Raccordement au « tout à l’égout » : droits et obligations.

Par Ladislas Skura, Avocat.

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Explorer : # assainissement collectif # raccordement obligatoire # zonage d’assainissement # dispense de raccordement

Fréquentes sont les questions sur le fonctionnement de l’assainissement collectif des eaux usées (ou couramment appelé « tout-à-l’égout »). Lorsqu’un immeuble (ou habitation) tombe sous l’obligation légale du raccordement des eaux usées vers le réseau public, son propriétaire se trouve souvent désemparé face à une réglementation bien figée mais parfois compliquée à comprendre.
Les interrogations traduisent un même son de cloche : est-on vraiment obligé de se raccorder alors que la fosse septique fonctionne très bien ? Peut-on être dispensé de ce raccordement ? Que se passe-t-il en cas de non-respect de cette obligation ? Qui doit financer ce raccordement, le particulier ou la commune ?

Cet article n’a pas la prétention d’étayer le régime général du droit applicable à l’assainissement collectif des eaux usées, mais d’offrir un manuel opérationnel et complet pouvant apporter les premiers éléments de réponse aux questions récurrentes en la matière.

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Quelle définition de l’assainissement collectif des eaux usées ?

L’assainissement collectif ne fait pas l’objet d’une définition juridiquement posée. La directive 91/271/CEE relative au traitement des eaux résiduaires urbaines du 21 mai 1991 offre toutefois un cadre sémantique nécessaire :

« La présente directive concerne la collecte, le traitement et le rejet des eaux urbaines résiduaires ainsi que le traitement et le rejet des eaux usées provenant de certains secteurs industriels ». Il faut entendre « eaux urbaines résiduaires » comme étant les « eaux ménagères usées ou le mélange des eaux ménagères usées avec des eaux industrielles usées et/ou des eaux de ruissellement » .

Ce semblant de définition n’appelle pas de commentaires particuliers si ce n’est qu’on comprend rapidement que le thème s’avère juridiquement transversal : droit de la santé publique, droit de l’environnement et droit des collectivités territoriales.

Que prévoit le droit ?

Le régime juridique applicable à l’assainissement collectif des eaux usées est issu de la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 qui a été complétée par la loi sur les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 . Ces dispositions légales sont réparties dans le Code de la santé publique (art. L.1331-1 à L.1331-16), le Code général des collectivités territoriales (art. L.2224-7 à L.2224-12 et R.2224-6 à R.2224-22), et le Code de l’environnement (art. L. 214-1 et suivants).

Selon les articles L.1331-1 du Code de la santé publique et L.2224-10 du Code général des collectivités territoriales, le raccordement à l’assainissement collectif est obligatoire si trois critères sont réunis cumulativement :
- 1. le réseau public de collecte des eaux usées domestiques est établi sous la voie publique ;
- 2. l’immeuble concerné a accès à cette voie publique soit directement, soit par l’intermédiaire de voies privées ou de servitudes de passage ; et
- 3. l’immeuble est situé sur une parcelle de la zone d’assainissement collectif où sera assurée la collecte des eaux usées domestiques.

Lorsque ces trois conditions sont remplies, l’immeuble doit être obligatoirement raccordé au réseau public d’assainissement collectif.

Ce raccordement est obligatoire dans un délai de deux ans à compter de la mise en service du réseau public de collecte. Il est nécessaire de connaitre cette date auprès de la collectivité territoriale compétente (la commune ou l’établissement public de coopération intercommunale compétent) afin de connaitre le délai butoir pour débuter les travaux de raccordement et éviter d’éventuelles amendes.

Qu’est-ce que le « zonage d’assainissement » ?

Le « zonage d’assainissement » est un périmètre délimité par les communes ou leurs établissements publics de coopération. Ce zonage délimite les zones d’assainissement collectif et non-collectif et permet de visualiser si un immeuble se trouve concerné par le réseau public d’assainissement collectif. La délimitation du périmètre de cette zone est conduite par le Maire ou le Président de l’établissement public de coopération intercommunale compétent après enquête publique et étude d’impact dont la durée ne peut être inférieure à trente jours et ne peut excéder deux mois (sauf en cas de prolongation de trente jours supplémentaires).

La délimitation du « zonage d’assainissement » fait naître des droits et obligations aux collectivités territoriales compétentes et aux propriétaires. Dans la zone d’assainissement collectif, la collectivité territoriale compétente sera tenue d’assurer la collecte des eaux usées domestiques et le stockage, l’épuration et le rejet ou la réutilisation de l’ensemble des eaux collectées. Les propriétaires devront pour leur part répondre à l’obligation de raccordement posée par l’article L.1331-1 du Code de la santé publique. Cette obligation est immédiate lorsque l’immeuble est édifié postérieurement à la mise en service du réseau. Dans le cas contraire, l’immeuble devra être raccordé dans le délai de deux ans.

Quels sont les cas de dispense au raccordement obligatoire ?

