Un candidat à l’assurance avait mandaté un courtier pour assurer son nouveau véhicule et lui avait transmis ses relevés d’informations relatifs à ses deux autres véhicules où figurait la mention de 9 sinistres dont 8 survenus dans les 36 derniers mois.
Probablement par négligence, le courtier a renseigné dans le questionnaire d’assurance l’existence de 2 sinistres seulement en contrariété avec les antécédents connus de son client.
Un sinistre survient, déclaré à l’assureur, qui relève la fausseté de la déclaration initiale du risque et annule le contrat d’assurance au visa de l’article L. 113-8 du Code des assurances précité.
L’assuré assigne alors l’assureur pour contester l’annulation du contrat et, à titre subsidiaire, son courtier pour engager sa responsabilité professionnelle.
Suivant en cela les premiers juges, la Cour d ‘appel de Paris a confirmé la nullité du contrat d’assurance pour fausse déclaration intentionnelle du risque et a retenu la responsabilité du courtier, fautif de ne pas avoir déclaré le nombre exact de sinistres de son client et de ne pas avoir corrigé les mentions du contrat relatives au nombre de ceux-ci, avant de le proposer à son client.
Au regard de ces fautes, et de la nullité du contrat prononcée au visa l’article L. 113-8 du Code des assurances à la suite d’un sinistre déclaré par l’assuré, le courtier a été condamné à indemniser son client du préjudice constitué d’une perte de chance d’avoir pu bénéficier d’une indemnité contractuelle d’assurance pour son sinistre.
Rappelons que lors de la souscription d’un contrat d’assurance, le candidat à l’assurance est tenu « de répondre exactement aux questions posées par l’assureur, notamment dans le formulaire de déclaration du risque par lequel l’assureur l’interroge lors de la conclusion du contrat, sur les circonstances qui sont de nature à faire apprécier par l’assureur les risques qu’il prend en charge » (L.113-2 du Code des assurances).
A défaut de répondre loyalement aux questions posées par l’assureur, le contrat d’assurance est nul pour fausse déclaration intentionnelle de la part de l’assuré, « quand cette fausse déclaration change l’objet du risque ou en diminue l’opinion pour l’assureur, alors même que le risque omis ou dénaturé par l’assuré a été sans influence sur le sinistre » (L. 113-8 du Code des assurances).
Si la déclaration des risques est renseignée par le courtier, la nullité du contrat pour fausse déclaration intentionnelle est opposable à l’assuré qui assume les éventuelles erreurs commises par son courtier mandataire.
Naturellement, dans ce cas, l’assuré peut mettre en cause la responsabilité de son courtier pour faute de celui-ci afin d’obtenir réparation du préjudice subi du fait de la nullité du contrat d’assurance et c’est ce qui advint dans l’affaire rapportée.
Dans la décision du 20 février 2020, les juges du fond ont sanctionné un défaut de diligence du courtier, défaillant dans l’exécution de la mission pour laquelle il avait été mandaté consistant à remplir le questionnaire d’assurance de son client au vu des informations qui lui avaient été transmises.
Le client avait bien adressé à son courtier tous les éléments nécessaires à l’appréciation du risque par l’assureur, en lui communiquant notamment tous ses relevés d’information.
S’agissant d’un professionnel de l’assurance, la jurisprudence apprécie sévèrement le fait que le courtier ait mal rempli la proposition d’assurance alors qu’il disposait des éléments d’information dont il ne pouvait pas ignorer l’utilité pour l’appréciation du risque (Cass. 1re civ., 26 févr. 1991, n° 88-17411).
C’est dans la lignée de cette jurisprudence que la Cour d’appel de Paris a retenu la responsabilité du courtier pour avoir renseigné une information erronée dans la proposition d’assurance automobile.
Il est somme toute logique que le courtier assume pleinement les erreurs commises dans ce cadre ; le courtier disposant des relevés d’information de son client, il se devait de remplir correctement la déclaration des risques laissant à l’assuré le soin de signer le contrat en toute confiance quant à l’exactitude des mentions renseignées.
De manière habile, le courtier a tenté de se défendre en soulignant que son client n’avait pas vérifié le contenu de son contrat au moment de le signer mais au contraire, avait expressément paraphé chacune des pages des dispositions contractuelles claires et précises, qui comportaient pourtant la mention erronée concernant le nombre de sinistres survenus au cours des 36 derniers mois.
A travers cette défense, le courtier espérait sans doute obtenir un partage de responsabilité en prouvant que l’assuré lui-même était au moins en partie fautif d’avoir signé le contrat en connaissant la fausseté de l’indication qu’il comportait et en omettant de la corriger.
Mais cet argument a été rejeté par les juges du fond, qui ont relevé que le courtier ne justifiait pas avoir alerté son client « en exécution de son obligation de conseil » sur les conséquences effectives et financières résultant d’une fausse déclaration à l’assureur pour la mise en jeu ultérieure de la garantie.
Autrement dit, n’ayant pas incité son client à vérifier le contenu tant du questionnaire d’assurance que du contrat, et ne l’ayant pas alerté sur les risques d’une fausse déclaration, le courtier était, pour les juges, infondé à reprocher à son client l’absence de vérification du contenu du contrat.
Est-ce à dire que s’il avait effectué une telle alerte, il aurait pu s’exonérer de toute responsabilité ou a minima obtenir un partage de responsabilité ?
De deux choses l’une :
soit le courtier est à l’origine de l’erreur et alors lui demander d’alerter son client est illusoire puisqu’il ne sait précisément pas qu’il s’est trompé : dans ce cas le courtier sera pleinement responsable sauf à rapporter la preuve – inexistante en l’espèce – d’une mauvaise foi patente de l’assuré au travers de circonstances laissant apparaître, qu’ayant relevé la bévue du courtier, il aurait choisi de se taire et de signer un contrat mal renseigné ;
soit le client est à l’origine de la mention inexacte et le courtier s’en rend compte : le courtier est alors tenu d’alerter son client sur le caractère inexact ou incohérent de l’information renseignée et des conséquences résultant d’une fausse déclaration à l’assureur. S’il le fait, il sera logiquement exonéré de toute responsabilité. S’il ne le fait pas, il sera responsable en tout ou partie du préjudice subi du fait de la nullité du contrat. Il a déjà été jugé que le courtier qui connaît les antécédents de son client et qui n’attire pas son attention sur les conséquences d’une fausse déclaration manque à son devoir de conseil (Cass. 1re civ., 13 nov. 1985, n° 84-11673).
Le courtier est condamné à réparer le préjudice subi par son client du fait du refus d’indemnisation opposé par l’assureur, étant noté qu’en l’absence de certitude sur le point de savoir si l’assureur aurait accepté la souscription du contrat dans l’hypothèse où l’ensemble des sinistres avaient été déclarés, le préjudice de l’assuré ne peut consister qu’en une perte de chance réelle et certaine de pouvoir mettre en jeu le contrat d’assurance, et donc à une fraction des préjudices résultant du refus de prise en charge par l’assureur que la Cour d’appel a évalué en l’espèce à 85 %.