Distincte de l’adoption plénière ou même adoption simple - cette institution, qu’est la « Kafala » musulmane se définie classiquement comme étant l’engagement de prendre bénévolement en charge un enfant mineur sans pouvoir créer un quelconque lien de filiation, en lui assurant, entretien - éducation et protection.
Avant de mettre en lumière la position de la CEDH, un rappel du principe au regard du droit français s’impose…
Position au regard du Droit français : la loi n°2001-111 du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale
L’objectif principal de cette loi était de fixer une règle de conflit de lois en matière d’adoption internationale.
Le principe est ainsi codifié à l’article 370-3 du Code civil lequel dispose, dans son 2ème alinéa que “l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France”.
La règle prohibitive posée par le législateur français a pour finalité de ne pas imposer unilatéralement une conception française et/ou européenne de l’adoption, mais aussi et surtout de ne pas aboutir à ce que l’enfant ait un statut “boiteux” – puisque la qualité d’enfant adopté n’aura pas vocation à être reconnue dans son pays d’origine…
Position de la Jurisprudence : les arrêts de la 1ère chambre civile du 10 octobre 2006 (Bull n/s 431 et 432)
En dépit de la règle de conflit de lois clairement posée dans le nouvel article 370-3 alinéa 2 du Code civil, des juridictions du fond avaient prononcé des décisions aux fins d’adoptions simples d’enfants pris en Kafala… Aucun appel n’avait été interjeté. Dans ces conditions et afin de respecter le texte à la lettre, le Ministre de la Justice ne pouvait que saisir la Cour régulatrice.
C’est ainsi que saisie de deux pourvois dans l’intérêt de la Loi, la 1ère chambre civile, dans deux arrêts du 10 octobre 2006 (n/s 0615264 et 0615265), concernant un recueil en kafala marocain et un recueil en Kafala algérien, a jugé, au visa de l’article 370-3 alinéa 2 du code Civil :
« que l’adoption d’un mineur étranger ne peut être prononcée si sa loi personnelle prohibe cette institution, sauf si ce mineur est né et réside habituellement en France ;
Dans cette affaire, le juge français avait été saisi d’une requête en adoption plénière de l’enfant et à titre subsidiaire d’une adoption simple en cause d’appel.
La Décision, a fortiori la position à adopter est non équivoque :
« Attendu que pour prononcer l’adoption simple, subsidiairement demandée en appel, l’arrêt attaqué, après avoir relevé que la loi personnelle de l’enfant, interdisait l’adoption, retient que la loi algérienne, sous le nom de kafala ou recueil légal, connaît une institution aux effets similaires à ceux d’une adoption simple ;
Qu’en statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, la loi algérienne interdit l’adoption, que la kafala n’est pas une adoption et que, par ailleurs, l’enfant n’était pas né et ne résidait pas habituellement en France, la cour d’appel a violé le texte susvisé » (pourvoi n/ 0615265).
Par ces arrêts - la Cour de cassation rappelle ainsi le contenu ferme de la loi française et constate que l’enfant pris en Kafala n’entre pas dans le cas dérogatoire prévu, n’étant pas né et ne résidant pas habituellement sur le territoire.
Depuis lors, les tribunaux français ne sont nullement fondés à prononcer l’adoption simple des enfants marocains sous kafala, puisque l’adoption est interdite au Maroc et que la kafala n’est pas assimilable à cette institution.
La jurisprudence est constante !!
Depuis ces arrêts de la Cour de cassation de 2006, si les recueillant tentent d’obtenir le prononcé d’une adoption simple en se fondant sur divers arguments, et notamment et surtout sur la base des textes internationaux…(à cet égard, l’argument relatif à l’intérêt de l’enfant et la Convention du 20 novembre 1989 de New York relative aux droits de l’enfant est souvent invoqué)… cet argument ne saurait suffire à aller outre les dispositions de l’article 370-3 du Code civil.
Nous avons tous relevé qu’il était et est encore soutenu devant les Cours d’appel « qu’il est de l’intérêt supérieur de l’enfant, conformément à la Convention sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, conclue le 20 mai 1993, à l’article 3-1 de la Convention de New York du 20 novembre 1989, à l’article 55 de la Constitution française, et des articles 8 et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, d’admettre l’établissement d’une filiation au profit de l’enfant abandonné ».
Il est important de relever que si les textes internationaux imposent effectivement de prendre en compte l’intérêt de l’enfant, notamment en organisant sa prise en charge et sa protection, il n’est en aucun cas question de lui donner une filiation lorsqu’il en est dépourvu.
Un historique rapide des textes internationaux sera exposé, en mettant en évidence les principes qu’ils édictent…
La Convention de La Haye du 29 mai 1993, sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, prévoit en son article 4-a que l’adoption ne peut être prononcée que si les autorités compétentes de l’État d’origine ont établi que l’enfant est adoptable, ce qui n’est pas le cas lorsque l’adoption est interdite.