Des cas de dispense sont prévus par un arrêté de 1960 relative au raccordement des immeubles aux égouts . Il existe cinq cas de dispense de raccordement d’un immeuble :
- l’immeuble fait l’objet d’une interdiction définitive d’habiter ;
- l’immeuble est déclaré insalubre et l’acquisition a été déclarée d’utilité publique ;
- l’immeuble est frappé d’un arrêté de péril prescrivant sa démolition ;
- l’immeuble dont la démolition doit être entreprise en exécution des plans d’urbanisme définissant les modalités d’aménagement des secteurs à rénover ;
- l’immeuble est difficilement raccordable, dès lors qu’il est équipé d’une installation d’assainissement autonome recevant l’ensemble des eaux usées domestiques.

Les quatre premiers cas de dispense sont utilisés dans des situations précises et possèdent moins d’intérêt pratique que le cinquième cas de dispense.

L’ouverture du cinquième cas de dispense nécessite une exigence double : (i) un immeuble difficilement raccordable et (ii) la présence d’une installation d’assainissement des eaux usées domestiques autonome (une fosse septique ou bloc sanitaire).

La notion d’« immeuble difficilement raccordable » ne fait pas l’objet d’une définition réglementaire précise et est laissée à l’appréciation et au contrôle du juge. C’est au cas par cas qu’il conviendra d’estimer si l’immeuble est difficilement raccordable ou non : l’immeuble est situé en contrebas vis-à-vis de la voirie, le nivellement entre le niveau de la voirie et le niveau de la sortie des eaux usées domestiques est accidenté, des pierres sous la terre bloquent le raccordement etc. Dans un arrêt du Conseil d’Etat , le propriétaire d’un terrain de camping possédant un dispositif autonome d’assainissement a bénéficié de ce cas de dispense en raison d’un bloc sanitaire se trouvant à 200 mètres de la rue nationale et de surcroit, à plusieurs mètres en contrebas de cette rue. Le raccordement au réseau public d’assainissement présentait des difficultés suffisamment excessives pour y voir appliquer le cas de dispense.

Que se passe-t-il en cas de non-respect de l’obligation de raccordement ?

L’obligation de raccordement doit être opérée par le particulier dans un délai de deux ans à compter de la mise en service de la collecte des eaux usées. Si toutefois cette obligation n’a pas été diligentée, la commune peut mettre en demeure le propriétaire et procéder d’office aux travaux indispensables aux frais de l’intéressé.

Des pénalités sont également prévues puisque le propriétaire sera astreint au paiement d’une somme au moins égale à la redevance qu’il aurait payée au service public d’assainissement si son immeuble avait été raccordé au réseau. Cette somme peut être majorée dans une proportion fixée par le conseil municipal de la commune intéressée et dans une limite de 100%.

Par qui est financé le raccordement ?

Le coût du raccordement se partage entre le propriétaire et la commune. Le propriétaire a la charge de tous les travaux nécessaires pour conduire les eaux usées au réseau public et pour la mise hors service de son ancienne fosse septique.

La commune a habituellement la charge des travaux engagés sur la partie publique. Toutefois, la commune peut se faire rembourser par les propriétaires tout ou partie des dépenses entrainées par les travaux de raccordement, diminuées des subventions éventuellement obtenues et majorées de 10% pour frais généraux. Les modalités de remboursement sont fixées par délibération du conseil municipal de la commune concernée.

Pour les immeubles construits après la mise en service du réseau public d’assainissement, les propriétaires peuvent être astreints par la commune concernée à verser une participation pour le financement de l’assainissement collectif en raison de l’économie réalisée par eux en évitant une installation d’évacuation ou d’épuration individuelle ou la mise aux normes d’une telle installation.

Enfin, les particuliers devront payer une redevance en tant qu’usager du service public d’assainissement.

Ladislas SKURA
Avocat.

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  • par P.Ménard , Le 14 août 2024 à 20:39

    Le Tribunal administratif de Dijon a rappelé que les frais d’extension du réseau d’assainissement collectif ne peuvent être légalement mis à la charge des propriétaires fonciers (TA Dijon, 7 juillet 2020, n° 1802039, rubrique affaires gagnées par le Cabinet, droit administratif divers n° 20).En effet les dispositions combinées du code de la santé publique (L. 1331-1 et L. 1331-4) et du code général des collectivités territoriales (L. 2224-8 et L. 2224-10 ) imposent aux communes ou aux établissements publics de coopération intercommunale compétents (communautés de communes, communautés d’agglomération, communautés urbaines, métropoles) de prendre en charge les travaux d’extension du réseau public d’assainissement dès lors que l’immeuble concerné est situé en zone d’assainissement collectif délimitée par le plan local d’urbanisme communal (PLU) et que les administrés en font la demande. Le Conseil d’Etat a même ajouté que ces travaux devaient être diligentés dans un délai raisonnable suivant la demande des administrés (CE, 24 novembre 2017, n° 396046, Rec. T.).
    Soucieuses du bon usage des deniers publics, les collectivités publiques ont malheureusement parfois tendance à faire supporter les frais d’extension du réseau d’assainissement public sur leurs administrés alors que cette charge leur incombe. Le T A de Dijon procède ici à un juste rappel à l’ordre de l’administration en rappelant que seul le coût du raccordement au réseau public pèse sur les particuliers et non celui des travaux nécessaires d’extension du domaine public.

