Le courtier grossiste n’est pas tenu à une obligation de conseil.

Par Nicolas Defieux, Avocat.

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Explorer : # obligation de conseil # courtier grossiste # responsabilité # assurance emprunteur

Dans un arrêt du 23 mars 2017, la Cour de cassation a logiquement retenu que le courtier grossiste n’est pas débiteur de l’obligation de conseil lors de la conclusion du contrat d’assurance.

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Contestant une surprime appliquée sur son assurance emprunteur, une assurée engage la responsabilité du courtier gestionnaire de son contrat, aussi appelé « courtier grossiste », pour défaut de conseil sur le fondement de l’article L.520-1 du Code des assurances.

Pour débouter l’assurée de ses demandes, la cour d’appel refuse de mettre à la charge du courtier grossiste une obligation de conseil après avoir constaté :
- que si le courtier grossiste, chargé d’effectuer la gestion administrative des dossiers des assurés, a remis les documents contractuels à l’assurée,
- il n’en reste pas moins que ses lettres ultérieures, comme les certificats d’adhésion, mentionnent en qualité d’assureur-conseil un autre courtier, par l’intermédiaire duquel les propositions d’assurance ont été signées et lui ont été transmises,
- et que l’assurée ne démontre pas que le courtier grossiste est intervenu dans la proposition des produits d’assurance alors qu’il est établi qu’il a seulement agi comme gestionnaire de dossiers par délégation de l’assureur et que le seul fait qu’il ait échangé des lettres avec l’assurée ne peut caractériser une relation contractuelle.

La Cour de cassation approuve cette position en retenant « qu’ayant ainsi souverainement constaté que la société courtier grossiste, intervenue dans la seule gestion administrative du contrat d’assurance sur délégation de l’assureur, n’avait ni proposé le contrat d’assurance ni participé à l’élaboration de la proposition d’assurance, la cour d’appel en a exactement déduit qu’elle n’était débitrice à l’égard de l’assurée d’aucune obligation d’information et de conseil ».

C’est à notre sens la première fois que la Cour de cassation se positionne aussi clairement sur la question de la répartition de l’obligation de conseil entre deux courtiers intervenant dans la commercialisation d’un contrat d’assurance, l’un étant courtier « grossiste » et l’autre courtier « direct ».
Il faut rappeler que l’article L.520-1 II. 2 du Code des assurances impose à tout intermédiaire d’assurance, avant la conclusion d’un contrat, de « préciser les exigences et les besoins du souscripteur éventuel ainsi que les raisons qui motivent le conseil fourni quant à un produit d’assurance déterminé.  »
Il s’agit de l’obligation de conseil à laquelle est notamment tenu le courtier d’assurance préalablement à la conclusion du contrat, l’article L.520-1 précité n’ayant fait que préciser les contours et modalités de cette obligation mise à la charge des intermédiaires depuis longtemps par la jurisprudence (Cass. 1re civ., 10 nov. 1964 : Bull. civ. 1964, I, n° 493).

Restait le point de savoir si le courtier grossiste était soumis à cette obligation de conseil alors même qu’il n’est pas en contact direct avec le client mais s’intercale entre l’assureur, dont il est généralement le délégataire pour la gestion des contrats, et un autre intermédiaire d’assurance qui, lui, va directement présenter et proposer le contrat au client et être à même dans ce cadre de lui délivrer un conseil personnalisé.
Dans la chaîne de commercialisation d’un contrat d’assurance, deux courtiers peuvent donc cohabiter, un courtier gestionnaire (le courtier grossiste) qui n’est par définition, jamais en relation directe avec le client, et un courtier distributeur (le courtier « direct ») et c’était le cas dans l’arrêt rapporté.

Dans cette affaire, la Cour de cassation n’a pas manqué de retenir de manière pragmatique que le courtier grossiste n’était pas débiteur de l’obligation de conseil dans la mesure où il n’avait ni proposé le contrat d’assurance ni participé à l’élaboration de la proposition d’assurance et s’était borné à assurer la seule gestion administrative du contrat.
Il s’en déduit que seul le courtier direct pouvait voir sa responsabilité recherchée pour défaut de conseil lors de la conclusion du contrat.
Ainsi, en présence de deux courtiers intervenant dans le processus de commercialisation d’un contrat, la Cour de cassation met l’obligation de conseil à la charge du courtier qui réalise les prestations de présentation et de proposition du contrat directement auprès du client.

Le courtier grossiste est exonéré de toute obligation de conseil à l’égard de l’assuré à la condition de ne pas intervenir dans la proposition du contrat auprès de celui-ci.
Cela signifie qu’a contrario, s’il est mis en évidence une participation du courtier grossiste dans l’élaboration de la proposition d’assurance directement auprès du client, sa responsabilité pourrait être recherchée pour défaut de conseil solidairement avec le courtier direct.

Cass. 2e civ., 23 mars 2017, n° 16-15.090, F-P+B+I

Nicolas Defieux
Avocat au Barreau de Paris
www.ndsravocats.fr

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