Les conditions de travail, le stress au travail, le harcèlement moral sont autant de domaines d’interventions pour le médecin du travail.
Tous les salariés le connaissent et pourtant peu d’entre eux savent qu’il peut être un acteur déterminant dans la prévention des risques encourus dans l’entreprise et dans le règlement d’une situation insoutenable pour le salarié notamment en cas de souffrance au travail.
Mais qui est-il et quel est son rôle ? Est-il du côté du salarié ou de l’employeur ?
Quel est le poids et la valeur de son avis ou de ses décisions ?
I- LE MEDECIN DU TRAVAIL EST UN MEDECIN
1- INDEPENDANCE
Le médecin du travail est un docteur en médecine inscrit à l’Ordre des Médecins ce qui implique qu’il est soumis au code de déontologie médicale .
Il se doit par conséquent de respecter notamment le secret médical : il ne peut trahir son patient, le salarié. Il ne peut être délié du secret même par son patient.
Il ne peut révéler à l’employeur la maladie du salarié à moins que celle-ci soit contagieuse et fasse l’objet d’une déclaration obligatoire ( 30 maladies à déclaration obligatoire).
Ainsi il aura l’obligation de prévenir les pouvoirs publics en cas de contamination, épidémie.
Le médecin du travail est indépendant dans le cadre de sa mission même s’il est sous la subordination administrative et le contrôle de l’employeur : son indépendance est garantie par l’article L 4622-2 du code du travail (ancien L 241-2)
C’est l’indépendance du médecin du travail et le secret médical, son corollaire qui permet au salarié d’établir sa confiance à son égard .
Une relation privilégiée doit s’établir entre le salarié et le médecin du travail et ne doit pas être faussée par le lien existant entre le médecin du travail et l’employeur.
Malheureusement, c’est l’absence d’indépendance qui est dénoncée très souvent par les salariés : comment faire confiance à un médecin du travail installé dans les locaux de l’entreprise ?
A-t-il les moyens de faire cesser la souffrance ressentie par les salariés , souffrance liée au stress, aux conditions de travail, à une stratégie managériale ?
2- ROLE
Dès son embauche, le médecin du travail examine le salarié et donne son « feu vert » pour l’exécution du contrat de travail : il le déclare apte au travail
C’est toujours lui que le salarié doit consulter en cas de reprise du travail après un arrêt de maladie de plus de 21 jours ou 8 jours après un accident du travail.
En effet, le médecin du travail est à même d’apprécier si le salarié est en mesure de reprendre le travail avec ou sans aménagement du poste de travail.
Il donnera alors soit une fiche d’aptitude à la reprise du travail, soit une fiche d’inaptitude provisoire ou définitive.
Mais les salariés attendent beaucoup plus du médecin du travail surtout dans les situations conflictuelles horizontales entre salariés ou verticales entre salariés et employeur notamment dans le HARCELEMENT MORAL
L’Ordre National des Médecins a émis des recommandations concernant les dispositifs de prise en charge des risques psychosociaux dans l’entreprise et a précisé que « l’écoute d’un salarié en détresse est un acte médical qui entre totalement dans le champ de compétence du médecin du travail et qu’à ce titre, il doit être le point d’entrée et le pivot de tout dispositif de prise en charge des risques psychosociaux »
Le médecin du travail ne doit –il pas alors prendre des initiatives auprès de l’employeur et lui permettre d’éviter une mise en cause de son obligation de sécurité à l’égard des salariés ? Ce que n’ont pas manqué de faire les salariés de France Télécom en déposant une plainte pour faute inexcusable de l’employeur.
II- LE MEDECIN DU TRAVAIL EST UN ACTEUR DE L’ENTREPRISE
1- CONSEILLER DE L’EMPLOYEUR
Le médecin du travail est une force de proposition pour l’employeur pour des mesures individuelles telles que des mutations ou transformations de postes justifiées par des considérations relatives à l’âge, à l’état de santé……
L’employeur devra tenir compte des préconisations du médecin du travail car il pèse sur l’employeur une obligation de sécurité résultat concernant la santé des salariés qui s’étend non seulement en cas d’accident du travail mais aussi aux troubles dus au stress et à l’ambiance générale de travail
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Attention à l’employeur qui passerait outre les recommandations du médecin, le licenciement prononcé pourra être déclaré sans cause réelle et sérieuse ( Cass.Soc16 juin 1999)
En effet, il est de la compétence du médecin du travail de conseiller l’employeur pour l’amélioration des conditions de vie et de travail dans l’entreprise ( R 4623-1 CT°) en se rendant sur place.
Dès que le médecin du travail aura connaissance de situation telle que celle d’un harcèlement moral dans l’entreprise ou de maltraitance au travail, de souffrance au travail, grâce aux examens médicaux du salarié, échanges avec le médecin traitant , enquête du CHSCT …. il devra en tirer les conséquences :
pour le salarié : proposition de mutation, inaptitude totale et définitive avec danger immédiat
pour l’employeur : changement de méthode ou de conditions de travail, changement de management
Il peut s’entretenir avec les responsables ou l’employeur et les mettre face à leur responsabilité civile ou et pénale en cas de manquements graves avérés, car il ne peut ni ne doit ignorer les conditions de travail et le traitement des salariés lorsqu’ils se sont confiés à lui
Le médecin de travail peut faire bouger les choses dans l’entreprise ; son avis pourra être pris en compte par l’employeur
2- MEMBRE DU CHSCT
Le Comité d’hygiène de sécurité et des conditions de travail comprend l’employeur et une délégation du personnel ainsi que le médecin du travail.
Aussi, ce dernier peut-il se rendre compte des difficultés rencontrées par certains salariés dans l’exécution de leur contrat de travail tout en gardant l’anonymat des salariés en souffrance, le médecin du travail peut directement intervenir auprès de l’employeur.
C’est l’anonymat qui sera la source de confiance entre les salariés et le médecin du travail.
Il n’est pas inutile de préciser que tout ce qui relève de l’entretien du salarié avec le médecin du travail est couvert par le secret médical.
Le médecin du travail peut être très réactif devant des salariés en souffrance ou victimes de harcèlement moral afin d’éviter toute aggravation de son état de santé.
La responsabilité du médecin du travail pourra être engagée en cas d’immobilisme de sa part . ( deux mises en examen de médecins du travail dans le dossier de l’amiante) comme celle de l’employeur passif, alors qu’une bonne gestion dans la prévention voir dans la prise en compte des problèmes pourra décharger l’entreprise de condamnations éventuelles !