De même, la Convention de New York l’indique en son article 7, lequel dispose que l’enfant a « dans la mesure du possible, le droit de connaître ses parents et d’être élevés par eux ». Il s’agit des parents biologiques.
La Convention vise même expressément la Kafala en son article 20 :
« 1. Tout enfant qui est temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciales de l’Etat.
2. Les Etats parties prévoient pour cet enfant une protection de remplacement conforme à leur législation nationale.
3. Cette protection de remplacement peut notamment avoir la forme du placement dans une famille, de la kafala de droit islamique, de l’adoption ou, en cas de nécessité, du placement dans un établissement pour enfants approprié. Dans le choix entre ces solutions, il est dûment tenu compte de la nécessité d’une certaine continuité dans l’éducation de l’enfant, ainsi que de son origine ethnique, religieuse, culturelle et linguistique. »
Quant à la Convention européenne de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales, en son article 8 protège le droit au respect de la vie privée et familiale, tandis qu’en son article 14 interdit la discrimination dans les droits garantis par la Convention.
Il est important de souligner que l’article 8 vise à éviter les ingérences de l’État dans la sphère familiale des individus, il est curieux de l’invoquer pour exiger cette intervention étatique, a fortiori, pour priver l’enfant du statut qui est le sien en vertu de sa loi personnelle.
L’intérêt de l’enfant est indubitablement pris en compte par la législation française dans la mesure où sa prise en charge est prévue par le droit positif français.
Pour mémoire, en l’absence de toute filiation établie, les Kafils peuvent demander au juge de les nommer tuteurs du mineur et en cas de filiation établie, les juridictions renvoient à l’existence de l’institution de la délégation d’autorité parentale comme équivalent à la Kafala.
La délégation de l’autorité parentale est prononcée par le Juge de l’exequatur et permet au délégataire d’exercer presque tous les attributs de l’autorité parentale.
Car effectivement l’article 377 du Code civil dispose que « les père et mère, ensemble ou séparément, peuvent, lorsque les circonstances l’exigent, saisir le juge en vue de voir déléguer tout ou partie de l’exercice de leur autorité parentale à un tiers, membre de la famille, proche digne de confiance, établissement agréé pour le recueil des enfants ou service départemental de l’aide sociale à l’enfance.
En cas de désintérêt manifeste ou si les parents sont dans l’impossibilité d’exercer tout ou partie de l’autorité parentale, le particulier, l’établissement ou le service départemental de l’aide sociale à l’enfance qui a recueilli l’enfant peut également saisir le juge aux fins de se faire déléguer totalement ou partiellement l’exercice de l’autorité parentale.
Dans tous les cas visés au présent article, les deux parents doivent être appelés à l’instance.
Lorsque l’enfant concerné fait l’objet d’une mesure d’assistance éducative, la délégation ne peut intervenir qu’après avis du juge des enfants. »
L’article 377-3 précise que " Le droit de consentir à l’adoption du mineur n’est jamais délégué".
La définition de la Délégation de l’autorité parentale et celle de la Kafala se confondent assez aisément...d’où cette concordance !
Abordons à présent la position de la Cour Européenne face à ce refus de la France de voir un Jugement de Kafala « transformé » en adoption ?
La récente saisine de la CEDH a pour origine un arrêt de la 1ère chambre du 25 février 2009 (n°0811033 Bull n/ 41) de la Cour de cassation qui devait se prononcer sur la compatibilité de l’article 370-3 alinéa 2 du Code civil interdisant le prononcé d’une adoption pour les enfants de statut prohibitif, avec la CEDH et les conventions internationales notamment la Convention internationale des droits de l’enfant.
Il s’agissait en l’espèce d’un enfant, né en Algérie, sans filiation connue, et dont la recueillante sollicitait l’adoption plénière et, à défaut, l’adoption simple.
L’Attendu de principe de la 1ère Chambre civile a jugé mérite d’être reproduit :
« Mais attendu qu’après avoir relevé que la règle de conflit de l’article 370-3, alinéa 2, du code civil, renvoyant à la loi personnelle de l’adopté, était conforme à la Convention de la Haye du 29 mai 1993 sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale, celle ci n’ayant vocation à s’appliquer qu’aux seuls enfants adoptables, excluant ceux dont le pays d’origine interdit l’adoption, c’est sans établir de différence de traitement au regard de la vie familiale de l’enfant et sans méconnaître le droit au respect de celle-ci, que la cour d’appel, constatant que l’article 46 du code de la famille algérien prohibe l’adoption mais autorise la kafala, a rejeté la requête en adoption, dès lors que la kafala est expressément reconnue par l’article 20, alinéa 3, de la Convention de New York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l’enfant, comme préservant, au même titre que l’adoption, l’intérêt supérieur de celui-ci ».