    Lorsqu’une habitation ne peut être raccordée au réseau d’assainissement public, alors que le terrain sur lequel elle est implantée est bien compris au sein du périmètre d’assainissement collectif fixé au PLU, car le réseau n’y est pas présent, les propriétaires peuvent demander à la collectivité de diligenter les travaux d’extension du réseau public afin qu’il soit présent aux droits du terrain en cause. La collectivité ne peut pas légalement mettre à la charge du demandeur privé les frais d’extension du réseau public (canalisations et éventuelle pompe de relevage situés sous la voie publique), seuls les travaux de raccordement de la partie privée au réseau public restent à la charge du propriétaire privé.

    Les particuliers n’ont pas à payer les dépendances du domaine public desservant leurs propriétés (voiries, trottoirs, canalisations, collecteurs, postes de relevage) et les propriétaires disposent bien d’un droit à l’extension du réseau public d’assainissement jusqu’à leur terrain dès lors que celui-ci figure au sein du périmètre fixé par le PLU.

    Un particulier peut donc contraindre l’administration, en saisissant le juge administratif :
    A mettre en œuvre les travaux d’extension du réseau public d’assainissement
    A prendre en charge le coût de ces travaux

  • Bonjour,

    J’ai une question sur comment determinter la limite précise entre la partie privée (donc a la charge du propriétaire) et la partie publique (donc a la charge de la collectivité) et donc qui doit prendre en compte les frais en cas de bouchon et de refoulement dans les canalisation d’egout.

    A la lecture de certains site je trouve ceci : le reseau d’egout peut etre decomposé en 4 parties :
    - la conduite latérale superieure (de la maison a la limite de propriété)
    - la conduite laterale inferieure (de la limite de propriété au raccordement à la conduite principale de la ville.....)
    (la conduite inferieure n’existe que si le raccordement a la contuite principale se fait en dehors du terrain du proprietaire)
    - la conduite principale de la ville (elle menre a l’egout de la ville)
    - les egouts de la ville.

    Il est egalement ecrit que le propriétaire est responsable des conduites latérales superieures et inferieures et que la ville est responsable du raccordement de la conduite principale et bien sur des egouts et conduites de vidange.

    MA QUESTION : comment determiner precisement le point entre la conduite lateralte inférieure et la conduite principale d’egout de la ville.

    Pour moi, c’est le tampon qui a été mis en place dans chaque lot lors de la creation du lotissement

    Cela me semble logique car il permet du coup de tres clairement identifier qui est responsable en cas de soucis :
    - le tampon est plein, le bouchon est en aval, c’est la responsabillité de la ville qui est engagée
    - le tampon est vide, le bouchon est donc en amont dans les conduites laterales, c’est le propriétaire qui est responsable et doit supporter les frais de debouchage.

    Pouvez vous me dire si j’ai raison ou je me trompe et si il y a un document legal sur ce sujet

    D’avance merci

    Pascal

  • Bonjour.
    Nous avons acquis une maison au mois de juillet dernier avec ma compagne dont le boitier de branchement aux eaux usées est présent sur la voie publique à proximité de l’habitation.
    Un diagnostic a été réalisé et met en évidence la non conformité de la fausse existante.
    Le dispositif d’assainissement est présent depuis plusieurs années, sans que le délai des deux ans au raccordement n’ait été fait respecté, à l’époque, par la Mairie.
    Depuis le 01/01/2020 la communauté de commune a repris la gestion de l’eau. Elle indique évidemment qu’il est nécessaire de se mettre au normes le plus rapidement possible. Cette dernière m’indique qu’ils ne sont pas au courant de tous les raccordements effectués (ou pas) à l’époque par la Mairie.
    A qui revient la charge du raccordement ? N’y a t’il pas un défaut de mission de la Mairie ?
    Y a t’il eu jurisprudence en la matière ?

    Je vous remercie

    Bien cordialement.

  • par PATRICK SERIS , Le 4 octobre 2021 à 17:41

    bonjour,
    une commune peut-elle dans le même temps instituer une PFAC et exiger le remboursement à 100% des travaux sur l’espace public pour le branchement d’une grange sur le réseau des eaux usées( bâtiment jusqu’à présent non habitable) ?
    avec mes remerciements

  • par Constructions traditionnelles d’Armor laurent ollivier gérant , Le 29 juin 2021 à 23:35

    Bonjour je suis constructeur de maisons individuelles
    Et depuis quelques semaines j’ai plusieurs permis qui reviennent sous refus du préfet des cotes d’Armor sur le seul critère que le branchement aux tout à l’égout n’est pas possible du fait de là non conformité des communes qui gèrent les stations d’épurations .
    On nous annonce des attentes de plusieurs années !!!!
    J’aimerais avoir une solution juridique une jurisprudence sur le manquement des communes ou des gestionnaires des réseaux pour faire autoriser mes permis pour mes clients en plein désarroi
    Merci beaucoup

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