Conflits de loi et adoption.

Par Caroline Elkouby Salomon, Avocat

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Explorer : # conflit de loi # adoption internationale # effets de l'adoption # nationalité française

Quels seront en France les effets d’une adoption prononcée à l’étranger, qu’elle soit simple ou plénière ?
Quelles sont les règles de droit international qui viendront régler les conflits de loi ? A titre d’exemple : que décidera un juge français devant la demande d’adoption d’un couple dont la loi nationale autorise l’adoption, mais dont celle de l’adopté la prohibe, ou encore si les effets de l’adoption ne sont pas les mêmes dans la loi de l’adopté et dans celle de l’adoptant ?

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I) Les règles de conflit de loi

1. Une règle de conflit de loi régit les adoptions prononcées à l’étranger ; celle-ci est énoncée à l’article 370-3 du code civil : « Les conditions de l’adoption sont soumises à la loi nationale de l’adoptant ou, en cas d’adoption par deux époux, par la loi qui régit les effets de leur union.  »

2. En outre, la loi de l’adoptant ne doit pas prohiber l’adoption. Par exemple : Un couple de nationalité marocaine ne pourra donc pas adopter un enfant en France puisque la loi marocaine prohibe l’institution de l’adoption.

3. Il en est de même pour la loi nationale de l’adopté mineur : en effet, si sa loi personnelle prohibe l’adoption, celle-ci ne pourra être prononcée. Cette prise en compte de la loi nationale de l’adopté pose notamment une difficulté majeure pour les enfants de nationalité marocaine ou algérienne : ceux-ci ne pourront qu’être recueillis en kafala (recueil légal fondé sur la transfert d’autorité parentale). La conversion en France d’une kafala en adoption sera donc impossible.

Toutefois, l’article 370-3 du Code civil prévoie que si l’enfant est né et réside habituellement en France, son adoption sera possible en dépit de la prohibition de son adoption par sa loi nationale. Ainsi, un enfant de nationalité marocaine né et résidant habituellement en France pourra être adopté.

4. Le cas de l’adoption simple d’un majeur. La jurisprudence soumet les adoptions de majeurs à l’étranger à la loi nationale de l’adopté ; cependant l’adoption simple d’un majeur pourra être prononcée par le juge français même si sa loi personnelle la prohibe : en effet, en droit français, seule l’adoption d’un mineur ne pourra pas être prononcée si sa loi personnelle le prohibe (Article 370-3 alinéa 2).

II) Les effets de l’adoption

D’une part, l’article 370-5 du Code Civil dispose que : « l’adoption régulièrement prononcée à l’étranger produit en France les effets de l’adoption plénière si elle rompt de manière complète et irrévocable le lien de filiation préexistant. A défaut, elle produit les effets de l’adoption simple  ».
L’adoption simple prononcée à l’étranger pourra être convertie en adoption plénière à la condition que les consentements requis aient été donnés expressément en connaissance de cause « sur le caractère complet et irrévocable de la rupture du lien de filiation préexistant  » (alinéa 3 de l’article 370-3 Cciv).

D’autre part, la Convention de la Haye du 29 mai 1993 facilite la reconnaissance des décisions d’adoptions entre les Etats signataires. « Si l’adoption a pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, l’enfant jouit, dans l’Etat d’accueil et dans tout autre Etat contractant où l’adoption est reconnue, des droits équivalents à ceux résultant d’une adoption produisant cet effet dans chacun de ces Etats » (Article 26).

En outre, lorsqu’une adoption faite dans l’Etat d’origine n’a pas pour effet de rompre le lien préexistant de filiation, elle peut, dans l’Etat d’accueil qui reconnaît l’adoption conformément à la Convention, être convertie en une adoption produisant cet effet,
a) si le droit de l’Etat d’accueil le permet ; et
b) si les consentements visés à l’article 4, lettres c) et d), ont été ou sont donnés en vue d’une telle adoption. » (Article 27)

Pour répondre à notre problématique, une adoption prononcée à l’étranger pourra produire les effets d’une adoption plénière :
- si elle « rompt de manière complète et irrévocable les liens de filiation préexistants » ;
- ou si les parties en ont demandé la conversion en une adoption plénière et les consentements requis ont été donnés.