La Requérante insatisfaite, cette décision a donc fait l’objet d’une requête devant la Cour européenne des droits de l’homme qui a statué, le 4 octobre 2012, dans une décision Harroudj / France (req 43631/09).
Pour la première fois, et de manière unanime la Cour de Strasbourg s’est positionnée sur l’épineuse problématique des enfants recueillis par kafala et dont la loi personnelle interdit d’être adoptés en France.
Pour ne reprendre que les grands axes de la décision, il sera souligné que :
Selon la Cour, le refus manifesté par la France de prononcer l’adoption d’un enfant accueilli en kafala est compatible avec les dispositions de l’article 8 de la CEDH, validant ainsi le raisonnement suivi par la 1ère chambre dans l’arrêt précité du 25 février 2009,
La Cour rappelle également que l’affaire concernait l’impossibilité pour une ressortissante française d’obtenir l’adoption d’une enfant algérienne recueillie au titre de la « kafala », mesure judiciaire permettant le recueil légal d’un enfant en droit islamique,
La Cour conclu ainsi qu’un juste équilibre avait été ménagé entre l’intérêt public et celui de la requérante, les autorités cherchant, dans le respect du pluralisme culturel, à favoriser l’intégration des enfants recueillis en vertu de la kafala, sans les couper immédiatement des règles de leur pays d’origine.
En résumé, la Cour Européenne conclut donc "qu’il n’y a pas eu manquement au respect du droit de l’intéressée à sa vie familiale. Qu’il n’y a donc pas, eu de violation de l’article 8 de la Convention”.
Cet arrêt Harroudj / France [du 4 octobre 2012 (req 43631/09)], expose donc une appréciation positive du dispositif français. Les procédures d’exequatur ne pourront donc se faire que sur la base d’une tutelle ou d’une délégation d’autorité parentale.
Le prochain article apportera des éclaircissements sur la possibilité d’obtenir une adoption simple ou plénière d’un enfant qui aura été recueilli par Kafala ...
Discussions en cours :
Bonjour
il est possible d’adopter l’enfant recueilli par kafala en suivant les étapes
1/ souscription de la nationalité française au bout de 3 ans
2/ constitution d’un conseil de famille qui nomme le tuteur de l’enfant selon le droit francais
3/ le conseil de famille vote en faveur de l’adoption de l’enfant par le tuteur
4/ demande d’adoption de l’enfant recueilli après avis favorable du conseil de famille.
Pour plus de renseignement surla procédure, voir le Forum de la Kafala en Algérie et au Maroc
https://forum-kafala.forumactif.com/
Je souhaite savoir si les deux étapes sont obligatoires ?
2/ constitution d’un conseil de famille qui nomme le tuteur de l’enfant selon le droit Français
3/ le conseil de famille vote en faveur de l’adoption de l’enfant par le tuteur
car, je souhaite déposer une demande d’adoption plénière, à cette demande j’ai la naturalisation de mon fils et son jugement d’exequatur ainsi que la kafala et le jugement d’abandon.
pouvez-vous me répondre à ces question ?
je vous remercie d’avance
www.Kafala.fr vient en aide aux enfants abandonnés et aux orphelins du Maroc. Afin d’offrir à ces enfants une situation stable et pérenne, notre association soutient les personnes désireuses de prendre en charge un orphelin. Expertise et expérience dans la procédure de recueil légal : la Kafala judiciaire (Tutelle). Si vous aimez n’oubliez pas de cliquer sur j’aime ! http://www.facebook.com/kafala À partager !
je souhaite adopter un jeune garcon marocain de 26 ans qui na plus de famille que puige fair pour lui redonner une situation corecte ?
Aujourd’hui’ est il possible de faire une adoption plénière en France pour un enfant Algérien.
Bonjour, je suis ravi de savoir cela mais comment pouvez vous affirmer cela sachant que mainte procédure ont été faite et peu d’élue. J’ai besoin d’en savoir un peu plus pour entamer moi même une procédure pour mon enfant. Merci par avance. Linda
Merci pour votre excellent travail. Une consœur de Bourges
je vous laisse la suite a lire
http://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/avis_cour_15/integralite_avis_classes_annees_239/2012_4160/17_decembre_2012_01200010_4469/avocat_general_25095.html
pouvez vous nous expliquer ce texte du code algérien ?
Art. 13 ter. (Nouveau) -
La validité du recueil légal (Kafala) est soumise simultanément à la loi nationale du titulaire du droit de recueil (Kafil) et à celle de l’enfant recueilli (Makfoul) au moment de son établissement. Les effets du recueil légal (Kafala) sont soumis à la loi nationale du titulaire du droit de recueil (Kafil).L’adoption est soumise aux mêmes dispositions.
(merci maitre