1. La responsabilité pécuniaire issue du statut d’entrepreneur individuel ou d’associé
Rappelons que dans une entreprise individuelle, le patrimoine de l’entrepreneur est toujours engagé. Ainsi, à la différence d’un salarié ordinaire, un entrepreneur individuel est pécuniairement responsable sur ses biens personnels.
En cas de déficit et de dettes envers les créanciers, ces derniers pourront faire procéder à des saisies sur son patrimoine personnel, quand bien même la dette aurait un caractère professionnel.
L’auto-entrepreneur, issu de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, n’échappe pas à cette règle.
Au contraire, le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), institué par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, implique l’affectation d’« un patrimoine séparé de son patrimoine personnel, sans création d’une personne morale ».
En cas de difficulté, seuls les biens affectés à ce patrimoine peuvent être saisis par les créanciers. L’entrepreneur peut ainsi protéger sa famille (article L. 526-6 du Code de commerce).
Toutefois, une limite importante à cette protection a été apportée par l’ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 qui a étendu à l’EIRL les règles relatives à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif.
Pour les sociétés, les associés engagent leur responsabilité civile, indépendamment de leur qualité éventuelle de dirigeants sociaux.
Ainsi, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales, à proportion de leur part dans le capital social à la date de l’exigibilité ou au jour de la cessation des paiements (article 1857 al. 1 du Code civil) ; l’associé qui n’a apporté que son industrie étant tenu comme celui dont la participation dans le capital social est la plus faible (article 1857 al. 2 du Code civil).
Par ailleurs, les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu’après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale (article 1858 du Code civil).
En pratique, la faiblesse de la garantie que constitue le capital social amène souvent les établissements bancaires à subordonner l’octroi d’un crédit, à la société, à l’obtention de garanties personnelles des associés dirigeants.
Dans la société en nom collectif en revanche, les dirigeants associés sont tous commerçants et sont indéfiniment et solidairement tenus de tous les engagements de la société.
2. La responsabilité pécuniaire pour insuffisance d’actif
En cas de liquidation judiciaire, les dirigeants sociaux peuvent être condamnés à supporter, tout ou partie du passif de la société, s’il est démontré qu’ils ont commis une faute de gestion à l’origine d’une insuffisance d’actif.
L’action en paiement de l’insuffisance d’actif est par nature une action en responsabilité qui est régie, non pas par les articles 1382 et 1383 du Code civil, mais par les articles L. 651-2 et suivants du Code de commerce.
Elle est ainsi prévue par l’article L. 651-2 al. 1 du Code de commerce :
« Lorsque la liquidation judiciaire d’une personne morale fait apparaître une insuffisance d’actif, le tribunal peut, en cas de faute de gestion ayant contribué à cette insuffisance d’actif, décider que le montant de cette insuffisance d’actif sera supporté, en tout ou en partie, par tous les dirigeants de droit ou de fait, ou par certains d’entre eux, ayant contribué à la faute de gestion.
En cas de pluralité de dirigeants, le tribunal peut, par décision motivée, les déclarer solidairement responsables (…) ».
L’article L. 651-2 al. 3 du Code de commerce précise que cette action se prescrit par trois ans à compter du jugement qui prononce la liquidation judiciaire.
Le tribunal compétent pour connaître une action en comblement de passif est celui qui a prononcé la liquidation judiciaire de la personne morale (article R. 651-1 du Code de commerce).
La notion de faute de gestion est la même que celle qui peut donner lieu à une action de la société ou des associés, en l’absence de liquidation judiciaire, sur le fondement des articles 1382 et 1383 du Code civil.
Le juge ne peut déduire, de la seule importance du passif constaté, la réalité des fautes de gestion du dirigeant. Il doit caractériser celles-ci.
L’administrateur a commis une faute de gestion en s’abstenant d’exiger du dirigeant qu’il effectue la déclaration de cessation des paiements de l’entreprise (Cass. com. du 25 mars 1997, n° 95-10.995).
Le lien de causalité entre la faute du dirigeant et l’insuffisance d’actif est entendu par la loi d’une façon large puisqu’il suffit que la faute de gestion ait « contribué » à l’insuffisance d’actif.
Toutefois, la responsabilité d’un dirigeant a été écartée, en dépit de faute de gestion consistant en la tenue d’une comptabilité incomplète, compte tenu du fait que les difficultés financière de la société provenaient de facteurs extérieurs, en l’espèce les importations massives de produits textiles en provenance de Chine.
Rappelons ici que l’ordonnance n° 2010-1512 du 9 décembre 2010 a étendu, à la situation de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), les règles relatives à l’action en responsabilité pour insuffisance d’actif. Le tribunal peut désormais « condamner cet entrepreneur à payer tout ou partie de l’insuffisance d’actif. La somme mise à sa charge s’impute sur son patrimoine non affecté » (article L. 651-2, al. 2 du Code de commerce).
3. La responsabilité pécuniaire vis-à-vis de l’administration des impôts
Le dirigeant d’entreprise est tenu solidairement au paiement du passif fiscal de la société lorsque le recouvrement des dettes fiscales de cette dernière s’est avéré impossible du fait de son comportement spécifique.
Cette responsabilité fiscale du dirigeant est prévue par l’article L. 267 du Livre des procédures fiscales (LPF) :
« Lorsqu’un dirigeant est responsable de manœuvres frauduleuses ou de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales qui ont rendu impossible le recouvrement des impositions et des pénalités dues par la société, la personne morale ou le groupement, ce dirigeant peut, s’il n’est pas déjà tenu au paiement des dettes sociales en application d’une autre disposition, être déclaré solidairement responsable du paiement de ces impositions et pénalités ».
Cette responsabilité solidaire du dirigeant peut concerner les impôts de toute nature dus par la société, ainsi que les pénalités.
Elle s’applique à tout dirigeant, et concerne également la personne physique dirigeant la société gérante d’une société en participation (CA Paris du 27 septembre 2007, n° RG : 06/12904).
Il appartient au juge du fond de caractériser la responsabilité personnelle du dirigeant pendant l’exercice effectif de son mandat social en ce qui concerne l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales incombant à la société (Cass. com. du 7 juillet 2009, n°08-17812).
L’action en responsabilité pour insuffisance d’actif ne fait pas obstacle à cette action en responsabilité fiscale.
Le comptable public ne peut toutefois engager cette action qu’avec l’autorisation du directeur des services fiscaux. Cette action doit, par ailleurs, être intentée « dans des délais satisfaisants ». Il a ainsi été jugé qu’une action engagée sept ans après les faits était hors délai.
Par ailleurs, le dirigeant d’une société ne saurait être condamné à payer solidairement les impositions dues par celle-ci que si l’administration démontre qu’elle a vainement tenté, en temps utile, de recouvrer les impositions litigieuses.
Ainsi, aucune forme d’entreprise ne peut mettre à l’abri les dirigeants d’entreprise d’être tenus des dettes de l’entreprise. Seul un comportement adéquat peut garantir les dirigeants de tout risque. Aussi, l’intérêt notamment d’un régime marital limitant le patrimoine propre prend tout son sens (séparation de bien ou participation aux acquêts).