Communication électronique : lorsque avocat et juge se perdent dans la jungle des textes.

Par Romain Laffly, Avocat.

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On connaissait les affres des délais des articles 902 et suivants du Code de procédure civile, les subtilités du champ de compétences du conseiller de la mise en état, les pièges des appels incidents et provoqués, comme l’interprétation stricte, parfois au-delà des textes, qui en est faite par la Cour de cassation, mais il faut reconnaître que l’on tient, avec l’article 930-1 du Code de procédure civile, une autre source de dangers et de difficultés.

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Par arrêt du 1er décembre 2016, la deuxième chambre civile juge que l’article 930-1 du Code de procédure civile est applicable à la déclaration de saisine de la cour d’appel de renvoi saisie après cassation (Civ. 2e, 1er déc. 2016, n° 15-25.972, Dalloz actualité, 14 déc. 2016, obs. C. Bléry).
A priori, la position de la Cour de cassation ne semble pas illogique puisque l’article 930-1 dispose sans ambiguïté que, depuis le 1er janvier 2013, « à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique ». On aurait pu hésiter à limiter l’application de l’article 930-1 à la procédure Magendie, c’est-à-dire à la déclaration d’appel et ses suites, mais la Cour de cassation vient rappeler que cette obligation prévaut pour tous les actes des
procédures avec représentation obligatoire.

Voilà la théorie de la voie électronique, mais qu’en est-il en pratique ? Certes, l’article 1032 du Code de procédure civile précise qu’après cassation, « la juridiction de renvoi est saisie par déclaration au secrétariat de cette juridiction » ce qui peut laisser place à la voie électronique et doit exclure, comme dans l’espèce soumise au contrôle de la Cour de cassation, une saisine par simple courrier, mais la voie électronique peut-elle être exigée pour autant à peine d’irrecevabilité et comment alors procéder ? Au moment d’accomplir un acte devant la cour, le praticien est confronté en réalité
à une double interrogation. D’une part, l’avocat doit s’accommoder de la piètre qualité des textes sur la communication électronique parmi lesquels l’arrêté du 30 mars 2011 et ses textes modificatifs successifs visant les actes pouvant être effectués par voie électronique, et ceci à l’aune de l’article 930-1, alinéa 4, qui précise qu’« un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique », lequel est imposé par l’article 748-6 du Code de procédure civile.

D’autre part, l’avocat est confronté, parfois, à une impossibilité technique ou pratique résultant du réseau privé virtuel des avocats (RPVA) ou du greffe. En premier lieu, comme le dénonce très justement Corinne Bléry, l’insécurité juridique reste de mise puisque la Cour de cassation semble donner une portée générale à l’article 930-1 dans les procédures avec représentation obligatoire mais fait l’impasse sur cet alinéa 4 de l’article 930-1 comme sur l’existence de l’arrêté précité, non invoqué par le pourvoi, qui ne prévoit pourtant pas la déclaration de saisine parmi les actes qui
peuvent être accomplis par voie électronique. La réponse de la Cour de cassation n’est peut-être pas définitive.

En second lieu, et du fait notamment de ce flou bien peu artistique, les pratiques s’avèrent différentes selon les juridictions. Très concrètement, si la déclaration de saisine ne faisait pas partie dans un premier temps des développements du RPVA (pas de champ spécifique, pas de possibilité d’annexer l’ensemble des décisions intervenues), la déclaration de saisine est désormais possible grâce à un onglet, comme pour la déclaration d’appel et la constitution d’intimé, prévu à cet effet. Mais à la différence d’une déclaration d’appel immédiatement enregistrée, certains greffes, devant la difficulté de retraitement de cet acte spécifique, ont tantôt pris l’habitude d’enregistrer immédiatement la déclaration de saisine comme un acte d’appel classique, tantôt l’ont traité électroniquement en demandant qu’un acte de déclaration de saisine soit aussi établi par la voie papier, tantôt ont demandé que les déclarations de saisine ne soient faites que sur support papier et déposées au greffe de la juridiction.

