Requalification d’un contrat "freelance" de professeur d’anglais en contrat de travail.

Par Frédéric Chhum, Avocat.

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Explorer : # requalification de contrat # lien de subordination # freelance # contrat de travail

La Cour de cassation vient de requalifier un contrat de freelance de professeur d’anglais du British Council en contrat de travail.

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M. X. a travaillé pour le British Council en qualité de professeur d’anglais " indépendant non salarié " en vertu d’un contrat de prestation de services intitulé " contrat d’enseignement ", pour la période allant du 29 septembre 2000 au 23 juin 2001, correspondant à l’année scolaire 2000/ 2001.

Ce contrat « freelance », qui prévoyait une facturation horaire hors taxes de ses honoraires par heure d’enseignement, a été reconduit chaque année jusqu’à l’année 2006/ 2007 dans les mêmes conditions, sauf en ce qui concerne les jours, nombre d’heures et horaires de travail, sans autre interruption, sauf exception, que les vacances scolaires d’été, et même parfois pendant les vacances scolaires.

Ces contrats à durée déterminée définissaient avec précision les conditions dans lesquelles M. X était tenu de dispenser ses enseignements et tâches associées décrites dans le livret " cours de l’année scolaire 2000/ 2001 ". La répartition de son temps entre les différents types d’activité professionnelle, administrative et de formation était chiffrée.

Par courrier du 4 mai 2007, le British Council a dispensé l’intéressé d’activité à compter du 7 mai 2007 jusqu’à la fin de l’année scolaire 2006/ 2007 et n’a pas renouvelé le contrat pour l’année suivante.

S’estimant lié au British Council par un contrat de travail rompu sans cause réelle et sérieuse, M. X a saisi la juridiction prud’homale d’une demande en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, en reconnaissance de la qualification de technicien niveau E de la convention collective nationale des organismes de formation, et en paiement de diverses sommes à titre d’indemnités de rupture et dommages-intérêts.

Dans un arrêt du 18 novembre 2010, la Cour d’appel de Paris a requalifié le contrat de freelance du professeur d’anglais en contrat de travail. Le British Council s’est pourvu en cassation.

Dans un arrêt du 18 septembre 2013 (n°11-10727), la Cour de cassation rejette le pourvoi du British Council et donne gain de cause au prof d’anglais.

La Cour de cassation rappelle que « le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail ; que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, mais des conditions de fait, dans lesquelles est exercée l’activité des travailleurs ».

La Cour de cassation constate que « bien qu’exerçant son activité dans le cadre d’un contrat de prestation de services, ne disposait en réalité d’aucune indépendance et était soumis à un contrôle hiérarchique de l’organisme de formation qui déterminait unilatéralement ses conditions de travail ; qu’elle a pu déduire de ses constatations l’existence, entre les parties, d’un lien de subordination caractérisant un contrat de travail ».

Elle ajoute que la Cour d’appel, a souverainement constaté que « la rémunération du professeur sous forme d’honoraires englobait le temps d’enseignement et les tâches associées  ».

Cette décision doit être approuvée. Souvent des freelances sont en fait des salariés déguisés, il faut alors recourir au juge pour obtenir une requalification en contrat de travail.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\’ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021)
CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille)
chhum chez chhum-avocats.com
www.chhum-avocats.fr
http://twitter.com/#!/fchhum

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Discussions en cours :

  • Je m’oppose à votre dernier commentaire "souvent les freelances sont en fait des salariés déguisés" qui illustre brillamment votre méconnaissance des freelances.
    Il me semble que vous mélangez beaucoup de choses avec ce commentaire beaucoup trop manichéen et caricatural.

    Le salariat déguisé est une escroquerie, envers l’Etat et surtout envers le freelance qui en est victime, mais je refuse l’idée de considérer toute collaboration entre une entreprise et un freelance puisse être de facto considérée comme du salariat déguisé. C’est tout simplement un déni idéologique.

    Alors comment faire la différence entre une collaboration saine et du salariat déguisé ? La loi propose des critères tels que la subordination et la dépendance financière et matérielle. Moi j’en pose un autre encore plus simple à mesurer, la rémunération.

