribunal de commerce. Toute partie peut se présenter elle-même. Il est donc possible de se faire assister par un avocat, ou par la personne de son choix.

Cependant, s’il est possible à toute personne de se représenter elle-même, personne ne peut représenter les parties de façon habituelle et rémunérée à l’exception des Avocats.

L’article 4 de la loi du 31 décembre 1971 prévoit, en effet, que : « nul ne peut, s’il n’est avocat, assister ou représenter des parties, postuler et plaider devant les juridictions  ».


Les sociétés de recouvrement, les assureurs crédit, et les huissiers de justice notamment ne peuvent donc pas représenter directement leur client devant le tribunal.

L’assignation devant le Tribunal de Commerce, contrairement à celle devant le Tribunal de Grande Instance, précise une date.

Toutefois, il ne s’agit pas d’une date à laquelle l’affaire pourra être plaidée. En effet, il s’agit de la date d’une première audience de procédure devant le Tribunal de Commerce.

En effet, devant cette juridiction, comme devant le Tribunal de Grande Instance, la procédure connaît d’abord une phase d’échange d’écritures et de pièces.

Ainsi, à la première audience, le dossier sera renvoyé à une nouvelle audience de procédure afin de permettre la communication de ses pièces par le demandeur, et, s’il l’a déjà fait, de permettre au défendeur de répliquer aux arguments exposés dans l’Assignation.

S’en suivent alors des renvois successifs pour que chaque partie puisse répondre aux arguments de l’autre, et ce jusqu’à ce que l’affaire soit en état d’être plaidée.

Devant le Tribunal de Commerce de Paris, il est important que la partie ou son représentant soit présent à chaque audience de mise en état. A défaut, l’affaire est retirée du rôle et il convient alors de la faire rétablir. C’est la raison pour laquelle il est conseillé devant le tribunal de Commerce de Paris de prendre un « avocat mandataire » en plus de l’avocat plaidant.

Il est également à signaler qu’ afin d’accélérer la procédure, le Barreau, le Tribunal de Commerce de Paris ont mis au point un protocole nouvellement modifié, qui s’applique depuis début janvier 2013 afin de limiter le nombre d’audience de mise en état.

Attention aussi devant nombre de tribunaux de Province, l’affaire peut être plaidée dès la première audience si la partie défenderesse n’est ni présente, ni représentée.

3.2 L’audience de plaidoiries

Lorsque la chambre saisie du litige estime que l’affaire est en état, elle fixe la date de plaidoiries, qui se déroule soit :

- devant la chambre collégialement réunie,

- devant un juge rapporteur, c’est-à-dire l’un des magistrats consulaires de la formation, qui reçoit seul les parties en audience de cabinet.

Le dossier de plaidoirie doit être transmis quelques jours avant l’audience.

Le juge connaît donc à l’avance le dossier ainsi que les pièces.

C’est souvent l’occasion d’un véritable dialogue avec le Juge Rapporteur.
Il est recommandé de faire venir son client. Sa présence est très souvent appréciée.

De plus en plus souvent, les juges rapporteurs incitent les parties à accepter la désignation d’un médiateur. Cela peut être l’occasion d’aboutir rapidement à un protocole d’accord amiable.

3.3 La procédure à jour fixe

Cette procédure est prévue aux articles 788 à 792 du Code de Procédure Civile, en cas d’urgence, car elle permet que les affaires soient jugées au fond par le circuit court, c’est-à-dire sans mise en état.

Le système est contrôlé par un magistrat autorisant l’utilisation de la procédure et fixant la date du règlement de l’affaire.

En cas d’éléments démontrant l’urgence, cette procédure n’est pas à négliger tant la procédure de mise en état peut être longue, notamment devant le Tribunal de Commerce de Paris.

En conclusion, il sera indiqué que le Tribunal de commerce est une juridiction très souvent saisie et devant laquelle la notion d’équité trouve souvent sa place.

Il ne faut pas enfin oublier que le tribunal de commerce peut également être saisi d’une requête dite « gracieuse » dans de nombreuses situations mais qui ne peuvent pas aboutir à la condamnation d’un tiers.

Les requêtes gracieuses sont notamment utiles pour obtenir la désignation d’un huissier de justice afin de réaliser un constat, l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire en matière de recouvrement ou toute autre mesure d’instruction préalable à un contentieux.

Jean-Baptiste Rozès
Avocat Associé
OCEAN AVOCATS
www.ocean-avocats.com

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Discussion en cours :

  • par Lily , Le 21 décembre 2019 à 21:08

    Bonsoir Maître
    que pensez-vous du fait que l’administrateur judiciaire adresse sa requête aux fins de conversion des opérations de redressement judiciaire en liquidation judiciaire alors qu’un jugement est en délibéré. Jugement dans lequel le débiteur à la procédure collective et l’administrateur judiciaire sont demandeurs. Une telle requête ne devrait-elle pas considérée comme une intervention pendant le délibéré ? D’autant que la requête contredit les conclusions en demande ...
    Merci de votre éclairage

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