Dès lors, puisque la Cour de cassation retient l’application de l’article 930-1, alinéa 1er, pour la déclaration de saisine, la fameuse cause étrangère de l’article 930-1, alinéa 2, pourrait donc être revendiquée par celui qui accomplit l’acte. Si cet alinéa prévoit que l’acte est établi sur support papier et remis au greffe, on notera – mais pas uniquement dans un souci polémique – que la suite n’est envisagée que sous l’angle de la déclaration d’appel (« En ce cas, la déclaration d’appel est remise au greffe […] »), ce qui démontre un peu plus que l’exigence de la voie électronique pour la déclaration de saisine ou pour d’autres actes que l’acte d’appel lui-même n’a jamais semblé une considération première…

Enfin, s’il est aisé de prétendre que tout acte de procédure, en représentation obligatoire, doit désormais être régularisé par la voie électronique conformément à l’article 930-1, il apparaît bien moins facile en pratique – et sans même considérer les champs électroniques qui ne sont pas toujours les mêmes devant les juridictions, ce qui est un comble – de régulariser certains actes par le RPVA. Car, à l’instar de ce qu’avait jugé la Cour de cassation s’agissant de la communication des pièces censées être communiquées simultanément avec les conclusions (Cass., avis, 25 juin 2012,
n° 1200005, Dalloz actualité, 23 juill. 2012, obs. T. de Ravel d’Esclapon ) avant qu’elle opère un revirement notamment en raison des limites techniques du RPVA (Civ. 2e, 30 janv. 2014, n°12-24.145, Dalloz actualité, 13 févr. 2014, obs. M. Kebir ; Cass., ass. plén., 5 déc. 2014, n°13-19.674, Dalloz actualité, 12 déc. 2014, obs. M. Kebir ), la communication électronique telle que rêvée par la haute juridiction n’est pas vraiment celle que connaissent les praticiens. Et c’est peut-être là le vrai risque pour l’avocat qui voudra respecter l’article 930-1 du code de procédure civile.

C’est ainsi que, sans prétention d’exhaustivité, l’avocat se livrera à une véritable « gymnastique électronique » (souvent vouée à l’échec mais cela pourra aussi dépendre de la cour devant laquelle il se trouve) afin de notifier ses actes dans une procédure close mais soumise à la procédure avec représentation obligatoire, comme dans le cas d’une opposition à arrêt, d’une remise au rôle après radiation, d’un recours en révision, d’une requête en rectification ou en omission, voire sur simple
déféré si le dossier est clôturé une fois l’ordonnance de caducité ou d’irrecevabilité rendue.

L’avocat saura encore, bien sûr, qu’il doit procéder de même en cas d’appel d’une sentence arbitrale et surtout en cas de recours en annulation (lequel n’est pas un acte d’appel), bien que, dans cette hypothèse, un texte, l’article 1495 du Code de procédure civile, procède par renvoi aux articles 900 à 930-1 du même code, et ce quand bien même le recours en annulation d’une sentence arbitrale ne figure pas dans les actes visés par l’arrêté du 30 mars 2011 et que le RPVA ne connaît pas non plus le recours en annulation. L’avocat y pensera encore au moment de procéder par voie de requête à jour fixe dans les conditions de l’article 917 du Code de procédure civile ou lorsque la loi l’exige comme en matière d’appel de plan de cession ou de jugement d’orientation, alors que nombre de cours exigent, à peine d’irrecevabilité, que l’ensemble des formalités imposées soient accomplies, dans les délais, par voie papier. L’avocat veillera enfin, au moment de transmettre son acte par RPVA, à ne pas commettre une erreur de code car, même si ses écritures étaient réceptionnées par le greffe et son confrère sous forme électronique, cette erreur dans le libellé du message imposé par le RPVA entraînerait la caducité du recours (Civ. 2e, 28 mai 2015, n° 14-28.233, Dalloz actualité, 16 juin 2015, obs. M. Kebir ).

Bien évidemment, si l’arrêté du 30 mars 2011 n’a pas même été envisagé pour la déclaration de saisine, c’est cette fois l’arrêté du 5 mai 2010 qui s’imposera si cet avocat se trouve dans une procédure sans représentation obligatoire devant la cour d’appel : son appel interjeté via le RPVA sera donc recevable (Civ. 2e, 10
nov. 2016, n° 14-25.631, Dalloz actualité, 6 déc. 2016, obs. R. Laffly ) mais ses écritures, également notifiées par voie électronique, seront cependant jugées irrecevables (Civ. 2e, 10 nov. 2016, n° 15-25.431, Dalloz actualité, 1er déc. 2016, obs. R. Laffly ).
Mais, comme le dit la Cour de cassation dans l’attendu de ce dernier arrêt, tout cela est bien évidemment « dénué d’ambiguïté pour un professionnel avisé comme un auxiliaire de justice lorsqu’il recourt à la communication électronique »… De la théorie à la pratique. Einstein l’avait déjà résumé : la théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne et que personne ne sait pourquoi.

Romain Laffly associé chez Lexavoue Lyon

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