    Généralement l’entreprise qui cherche à détourner ce statut va proposer ou imposer une rémunération à peu près équivalente à un salaire net, parfois légèrement revalorisé par rapport au salaire auquel la victime pourrait prétendre dans le cadre d’un contrat de travail. C’est à dire entre 1500 et 2000 euros par mois, les très nombreux témoignages que l’on retrouve sur les forums communautaires convergent sur ce point. Hors dans le cadre d’une collaboration de freelancing normale, ce montant devrait être trois plus élevé au minimum ! Car les victimes confondent systématiquement salaire et facturation, ce qui n’a absolument rien à voir mais n’est pas facilement compréhensible pour les personnes issues du monde salarial.

    Le salariat déguisé n’existe que grâce au statut d’auto-entrepreneur et à sa simplicité. L’essor des freelances date du début des années 2000, 10 ans avant la création de l’AE, et il était presque aussi compliqué de s’établir en freelance que de créer une société. Très difficile dans ces conditions de "retourner" un salarié et le pousser vers ce statut.

    Alors je ne nie pas que le salariat déguisé existe et tend à prendre de l’ampleur dans une certaine mesure, c’est un vrai problème car il attire la suspicion (telle que la vôtre) sur tous les autres freelances. Mais je réfute cette même suspicion et de considérer de facto que toute collaboration entre un freelance et une entreprise pourrait être considérée comme du salariat déguisée, faisant de facto le salariat comme la seule et unique possibilité de collaborer avec une société.
    Car c’est bien vers cette finalité idéologique que votre "souvent les freelances sont en fait des salariés déguisés" nous pousse.

    • Je suis autoentrepreneur et prof d’anglais. Vous dites qu’un autoentrepreneur devrait gagner en principe trois fois plus qu’un simple salarié. Je suis d’accord que l’on devrait gagner un peu plus, mais dans le contexte de travail actuel tous les profs d’anglais comme moi travaillent pour des sommes qui produisent des revenus de moins de 2000€ pm sur une base annuelle, c’est à dire moins qu’un prof débutant à l’Éducation Nationale avec la précarité en prime. Que penser aussi des contractuels de l’ENAC qui assurent les formations en anglais pour les pilotes et de aiguilleurs du ciel et qui travaillent bien plus que les 18 heures (qui sont considérées normales pour des profs de l’Éducation Nationale et gagnent 14 ou 15 € l’heure ?), ou des sans grades qui dispensent des cours pour Acadomia et compagnie pour 10 ou 12€ l’heure pour une heure de cours par-ci par-là ? Contrairement à ce que disent les statistiques de Pole Emploi ce ne sont pas des vraies postes qui ne trouvent pas d’acquéreurs mais des propositions malhonnêtes émises par des gens qui n’ont aucun scrupule. Cette année j’ai eu expérience de travailler pour un établissement SUP où il est considéré normale que les profs d’anglais payé à l’heure travaillent gratuitement pour effectuer la surveillance et noter les examens. Pour ce qui me concerne je pense que le mépris générale pour les intervenants en langues que nous sommes nuit très gravement à l’enseignement des langues en France. Il est grand temps que quelqu’un s’en occupe. Si ce n’est pas pour être ’sympa’ avec les étrangers, au moins pour les enfants de la République qui sont nos élèves !

