Droit des successions, partage judiciaire : peut-on faire valoir ses arguments quand on veut ?

Par Magalie Borgne, Avocat.

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Explorer : # partage judiciaire # droit des successions # désaccord des copartageants # nullité de testament

En cas d’impossibilité de parvenir à un partage amiable d’une succession, et pour sortir d’une indivision, il faut demander au Tribunal de désigner un notaire à l’effet de procéder à son partage judiciaire. Mais les désaccords peuvent persister après cette désignation, et les parties continuent alors à échanger leurs prétentions. Jusqu’à quel stade peuvent-elles invoquer un nouvel argument ?

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La procédure en la matière est cadrée par la loi.

Le notaire désigné par le tribunal constitue l’intermédiaire entre les parties, et doit rendre compte de sa mission à la juridiction qui a prononcé sa désignation. A cet effet, un juge commis sera chargé de surveiller le bon déroulement des opérations dont le notaire a la charge.

S’il rencontre des difficultés, le notaire doit en faire part au juge commis et peut lui demander toute mesure de nature à faciliter le déroulement de sa mission.

En cas de désaccord des copartageants sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire (article 1373 du Code de procédure civile), ce dernier transmet au juge commis un procès-verbal reprenant les demandes respectives des parties ainsi que le projet d’état liquidatif.

Le juge commis peut entendre les parties ou leurs représentants ainsi que le notaire, et tenter une conciliation. Il dresse un rapport des points de désaccord subsistants qu’il remet au tribunal.

L’article 1374 du Code de procédure civile précise que toute demande distincte de celles figurant dans le rapport du juge commis est irrecevable (c’est-à-dire rejetées sans même avoir été étudiées) à moins que le fondement des prétentions ne soit né ou ne soit révélé que postérieurement à l’établissement de ce rapport.

Un arrêt rendu ce 1er juin 2017 par la Cour de cassation (lire l’arrêt) apporte une illustration de ces dispositions légales.

En l’espèce, deux frère et sœur s’opposent dans le cadre de la succession de leur grand-mère. Un notaire est désigné en justice à l’effet d’accomplir les opérations de compte, liquidation et partage au cours desquelles les désaccords persistent. Le notaire dresse un projet d’état liquidatif ainsi qu’un procès-verbal de difficultés et de carence transmis au juge commis qui à son tour, établit un procès-verbal de carence et renvoie les parties devant le tribunal. Un jugement est alors rendu, contre lequel un appel est interjeté.

Le frère sollicite la nullité pour insanité d’esprit d’un testament par lequel sa grand-mère avait institué sa sœur en qualité de légataire universel. Il estime que cette demande ne constitue pas un « point de désaccord sur le projet d’état liquidatif dressé par le notaire » et ne relève donc pas du champ d’application des articles 1373 et 1374 précités susceptibles de la rendre irrecevable.

La Cour de cassation ne partage pas ce point de vue : doit être rejetée une demande en nullité de testament, dès lors que celle-ci vise à modifier les droits des parties et, par conséquent, les bases de la liquidation.

De plus, la Cour prend soin de noter que cette demande d’annulation a été formée pour la première fois en cause d’appel, sans avoir été préalablement soumise au juge commis, et que le motif de nullité invoqué, à le supposer réel, préexistait à l’introduction de l’action en partage.

Il importe donc aux parties de soulever l’ensemble de leurs demandes susceptibles d’impacter les bases de la liquidation de la succession devant le notaire désigné et en tout état de cause avant que le juge commis ne rende son rapport. A défaut, une demande tardive risque d’être rejetée même si elle est fondée.

A noter que les formalités prescrites par les articles 1373 et 1374 précitées ne sont pas d’ordre public, de sorte qu’il est possible d’y renoncer à la condition que toutes les parties consentent à cette renonciation. Mais, il est bien évident qu’en cas de désaccord, cette unanimité fera défaut. Mieux vaut ne pas y compter et concentrer ses demandes dès le début des opérations du notaire désigné.

Magalie BORGNE Avocat en droit des affaires / Droit des successions
Cabinet ELOQUENCE

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Discussions en cours :

  • par Weis , Le 25 janvier 2024 à 19:03

    Bonjour Maître,

    A on un délai de rétractation sur la signature d’un procès verbal notarial ?

  • Bonjour,

    J’ éprouve depuis 10 ans à obtenir un leg suite à désaccord d’une légataire (en l’occurence l’épouse du défunt)

    Notre notaire nous a conseillé de prendre un avocat pour qu’il emette un PV pour le partage des biens :( le projet de partage a été rédigé)

    Cet avocat en sus de ces honoraires de consultation (600 €) me dit que pour ce PV les honoraires s’élèvent à 3 600 €

    A cela il rajouter les honoraires d’un avocat 1 500€ (notre avocat est du barreau de Paris et le notaires est à Franconville donc le tribunal de Versailles)
    Au total 5 100€ pour obtenir un bien : n’y a t’il d’autres solutions moins onéreuses
    Cordialement

    • par Piraud nadia , Le 25 novembre 2020 à 12:06

      Mon neveu bloque depuis 2ans la succession de ma maman
      Un juge a été saisi
      Peut il refaire appel lorsque le juge aura pris sa décision ??
      Et combien de fois peut-il le faire ??
      Merci pour vos réponses

    • par abad , Le 6 août 2022 à 13:39

      Vous devez demander à votre avocat ses honoraires avant toutes procédures . Chaque avocat a un tarif donc à vous de chercher celui qui vous conviendra .Bon courage

  • par fretilliere marie , Le 17 novembre 2018 à 18:54

    je garde ma mère handicapée chez elle pendant 15 ans afin de lui éviter une maison de retraite qu’elle n’aurait pas supporté étant donné ses facultés
    intellectuelles ( prof de lettres grec, latin, Français.Je quitte mon travail à 57 ANS donc petite retraite mais ce n’est pas important , on vit bien elle fait un testament authentique me nommant légataire universelle avec les 2/3 1/3 à mon frère qui ne vient JAMAIS la voir et de ce fait me déteste, à son décès ( à 100ans) LE CAUCHEMAR commence et dure, mon frère fait le maximum pour m’enpécher de vendre la maison , me demande un loyer
    et quand arrive la licitation , mon avocate "omet de parler du testament"
    le notaire chargé par le tribunal de faire le partage dit que le testament n’a pas été cité au tribunal le partage se fait à mon détriment je ne veux pas tomber dans le misérabilisme mais je n"ai plus de ressort Puis je prendre un avocat à mon âge 78 ans je ne sais plus que faire Merci

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