L’article 370-4 du Code Civil énonce que « les effets de l’adoption prononcée en France sont ceux de la loi française ».
En conséquence seule l’adoption plénière confère directement à l’adopté la nationalité française.

En outre, l’acquisition de la nationalité française pour un enfant ayant bénéficié d’une adoption simple étrangère (article 21-12 du code civil) est subordonnée à l’exéquatur de la décision d’adoption. Cette exigence est énoncée à l’article 16-3° du décret n°93-1362 du 30 décembre 1993.

Caroline ELKOUBY SALOMON
Avocat au Barreau de Paris
Spécialisée en droit de la famille, des personnes et du patrimoine
Associée du cabinet BES Avocats
www.bes-avocats.com

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  • par Marie-Lucie Le Hunsec , Le 23 février 2018 à 09:24

    Bonjour,
    nous sommes Français d’origine, mais vivant au Québec depuis 1993. j’ai un fils né en 2004 d’un père Québecois. Il n’a jamais voulu s’occuper de son fils. Mon conjoint, père de nos 2 autres fils a donc adopté de façon plénière notre garçon avec l’accord de son père biologique. Le jugement a été rendu et tout c’est passé à merveille.
    Étant Française ainsi que mon conjoint, nous avons décidés de demander la nationalité Française pour notre garçon. le TGI de Nantes ne veut pas reconnaitre l’adoption de notre fils et c’est un bazar pour obtenir la nationalité Française pour lui. Je suis sa mère biologique et je suis Française de souche ! je ne comprends plus rien. j’ai 2 fils Français et 1 Canadien. Le petit à toujours vécu avec nous, il ne voyait pas son père. Il a aujourd’hui 13 ans, donc nous voyageons avec des passeports canadiens pour être solidaire avec notre fils et non avec nos passeports Français. Je ne sais pas quoi faire.
    j’aurai du demander sa nationalité Française par filiation dès sa naissance.

    ci dessous l’article de loi Québecois pour l’adoption de mon fils par mon conjoint ( français de souche aussi).
    Adoption par consentement spécial
    Ministère de la Justice
    L’adoption par consentement spécial permet au parent d’un enfant mineur de préciser par quelle personne son enfant peut être adopté. Si l’enfant a 14 ans ou plus, son consentement doit être obtenu.
    Il existe différentes façons d’adopter un enfant domicilié au Québec, dont l’adoption par consentement spécial qui permet à un des parents ou aux parents d’un enfant mineur de préciser par quelle personne ou par quel couple ils consentent que leur enfant soit adopté. Le consentement peut seulement être donné
    au conjoint d’un des parents de l’enfant ;
    à un proche parent de l’enfant, tels
    son grand-père ou sa grand-mère,
    au conjoint d’un proche parent de l’enfant ;
    Un enfant peut être adopté par le conjoint d’un de ses parents si ce parent ainsi que l’autre parent de l’enfant (l’ex-conjoint) y consentent. Cependant, le consentement de l’autre parent n’est pas nécessaire lorsque ce dernier est inconnu, décédé, dans l’impossibilité de manifester sa volonté ou déchu de l’autorité parentale.
    Démarches judiciaires
    Si c’est le cas, le juge prononce un jugement d’adoption. L’adoptant et l’enfant ont alors les mêmes droits et obligations que ceux qui se rapportent à la filiation par le sang. Le directeur de l’état civil dresse alors un nouvel acte de naissance pour l’enfant.
    Consentement de l’enfant
    Un enfant de 10 ans ou plus doit être consulté relativement à son adoption afin que son consentement soit obtenu.

  • par Frederique , Le 26 octobre 2017 à 10:29

    Merci consoeur pour ces précisions !

  • bonjour,
    pour la nationalite francaise il n’y a plus besoin d’exequatur suite a une crculaire du 11 juin 2010.elle est reconnue de plein droit en france
    je suis depuis 6 ans tous les articles que je peux ’comprendre’ !!
    car je suis une maman francaise quia a fait une kafala en 2007, et j’arrive a grand pas a la demande de nationalite francaise.

    • Oui, sans problème après 5 ans de présence en France, nous avons obtenu la nationalité française pour nos deux garçons recueillis par Kafala. La question qu’on se pose, est-ce que cette nationalité française coupe le lien avec la loi marocaine de l’enfant et est ce que du coup on peut demander une adoption plénière ?

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