    • par Alain L. , Le 27 septembre 2015 à 21:06

      Bonjour,
      J’ai travaillé pour une CCI plus précisément le Centre d’étude des langues 3ans en qualité de formateur en langues avec un statut de vacataire avec des contrats qui étaient conduits d’une année à l’autre. Un jour on m’annonce que j’ai fait mon quota qui était fixé à 300 heures sur l’année calendaire, alors que mon contrat ne mentionnait aucun plafonnement des heures. En fait, dans mon contrat il est écrit que la CCI pourrait m’engager en qualité de formateur en langues dans l’année 2012/2013, ensuite 2013/2014 et ainsi de suite, mais aucune précision sur le nombre d’heures. Le contrat dit que pour chaque engagement j’aurai une lettre de mission sous forme de CDD. J’ai fait des formations en face à face, pour des groupes en entreprise, aux étudiants de l’Ecole de gestion (qui dépend aussi de la CCI). Donc, pour chaque stagiaire, chaque groupe, chaque classe j’avais un CDD qui comportait la date de début de la formation mais pas la date de fin. J’ai eu plus de 30 contrats. Lors de la réunion en fin d’année au mois d’Août on nous annonce que ceux qui veulent continuer de travailler devront trouver une solution. On nous a imposé, entre autre, le statut d’autoentrepreneur. Je pensais passer en portage salarial mais le taux horaire que la CCI propose qui est de 30eur est moins élevé que le minimum légal fixé pour produire les bulletins de salaire (environ 40eur). Il ne me restait donc aucun autre choix que de m’enregistrer en tant que auto entrepreneur. Ce que j’ai fait. Je suis réengagé cette année et je devrais communiquer le numéro de SIREN à la CCI. Sauf que, j’ai appris que le statut d’autoentrepreneur n’est pas adapté si l’on a qu’un seul employeur. De plus, on me dit que rien n’a changé sauf mon statut, mais je peux tjrs utiliser son matériel, il me donne des directives, je suis donc en subordination, je dois participer aux réunions comme avant.... En plus, le tarif horaire a été décidé par lui, et si je n’accepte pas ces conditions - pas de travail. Je n’ai donc aucun choix. Je ne suis bien sur pas le seul dans ce cas, mais aucun formateur ne souhaite faire de vagues par peur de perdre ses revenus. J’ai lu que Acadomia a été épinglé pour l’abus du statut d’auto-entrepreneur mais à quand les CCI fraudeuses ? Car franchement un Centre d’étude de langues sans aucun formateur salarié c’est plutôt entonnant. J’ai lu que le statut vacataire utilisé par les CCI est aussi en dehors des lois car apparemment il faut avoir un emploi principal de salarie pour pouvoir être vacataire. Pourquoi les CCI ne veulent tout simplement pas proposer des vrais CDD ou CDI même à temps partiel ? Que dois-je faire ?

    • par CHHUM Frédéric AVOCAT CHHUM AVOCATS , Le 28 septembre 2015 à 14:13

      Cher Monsieur,

      Si vous travaillez en état de subordination vis à vis de la CCI, vous pouvez obtenir la requalification de la relation contractuelle en travail.

      Si vous le souhaitez, vous pouvez prendre rendez vous à mon cabinet.

      Bien à vous,

      Frédéric CHHUM AVOCAT

    • par Thierry M , Le 25 novembre 2015 à 13:08

      Je suis actuellement en mission de prestation dans une entreprise de RP depuis janvier 2011.

      - je fais des semaines pleines de 5 jours et parfois je travailles le WE cela représente alors 12 jours consécutifs
      - avec le même contrat renouvelé tout les 3 mois
      - c’est mon seul et unique client (100% de mon chiffre d’affaire)
      - je passe par une société de portage
      - j’ai plus de 50 ans je suis né le 09/11/1964
      - je suis travailleur handicapé MDPH
      - je suis en profession libéral.

      Pensez vous qu’une requalification soit possible ?

    • par Laurence B , Le 1er mars 2016 à 19:23

      Pour répondre à un commentaire concernant les CCI. Je travaille depuis plus de 10 ans pour une CCi quelques années en vacataire , puis on m’a incité à m’installer en autoE pour pouvoir faire plus d’heures. Je n’ai jamais fixé mes tarifs , ils me sont imposés.J’ai des directives précises , je participe aux réunions de services .Mes heures de cours fluctuent d’une année sur l’autre, mais j’enseigne les mêmes matières aux même sections depuis des années et je ne suis pas la seule .Si bien que l’on appelle notre client " notre directeur".Ils ont main mise sur nos emplois du temps ...Bref si je comprends bien ,ils sont complètement hors la loi !!!Quels recours possible ?

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